A quelques occasions, je vous ai indiqué que la retraite par répartition était une chaîne de Ponzi, et que ce fait relevait des mathématiques et donc dépassait toute analyse sur la conjoncture ou la démographie. C’est-à-dire qu’un mathématicien dans sa tour d’ivoire, ne connaissant strictement rien au monde extérieur, pouvait dès le début montrer que ce système était impossible, et ce hors de toute considération concrète. Et d’ailleurs, les économistes le savaient.
J’imagine que certains de mes lecteurs sont déjà sceptiques quant à l’usage des mathématiques en économie sans considérations pour le concret. Je leur répondrais que quelque chose qui respecte les mathématiques n’est pas nécessairement réel (et donc ni digne d’intérêt). En revanche, quelque chose qui ne respecte pas les mathématiques ne peut tout simplement pas être réel.
Valeur future et valeur présente
Pour comprendre ma démonstration, il est nécessaire de comprendre ce qu’est une valeur future, et réciproquement une valeur présente. La valeur dans un an d’un euro aujourd’hui, correspond au nombre d’euros que vous obtiendriez en échangeant votre euro d’aujourd’hui. Concrètement, vous donneriez un euro aujourd’hui, et recevriez une somme dans un an. La différence entre les deux est définie par le taux d’intérêt, i, sur la période. Ainsi :Cela signifie que si vous renoncez à consommer 1€ tout de suite, vous libérez un pouvoir d’achat un peu plus grand que 1€ dans un an.
Et inversement
Ce qui implique que si vous renoncez à dépenser 1€ dans un an, cela vous permet de dépenser un peu moins de 1€ en plus aujourd’hui.
De même, si vous aviez échangé des euros actuels, contre des euros de dans t périodes, vous auriez dû composer les intérêts, pour réaliser le même type de raisonnement. Vous auriez :
Par transfert de pouvoir d’achat du présent vers le futur :
et, du futur vers le présent :
Ainsi la valeur actuelle d’une dépense à une période t, est égale à :
Ce qui signifie que si vous placez cette somme aujourd’hui sur un compte en banque, vous aurez à la période t exactement le montant nécessaire pour réaliser votre dépense
Ce raisonnement permet d’établir la « contrainte budgétaire intertemporelle » d’un agent économique.
Cette contrainte traduit le fait qu’à une période t, vous n’êtes pas obligé d’équilibrer vos dépenses () et vos revenus (), car vous pouvez par l’épargne déplacer vos revenus présents vers le futur (avec le gain d’un taux d’intérêt) ou déplacer des revenus futurs vers le présent par l’emprunt (avec la perte du taux d’intérêt).
Vous respectez votre contrainte budgétaire intertemporelle si la valeur actuelle de vos dépenses présentes et futures est inférieure ou égale à la valeur actuelle de vos revenus présents et futurs. C’est la condition de votre solvabilité à long terme.
La retraite par répartition
La condition de solvabilité
Dans les modèles macroéconomiques, la contrainte budgétaire intertemporelle a un nom croustillant. On l’appelle « no ponzi game condition ». Dans le cas de la retraite par répartition, cette condition s’écrit :C’est-à-dire que la valeur présente de l’ensemble des cotisations présentes et futures couvre la valeur présente de l’ensemble des pensions présentes et futures . Cela autorise le système à être parfois en déficit (et donc de perdre le paiement d’intérêts sur une dette) et parfois à constituer des réserves (et donc de dégager du rendement sur leur placement). Mais si cette condition n’est pas remplie, le système n’est pas financièrement stable, c’est alors un ponzi qui a besoin d’apports extérieurs pour survivre.
Les financiers connaissent quant à eux ces sommes sous les termes « somme des flux actualisés » ou, en anglais, « discounted cash flows ».
Preuve du Ponzi
Démontrons désormais qu’il s’agit effectivement d’un Ponzi.Le système par répartition prétend donner un meilleur rendement que l’épargne (sans quoi il n’a aucun intérêt, vu qu’il suffirait d’épargner les cotisations). Si on note r le rendement de la répartition, et que nous rappelons que i est le taux d’intérêt sur l’épargne, on a donc :
D’où :
Ce qui signifie qu’il a été plus profitable à la période t-1 de placer ses cotisations dans le système par répartition que de les épargner. Par ailleurs, par définition du rendement r du système par répartition, on a :
C’est à dire que la différence entre ce que touchent les retraités en pension en t et ce qu’ils avaient versé en cotisations en t-1 est expliqué par le rendement r du système. Si le système est favorable à chaque génération, on a donc
Ce qui implique :
Donc par sommation sur toutes les générations cotisantes, on obtient :
En simplifiant la somme de gauche, on déduit :
Et enfin, par changement de variable sur la somme de gauche, on a :
Or on sait que les premiers pensionnés ont reçu une pension positive, c’est-à-dire :
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Donc on obtient une inégalité stricte en ajoutant à droite :
En réintroduisant les premières pensions dans la somme, on obtient finalement :
C’est-à-dire une relation qui ne respecte pas la « no ponzi game condition ». La valeur actuelle des recettes est inférieure à celle des dépenses.
Concrètement, que cela veut-il dire ? Cela signifie qu’il est impossible que le système délivre un rendement strictement supérieur au taux d’intérêt pour chaque génération. Cela implique aussi, que si une génération a obtenu du système un rendement supérieur à celui de l’épargne, au moins une autre génération obtiendra un rendement inférieur à l’épargne. Il s’agit, vis-à-vis de l’épargne, d’un jeu à somme nulle. Cela signifie que si une génération a bénéficié du système, une autre seranécessairement perdante. Or, ceci est toujours le cas, car à l’initialisation d’un système par répartition, une génération reçoit la première des pensions, sans avoir versé de cotisations auparavant (vu que le système n’existait pas) : elle obtient donc un rendement infini.