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Acrithène

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Acrithène est doctorant en finance, auteur d'un blog où il tente de combler le fossé séparant la science économique du grand public.

Le Blog d'Acrithène

La reproduction sociale est-t-elle nécessairement une mesure d’injustice ?

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Dans un article récent intitulé « L’école polytechnique, ce concentré d’inégalités », Le Monde, dénonce la reproduction des élites au sein des Grandes Écoles. Ce qui m’a frappé dans cet article, c’est l’opposition de deux logiques. Celle de l’école polytechnique, qui se préoccupe de recruter les meilleurs étudiants passant son concours, et celle du journaliste qui interprète la composition sociale et l’origine géographique des admis comme preuves d’une immense injustice sociale.

Il y a des choses à modifier dans le processus de recrutement des Grandes Écoles, certes. Mais il faut s’insurger contre cette tendance à associer systématiquement la reproduction sociale à une forme d’injustice. La France moderne s’est construite sur le rejet de l’Ancien Régime, un système où le mode de sélection des élites était explicitement héréditaire. Elle lui a substitué un idéal différent dans lequel les qualités propres à chaque individu devraient être prépondérantes.

L’escroquerie intellectuelle qui muselle le débat public consiste à conclure qu’un système qui tend, dans ses résultats, à reproduire des disparités sociales d’une génération à l’autre est nécessairement éloigné de cet idéal. Que si les enfants de familles plus riches ont davantage de succès, c’est que le système les favorise. Le système favorise certainement les enfants issues de familles riches : c’est un scandale que l’école polytechnique rémunère ses étudiants au lieu de leur facturer leur scolarité. Mais cela ne signifie ni qu’un système idéal ne reproduirait pas les disparités sociales, ni que l’essentiel de la reproduction sociale observée dans le système actuel vienne de dysfonctionnements.

Imaginons un instant un scénario proche du film La vie est un long fleuve tranquille, dans lequel une infirmière peu scrupuleuse échange deux nouveaux nés, l’un d’un père polytechnicien, et l’autre d’une famille misérable et voleuse. Si le système avait tendance à reproduire les inégalités sociales à la manière de l’Ancien Régime, on s’attendrait à ce que les deux enfants aient un avenir principalement déterminé par les caractéristiques de la famille qui les a élevés.

D’après les études menées sur les enfants adoptés aux États-Unis, cette hypothèse est immensément surestimée. La famille d’adoption joue un rôle important mais limité. Pour le montrer, Bruce Sacerdote (2006) utilise un échantillon de plus de 1500 enfants adoptés et aléatoirement « distribués » dans des familles aux caractéristiques socio-économiques différentes et produit les graphiques qui suivent.

Le premier graphique, montre le nombre moyen d’années d’éducation des enfants en fonction du niveau d’éducation de leur mère. Clairement, une mère au niveau d’instruction faible représente un désavantage pour tous les enfants, mais à partir d’un certain niveau, le niveau scolaire de la mère ne joue plus aucun rôle dans la performance des enfants adoptés. La reproduction ne se produit que si l’enfant est biologique.

AdoptionEducation

Plus impressionnant, le second graphique représente la reproduction des inégalités de revenus selon que l’enfant est biologique ou adopté. Le revenu des enfants est très fortement corrélé au revenu des parents, à condition qu’il s’agisse des parents biologiques. Il ne semble y avoir aucun lien entre le revenu des parents et des enfants en cas d’adoption.

AdoptionIncome

Pour ceux qui s’étonneraient de ces résultats, rappelons que la corrélation aux tests de QI de deux jumeaux parfaits élevés séparément est de 76%, contre seulement 4% pour des adultes sans liens biologiques élevés ensemble.

Référence :

  • Sacerdote, B. « What Happens When We Randomly Assign Children to Families? », 2006
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