La crise revient en force. Les États les plus vaillants perdent leurs précieux AAA, les autres sont englués dans des déficits sans fond mettant à mal leurs partenaires. La croissance au mieux ralentit, le plus souvent s’enraye et au pire passe en négatif. Les valeurs s’évaporent, les milliards disparaissent en fumée et le chômage s’installe.
Comme le dit un économiste keynésien reconnu1 : « Le problème, c’est que plus personne ne gouverne […]. Il n’y a jamais eu de machine économique autorégulée : ce sont toujours les politiques qui, en dernière instance, ont été à la direction des affaires ; il faudrait qu’ils en reprennent conscience. » En effet, nos gouvernants sont à la peine face à une crise économique majeure. Mais si tout le monde s’accorde pour un objectif commun de prospérité, de plein emploi, de liberté des échanges dans un monde idéal, il y a encore loin de la coupe aux lèvres et les moyens d’une sortie de crise manquent cruellement.
Qui pourra sortir de son chapeau la mesure, la réglementation, la loi, la taxe ou l’incitation qui remettra les acteurs économiques en ordre de marche sur la voie de la croissance ? C’est aujourd’hui la foire aux (fausses) bonnes idées.
C’est ainsi que réapparaissent les serpents de mer habituels à commencer par la taxe sur les transactions financières. L’idée est simple et populaire : deux qualités essentielles en ces temps de complexité systémique et de populisme pré-électoral : ponctionnons d’une infime proportion l’énorme masse des transactions financières. Ce serait indolore, simple, efficace et immédiat et pourrait rapporter des milliards. L’idée n’est pas neuve, nous fêterons même ses quarante ans l’an prochain. M. Tobin, Prix Nobel d’économie l’avait en effet suggérée en 1972.
Malheureusement, cette bonne idée n’en n’est pas une pour des raisons aussi simples que l’idée elle-même. Premièrement, il est techniquement impossible de taxer systématiquement les transactions OTC, ou marchés de gré à gré, qui représentent l’écrasante majorité (90%) des transactions mondiales. Par nature, ces transactions sont décentralisées, se jouent des frontières, des continents et des systèmes fiscaux nationaux.
Deuxièmement, les seuls marchés véritablement « taxables » sont les bourses organisées comme le sont les marchés d’actions (Bourse de Paris ou de Londres, Wall Street ou Calcutta). Mais chacun sait que ces marchés officiels sont de plus en plus concurrencés par des plates-formes offshores et alternatives qui mettent en relation à bas coût et très discrètement acheteurs et vendeurs. Autant dire que la taxation de ces transactions ne se fera pas facilement.
Reste une solution évidente vers laquelle nous nous dirigeons : taxer encore plus les banques par qui ces transactions transitent obligatoirement. Simple, trop simple ! Taxer les banques c’est les contraindre à augmenter leurs marges et donc les taux d’intérêt réels servis aux acteurs économiques…autant jeter immédiatement de l’huile sur l’incendie de la crise.
Si la taxe Tobin n’a jamais été mise en œuvre en 40 ans, il y a probablement de bonnes raisons.
Pierre-Antoine Dusoulier, Président Saxo Banque France