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Pierre-Antoine Dusoulier : La crise et le retour de le taxe sur les transactions financières

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La crise revient en force. Les États les plus vaillants perdent leurs précieux AAA, les autres sont englués dans des déficits sans fond mettant à mal leurs partenaires. La croissance au mieux ralentit, le plus souvent s’enraye et au pire passe en négatif. Les valeurs s’évaporent, les milliards disparaissent en fumée et le chômage s’installe.

Comme le dit un économiste keynésien reconnu1 : « Le problème, c’est que plus personne ne gouverne […]. Il n’y a jamais eu de machine économique autorégulée : ce sont toujours les politiques qui, en dernière instance, ont été à la direction des affaires ; il faudrait qu’ils en reprennent conscience. » En effet, nos gouvernants sont à la peine face à une crise économique majeure. Mais si tout le monde s’accorde pour un objectif commun de prospérité, de plein emploi, de liberté des échanges dans un monde idéal, il y a encore loin de la coupe aux lèvres et les moyens d’une sortie de crise manquent cruellement.

Qui pourra sortir de son chapeau la mesure, la réglementation, la loi, la taxe ou l’incitation qui remettra les acteurs économiques en ordre de marche sur la voie de la croissance ? C’est aujourd’hui la foire aux (fausses) bonnes idées.

C’est ainsi que réapparaissent les serpents de mer habituels à commencer par la taxe sur les transactions financières. L’idée est simple et populaire : deux qualités essentielles en ces temps de complexité systémique et de populisme pré-électoral : ponctionnons d’une infime proportion l’énorme masse des transactions financières. Ce serait indolore, simple, efficace et immédiat et pourrait rapporter des milliards. L’idée n’est pas neuve, nous fêterons même ses quarante ans l’an prochain. M. Tobin, Prix Nobel d’économie l’avait en effet suggérée en 1972.

Malheureusement, cette bonne idée n’en n’est pas une pour des raisons aussi simples que l’idée elle-même. Premièrement, il est techniquement impossible de taxer systématiquement les transactions OTC, ou marchés de gré à gré, qui représentent l’écrasante majorité (90%) des transactions mondiales. Par nature, ces transactions sont décentralisées, se jouent des frontières, des continents et des systèmes fiscaux nationaux.

Deuxièmement, les seuls marchés véritablement « taxables » sont les bourses organisées comme le sont les marchés d’actions (Bourse de Paris ou de Londres, Wall Street ou Calcutta). Mais chacun sait que ces marchés officiels sont de plus en plus concurrencés par des plates-formes offshores et alternatives qui mettent en relation à bas coût et très discrètement acheteurs et vendeurs. Autant dire que la taxation de ces transactions ne se fera pas facilement.

Reste une solution évidente vers laquelle nous nous dirigeons : taxer encore plus les banques par qui ces transactions transitent obligatoirement. Simple, trop simple ! Taxer les banques c’est les contraindre à augmenter leurs marges et donc les taux d’intérêt réels servis aux acteurs économiques…autant jeter immédiatement de l’huile sur l’incendie de la crise.

Si la taxe Tobin n’a jamais été mise en œuvre en 40 ans, il y a probablement de bonnes raisons.

Pierre-Antoine Dusoulier, Président Saxo Banque France

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1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire sacha Pouget lundi, 05 septembre 2011 15:16 Posté par sacha Pouget

    Bonjour,

    on se dirige tout droit vers une Taxe. C'est inéluctable. C'est vrai qu'on en parle depuis 30 ans. Désormais il y a un consensus qui dépasse tous les clivages. Ce matin encore on a eu le ministre allemand des Finances qui s'est prononcé pour cette taxe , mettant en avant le rôle moteur de l'Europe.

    Ensuite, sous quelle cela va-t-il se matérialiser ? L'idée d'une Taxe sur les HFT fait son chemin. Sachant qu'ils comptent pour 30% des volumes en Europe (source AMF) et au moins 60% aux US (source: Nanex): cette taxe rapporterait des dizaines de Milliards € et calmerait les ardeurs de ceux qui utilisent les Algo pour vampiriser le marché. De plus elle ne toucherait pas les autres intervenants - pour info cette idée sur la taxation du HFT a été abordée par les ministres des finances du G7 de Toronto en 2007. Il paraît qu'ils en reparleraient...

    Ensuite vous dites "par nature, ces transactions sont décentralisées, se jouent des frontières"

    Et bien, pour taxer l'OTC : il suffit de récolter la taxe au niveau des Dépositaires. En tous cas, rien de compliqué. Techniquement c'est ce qu'il se fait par exemple, vous qui connaissez bien les marchés, avec la Stamp Duty sur Londres ou le HMR débite le compte des clients des courtiers.

    Pour parler cash : il suffira en fin de compte de rajouter une taxe (dans le cas du LSE - 'Crest' - qui aux UK) ou bien d'en créer une sous cette même forme dans les autres pays. Aucune limite n'existe pour empêcher cette taxe de fonctionner.

    Ensuite vous parlez des plateformes alternatives de type MTF et des Dark Pools qui pourraient compliquer la tâche. Concrètement, on va avoir des flux qui vont être trackés avec des trades qui seront référencés. ça se fait sans souci. Et ça permet de taxer.

    Au final, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dîtes "taxer les banques". En fait, c'est taxer les clients des banques. Pour les Banques, ça ne changera absolument rien. Aucun impact sur leurs marges! C'est simplement que le client paiera davantage en fees (pas de gros impact cependant, ça serait du genre 0.10 à 0.30%).

    Ensuite, pour le timing de l'application on verra. Manifestement le temps des politiques n'est pas celui des marchés...

    Cdt, sacha