Vous n'êtes pas membre (devenir membre) ou pas connecté (se connecter)
Georges Kaplan

Georges Kaplan

Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui pense pour l’essentiel s’inscrire dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps en publiant des articles sur son blog http://ordrespontane.blogspot.com/

Le hasard n’existe pas

Audience de l'article : 2355 lectures
Nombre de commentaires : 1 réaction
À la fin de son cours, un professeur lance un défi à ses étudiants : ils doivent, pour la prochaine séance, concevoir une fonction capable de générer dix nombres aléatoires. En sortant de la salle de classe, la plupart des étudiants sont intimement persuadés de la trivialité de l’exercice ; en une demi-heure, se disent-ils, ce sera bouclé. Ils rentrent chez eux, s’installent devant leur ordinateur et c’est là qu’ils commencent à réfléchir.

La tâche qui consiste à concevoir un générateur de nombres aléatoires est aussi simple en apparence qu’elle est complexe en réalité. Comment créer le hasard ? Comment concevoir un algorithme – c’est-à-dire un système forcément déterministe – qui génère un résultat qui échappe à toute explication déterministe ? Eh bien c’est impossible. Les esprits les plus brillants se sont frottés à ce problème et tous en ont conclu qu’il n’est tout simplement pas possible de créer un tel algorithme. Tous les générateurs de nombres aléatoires [1] sont en réalité des générateurs de nombres pseudo-aléatoires ; c’est-à-dire qu’ils simulent le hasard en créant des séquences de nombres dont il est plus ou moins difficile d’identifier les propriétés déterministes.

Une manière de s’approcher au plus près de l’aléa parfait consiste à s’appuyer sur des phénomènes physiques présumés imprévisible [2] comme, par exemple, le lancer d’un dé. Comme nous sommes, apriori, incapables de déterminer à l’avance sur quelle face le dé va tomber, nous considérons que la séquence de nombres de 1 à 6 qui résultera de plusieurs lancers sera aléatoire. Mais cela signifie-t-il qu’elle l’est vraiment ? Certainement pas : elle est en réalité entièrement déterminée par les lois de la physique. Avec un équipement adéquat, nous pourrions prédire précisément le résultat de chaque lancer ou faire en sorte que le dé tombe à chaque fois sur la même face. Ce qui donne ici l’illusion de l’aléa, c’est le fait que la main de celui qui lance le dé n’est pas un instrument suffisamment précis pour influer sciemment sur le résultat. Du moins en principe.

Les générateurs présumés les plus performants, plutôt que des dès, utilisent aujourd’hui des phénomènes quantiques. Il y a deux manières de justifier cela : l’interprétation classique de la théorie quantique qui veut que ces phénomènes sont vraiment aléatoires (le chat de Schrödinger à la fois mort et vivant) et celle selon laquelle les variables quantiques suivent des lois déterministes que nous ne connaissons pas (le chat est dans un état déterminé mais nous ne savons pas lequel et nous ne savons pas pourquoi). Je suis, bien sûr, parfaitement incompétent en la matière mais mon intuition me pousse à suivre Einstein [3] : Dieu ne joue pas aux dés dans l’Univers, il y a là derrière quelque chose qui nous échappe encore ; Feyman lui-même ne disait-il pas que « personne ne comprend vraiment la physique quantique » ?

Quoiqu’il en soit, et dans l’état actuel de nos connaissances en dehors du domaine quantique, l’aléa n’existe pas. C’est un abus de langage, un concept pratique qui nous permet de désigner le produit de chaînes de causalité trop complexes pour que nous pussions en comprendre le caractère déterministe. Le hasard n’est qu’une illusion ; nous vivons dans un monde déterministe mais nous vivons aussi dans un monde infiniment complexe dans lequel, bien souvent, les liens de causalité nous échappent.

--- 
[1] La fonction ALEA() sous Excel par exemple. 
[2] Ou à combiner un générateurs de nombres pseudo-aléatoires à des phénomènes physiques. 
[3] Et oui, je sais pour le paradoxe EPR.

Poster un commentaire

1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire Guéguen lundi, 07 juillet 2014 12:37 Posté par Breizh-Tonio

    Bonjour,


     


    Merci pour cet article.


    Comment concilier-vous le caractère purement déterministe du monde avec le libre arbitre de chacun ?


    Dans votre exemple du lancer de dés, on comprend très bien qu'une fois connu l'ensemble des paramètres initiaux (en supposant que l'on dispose des outils de mesures nécessaires et des capacités de calcul requises), on sera capable de déterminer sur quelle face le dé va s'arrêter. Je suis parfaitement d'accord avec vous.


    Je pense que nous ne devrions pas qualifier de hasard "le produit d'une chaine de causalités trop complexes", mais que le hasard est en réalité le produit du libre abitre du lanceur qui "choisit" la vitesse initiale qu'il donne au dé et la hauteur du lacher.


    Vous êtes donc incapable de déterminer sur quelle face s'arrêtera le dé avant qu'il ne quitte la main du lanceur, non pas à cause de chaînes de causalité trop complexes mais parce que vous ne pouvez accéder à ce que pense le lanceur.


    Dans le cas contraire, si on considère que l'on est capable de déterminer la façon dont sera effectué le lancer et donc l'ensemble des paramètres initiaux "a priori" (avant que le dé ne quitte la main du lanceur), en mesurant les réactions chimiques et électriques au sein du cerveau du lanceur, alors cela reviendrait à affirmer que le libre arbitre n'existe pas.


     


    Affirmer que le hasard n'existe pas et que le monde est purement déterministe conduirait à affirmer que le libre arbitre n'existe pas. Qu'en pensez-vous ?


     


    Bien cordialement,


    Antoine