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Georges Kaplan

Georges Kaplan

Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui pense pour l’essentiel s’inscrire dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps en publiant des articles sur son blog http://ordrespontane.blogspot.com/

Le tabac, un marché bien organisé

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C’est passé relativement inaperçu, on l’a appris le 30 août : Bercy a renoncé à l’augmentation des prix du tabac initialement prévue pour ce mois d’octobre. C’est l’occasion de refaire un petit point sur le marché du tabac en France.

Primo, il faut bien comprendre que « la vente au détail des tabacs manufacturés est un monopole confié à l’administration des douanes et droits indirects qui l’exerce par l’intermédiaire des débitants de tabac et des revendeurs » [1]. C’est-à-dire que les débitants de tabac sont, tout à fait officiellement, des « préposés de l’administration », que leurs prix de vente sont fixés par arrêté [2] et que leurs marges – et donc ce qui reste aux fabricants – sont fixées par l’État [3].

Deuxio, il faut aussi savoir que sur le prix fixé pas ses bons soins, l’État se réserve la part du lion : par exemple, au 1er janvier 2013, le moindre paquet de cigarette vendu 6,2 euros chez votre buraliste générait 3,97 euros de droits de consommation (i.e. droits d’accise) et 1,01 euros de TVA ; soit une charge fiscale totale de 4,98 euros, 80,32% du prix de vente ou 408,2% du prix hors taxes [4]. Naturellement, la vente de tabac est donc une activité hautement rémunératrice pour l’État : en 2012, rien qu’avec les droits d’accise, les douanes ont encaissé un peu plus de 11 milliards d’euros [5].

Tercio, nonobstant ce qui précède, l’État entend protéger les fumeurs contre eux-mêmes en augmentant régulièrement les prix ; depuis 2009, il a même accéléré le rythme : rien que sur l’année écoulée, le prix du paquet de cigarette a augmenté de 60 centimes (40c en octobre 2012 et 20c en juillet 2013) ; soit plus de 10% de hausse. Évidemment, malgré le caractère addictif de ces produits, il arrive un moment où la consommation baisse effectivement : selon Bercy, rien qu’entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2013, les ventes de cigarettes se seraient contractées de 8%.

Quelques petites réflexions s’imposent :

Manifestement, l’effet de Laffer est une réalité tout à fait concrète : là où les étatistes dénoncent régulièrement un mythe ultralibéral, on constate bien que la hausse des taxes prélevés sur le tabac se traduit par une baisse des volumes de vente ; c’est-à-dire que, pour citer Jean-Baptiste Say [6], « un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. » De toute évidence, c’est ce que reconnait implicitement Bercy en renonçant à la hausse des prix prévue en octobre : la hausse du taux ne compense plus la réduction de l’assiette et l’État a besoin d’argent.

On m’opposera, sans doute, qu’il a fallu taxer le prix hors taxe à plus de 400% pour que ça se produise : c’est vrai mais ne perdez pas de vue que la cigarette est un produit addictif et donc, un produit à faible élasticité-prix. C’est d’ailleurs une constante : les meilleurs impôts – les plus rentables – sont les impôts à la consommation sur des produits à faible élasticité-prix. Il existe en Russie une très ancienne tradition fiscale qui consiste à taxer la vodka et même à en confier le monopole aux pouvoirs publics : d’Ivan le Terrible à Staline, la « petite eau » préférée des russes a représenté jusqu’au tiers des ressources financières de l’État.

Par ailleurs, lorsque l’on dit que les ventes de cigarette baissent, il faut préciser que ce sont des ventes légales qu’il est question. On ne dispose, bien sûr, d’aucun chiffre fiable en la matière – on entend souvent dire qu’une cigarette sur cinq serait aujourd’hui achetée via une filière illégale – mais il est plus que probable que la baisse du produit de l’impôt ne soit pas tellement due à un recul de la consommation mais plutôt à un développement du marché noir. Quoiqu’il en soit, le phénomène est jugé suffisamment significatif par notre dealer légal pour qu’il compense les pertes de revenus des débitants frontaliers [7] et la justice semble désormais faire preuve d’une inhabituelle sévérité avec les trafiquants.

Enfin et d’une manière plus générale, il faut bien comprendre que pour les fabricants de cigarettes, cette situation est extrêmement confortable. D’une part, avec des prix fixés par l’État, ils ne se font pas de concurrence (votre débitant n’a absolument aucun pouvoir) mais en plus, ils savent pertinemment que leurs intérêt et ceux des pouvoirs publics sont parfaitement alignés : l’objectif commun étant de maximiser les ventes en valeur. La situation est donc éminemment malsaine : qui servent nos forces de police lorsqu’elles luttent contre le trafic ? Qui a intérêt à gêner la vente de cigarettes électroniques ?

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[1] Source : douane.gouv.fr
[2] Le dernier en date est l’arrêté du 11 juillet 2013 modifiant l’arrêté du 3 janvier 2013 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France, à l’exclusion des départements d'outre-mer (JORF n°0162 du 14 juillet 2013 page 11790, texte n°14). 
[3] Soit 9 % du prix de vente pour les cigares et cigarillos et 8,64 % pour les autres produits (dont les cigarettes). 
[4] Source : douane.gouv.fr
[5] Source : Commission européenne (page 8). 
[6] Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique, livre III, chapitre IX (1803). 
[7] Je n’invente rien, jugez vous-mêmes.
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