
Je lis souvent sur ObjectifEco ou dans La chronique Agora que les dettes sont en train d'augmenter avec la monétisation et qu'il s'agit d'une fuite en avant. Il n'y a pourtant rien de plus faux.
La monétisation est avant tout de la création de monnaie ex-nihilo sans aucune augmentation de l'activité économique puisqu'elle n'est pas issue de l'octroi de nouveaux crédits. Elle consiste à racheter des dettes sur le marché secondaire : obligations souveraines par la BCE dans le cadre de l'OMT, et rachat de crédits privés titrisés, dans le cas du QE3 de la FED.
Dire que ces opérations augmentent l'endettement n'a tout simplement pas de sens car le simple fait de créer de la monnaie à partir de rien augmente la masse monétaire de la devise concernée dans tous les rouages de l'économie. Cela dévalorise donc la monnaie et les dettes à taux fixe dans la stricte proportion de la création monétaire. On comprend parfaitement que plus il y a de monnaie pour évaluer la même quantité de biens ou la même quantité de dettes, moins cette monnaie a de la valeur. Il s'agit donc d'un désendettement en monnaie constante, et certainement pas d'une fuite en avant de l'endettement.
C'est tout le jeu des banques centrales de créer de l'inflation monétaire pour noyer la dette. Il ne s'agit en aucune façon de l'augmenter. Mais comme il y a toujours un payeur, ce désendettement se fait, il faut le rappeler, au détriment des créanciers.
La monétisation a un deuxième avantage pour l'économie, elle permet de maintenir les taux au plancher. Les investisseurs rassurés par des banques centrales créancières en dernier ressort mais non prioritaires, n'hésitent plus à racheter de la dette primaire puisque le risque de défaut de paiement disparait. Cette baisse des taux évite la diminution trop forte de l'activité due au désendettement et augmente la capacité à rembourser des emprunteurs.
En revanche, noyer l'endettement avec de la création de monnaie n'a d'intérêt que si les emprunteurs font des efforts pour ne pas aggraver leur endettement. Pour les états, cela consiste à maitriser les déficits budgétaires par une rigueur indispensable. On me dira que c'est récessif mais on ne peut pas se désendetter en faisant de la croissance ! Ce serait trop facile. Les initiatives de Mario Draghi sont en la matière excellentes puisqu'elles subordonnent le rachat d'obligations et l'émission de monnaie à un contrôle strict du budget des pays concernés à travers le mécanisme du MES. De la même manière, les agences de notation américaines sont en train de menacer fortement les candidats à la présidence américaine de dégradation afin que ceux-ci mettent en place une vraie politique de rigueur budgétaire. Cette dernière associée à la monétisation a un objectif de désendettement inflationniste évident que les pouvoirs publics masqueront le plus longtemps possible par des indices des prix qui ne traduisent en aucune façon la réalité.
A l'inverse, les solutions prônées par les gens qui dénoncent une hypothétique fuite en avant consisteraient à ne pas intervenir. L'insolvabilité et la faillite des états en seraient la seule issue. Le deleveraging augmenterait la valeur de la monnaie et ne serait pas contré par de l'émission de monnaie. Les dettes se renchériraient. Les prix et les revenus baisseraient du fait de la diminution de la masse monétaire mettant rapidement les emprunteurs dans l'incapacité de rembourser leurs dettes. Cette stratégie ne marche pas et ceux qui parlent de fuite en avant souhaitent une déflation monétaire et une contraction de l'économie qui n'a absolument aucun sens.
Bonne semaine !
Jean Christophe Bataille
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