Eh oui : le nombre d’irradiés en France par les ondes des bornes GSM, WIFI et d’antennes radios diverses n’arrêtant pas de rester stable à 0, et comme à part quelques couinements d’obscures associations lucratives sans but, il n’avait été constaté aucun mouvement de fond de la société civile pour enfin réguler et encadrer ces émissions sauvages et multiples, les députés écologistes se sont agités et ont fini, après d’âpres débats, par faire passer leur petit caca législatif dans le tout-à-l’égout républicain. Victoire.
Et voilà donc l’introduction d’un nouveau principe, version édulcorée du principe de précaution dont on commence à se rendre compte qu’il formolise un peu trop la vie en France : à sa place, on lui préfèrera donc le principe de « sobriété », qui revient à ne pas interdire franchement une technologie mais simplement à en limiter autant que possible ce qui pourrait éventuellement poser problème même si aucune preuve scientifique ne vient justifier le moindre soupçon.
Et pour écarter les sceptiques, on notera, comme le font avec leur brio habituel les clowns responsables du texte, que les études scientifiques « s’accordent toutes sur le fait qu’on ne peut pas exclure totalement le risque » d’effets nocifs sur la santé. D’ailleurs, je mets au défi de trouver une étude qui écarte tout risque de manger des yaourts, ou qui ne s’accorde pas à dire qu’on ne peut pas exclure totalement le risque de choper des problèmes graves en jouant aux Legos. Bien évidemment, les comiques jouent sur le fait que prouver l’absence de tout risque est impossible au contraire de prouver l’existence d’un risque, chose qu’ils ne demanderont pas connaissant déjà le résultat, pas du tout en leur faveur.
Bref. Grâce à cette loi, nous voilà donc rentrés dans le monde merveilleux de la radio sobre, du wifi mesuré, du téléphone portable dépouillé et des antennes relais frugales. Tout ceci sent, à n’en pas douter, la joie de vivre et une forme de pétillement intérieur difficile à canaliser, mais que voulez-vous, c’est aussi ça, le changement : de la pétulance savamment distillée en doses homéopathiques.
Concrètement, cette loi se traduit par (je vous le donne en mille) une palette d’interdiction, quelques brouettées de restrictions, une bonne pincée de recommandations et l’inévitable rapport commandé à l’une ou l’autre hototorité qui terminera sous un coin de meuble quelconque mais aura permis à l’un des nombreux amis des coquins habituels de bouffer au râtelier de la République.
Et parce que ces ondes sont, on le sait, une des portes d’entrées du Diable sur Terre, la loi a décidé d’interdire la publicité pour les tablettes pour les moins de 14 ans (avec 75.000 euros d’amende pour le contrevenant) ; sans ça, il semblait évident que les adolescents, qui baignent dans le pognon, allaient se précipiter pour claquer rapidement les 264€ de prix moyen de ces joujoux pour ensuite s’intoxiquer les masses corporelles à coup de Wifi et de GSM jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pour faire bonne mesure, la publicité pour les téléphones sans oreillettes sera interdite ; économiquement, voilà qui relancera le marché de l’oreillette, qui, comme chacun le sait, sont exclusivement françaises !
Pour les recommandations, on trouvera pêle-mêle celle qui consiste à désactiver par défaut le wifi sur les boîtiers internet ; là encore, les députés, malins, ont clairement choisi de relancer l’industrie des services d’assistance téléphonique qui devront répondre présent lorsque les utilisateurs constateront que leurs bidules électroniques ne se connectent plus d’office à la nouvelle boîte fraîchement installée. Ca tombe bien, chacun le sait, les hotlines sont exclusivement françaises.
Quant à l’obligation pour les lieux publics d’informer de la présence du Wifi, on devine sans mal que ceci n’aura à peu près aucun impact puisque soit ces établissements bénéficient déjà de cette technologie et l’affichent fièrement dans leurs locaux, soit ils n’en bénéficient pas et ne sont pas prêts de l’avoir, budgets rikikis obligent.
En outre, les députés, dans leur immense cohérence, ont interdit l’installation de boîtiers wifi dans les crèches et garderies, mais pas dans les écoles maternelles, parce que les ondes sont mauvaises mais pas assez pour les bambins à partir de 3 ans, ou parce qu’elles ne sont pas assez bonnes pour les bébés, ou parce qu’il faut que les gamins découvrent internet, mais pas trop vite. Pour le fun, imaginez qu’il se fut agi d’un produit réellement nocif, l’absurdité et l’incohérence de l’interdiction serait apparue immédiatement ; par exemple, je vois bien un texte de loi interdisant l’utilisation d’amiante dans les crèches et les garderies, mais laissant libre cours à son utilisation dans les maternelles parce que bon, ça va…
Enfin et pour faire bonne mesure, dans la catégorie Rapports & Fanfreluche, le texte en demande un joli et bien épais au gouvernement, sur les personnes électro-hypersensibles, c’est-à-dire atteinte de l’effet nocebo et dont on camoufle les problèmes psychologiques derrière la navrante ellipse de « personnes souffrant d’intolérance aux champs électromagnétiques », quand bien même elles sont infoutues de déterminer quand et où les champs magnétiques sont présents…
Encore une fois, et comme je le notais dans un précédent édito datant d’il y a un peu plus d’un an, et même s’il n’y a toujours pas d’épidémie de cancers depuis les dizaines d’années qu’on bombarde la population de ces ondes néfastes, partout, en tous lieux et dans toutes les positions, des gens ont décidé ce qui était bon, nécessaire et responsable pour nous : des interdictions sont passées, des restrictions choisies, des recommandations émises et le petit bruit étouffé que vous entendez est celui des coups de marteaux qui fixent une fois pour toute le couvercle
Ne prenez plus aucun risque, ne courrez plus aucun danger, ne bougez plus, ne respirez pas trop fort et évitez de vous agiter dans votre cercueil capitonné. De toute façon, cela ne sert à rien : ce pays est foutu.