On va ainsi voir que la hausse de 27 % du S&P 500 depuis le début de l’année 2013 (33% pour le Nasdaq) est attribuable pour sa quasi totalité (80%) à une expansion des multiples de Cours / Bénéfices (PER). Autant dire sur du vent. Ce ne sont pas les bonnes perpectives de résultats économiques ou les bénéfices des entreprises qui ont poussé les indices vers le haut. C’est leur valorisation. Mais jusque quand cette situation peut perdurer ? Car l'enjeu est important: une poursuite de la hausse pourrait se matérialiser par la formation d'une Bulle sur les marchés Actions US.
Un marché qui se cannibalise : l’essentiel de la Performance 2013 repose du Vent
Nous sommes revenus dans une période où les investisseurs Actions ne regardent plus les Bénéfices. Ils se focalisent uniquement, à travers un comportement mono maniaque et une spéculation exacerbée, sur le robinet des Banques centrales. Et ceci continue comme j’ai pu le montrer dernièrement avec la situation actuelle rarissime sur les Indices US : on vient d’enchaîner 8 semaines de hausses consécutives sur les marchés. Une situation inédite depuis … 1998. Une année ou le S&P 500 avait progressé de 26% (au moment où j’écris ces lignes, le SP 500 est en hausse de 26% depuis début 2013). Or, nous allons voir que le parallèle avec 1998 ne s’arrête pas là.
Dans une Note datée du 18 Novembre 2013, le chef stratégiste Actions de la Deutsche Bank, David Bianco, précisait que « 75 % de l’appréciation de l’indice S&P venait du rapport Cours / Bénéfices, qui est passé de 13.7x au 31/12/12, à 16.5x au 18/11/13 ». Arrêté au 04/12, ce chiffre est même passé à 80% , calculé comme suit : BPA T3 2012 : 25,837$ ; BPA T3 2013 : 27,304$ ; Croissance du BPA T3 2012 – T3 2013 : 5,67% … Evolution S&P 500 sur 1 an : 27,3%. Contribution de la croissance du BPA à l’évolution du S&P 500 sur 1 an = 5,67 / 27,3 = 20,79%. Autrement dit, à l’heure actuelle : 79,21% de la hausse du S&P 500 sur 1 an n’est pas due à l’accroissement des bénéfices des entreprises. Cette étude de DB mettait alors en avant les contributions de 3 composantes à la performance annuelle du S&P 500.
Principales contributions à la performance du S&P 500 depuis 1960 :
Ce Graphique décompose les principales contributions à la performance du S&P 500 depuis 1960, à savoir : l’expansion du PER, la croissance des bénéfices, et le rendement du dividende. Il s’avère que 2013 constitue l’année ou le PER a le plus contribué à la performance de l’indice S&P 500 depuis 15 ans (si on exclut 2009) ou l’expansion du PER avait contribué pour 90% à la progression de l’indice en 1998.
Et en 1999, que s’est-il passé ? Le S&P 500 a continué de progresser (+19,5%). La contribution de l’augmentation des bénéfices ayant pris le relais (pour environ 75% de la performance). La raison est toute simple : les analystes et grands stratèges de Wall Street ne pouvaient plus refourguer leur bonne soupe des années précédentes lorsqu’ils évangélisaient à dire « les actions sont peu chères ». Le PER était en effet à 41,8. Mais on vous expliquait quand même à cette époque que « cette fois c’est différent » (je passerai sur le discours de l’époque).
Un PER Shiller (CAPE) de 41,8 en 1999 :
A la suite de cette exubérance irrationnelle (nous sommes en 1999), 3 années de vaches maigres sur les marchés auront été nécessaires pour limiter cet excès d’optimisme (-10,1% en 2000 ; -13,1% en 2001 ; -23,4% en 2002 sur le S&P 500). Autrement dit, même si un simple événement passé ne peut être précurseur du futur, on est maintenant en sursis sur les marchés Actions US.
J'ajoute que l'expansion du PER est aussi responsable de la plus grosse part de la hausse sur le Nasdaq et le Dow:
Source: Sacha Pouget - Données issues du WSJ
L'expansion du PER pour le Nasdaq 100 est même responsble de 83% de la hausse sur 2013 (seulement 60% sur le Dow Jones). Alors même que le taux de rendement a baissé de 8,2% en moyenne par rapport à 2012. Il est passé en 1 an de 2,23% à 1,99% sur le S&P 500 (soit une baisse de 10,8%) ; de 2,67% à 2,12% sur le Dow Jones (soit une baisse de 20,6%) ; et de 1,34% à 1,43% sur le Nasdaq (soit une hausse de 6,7%).
Quelle perspective maintenant dans l'expansion du PER ?
La question est maintenant de savoir jusqu’ou on pourra aller dans l’expansion du PER (source Graph).
Pic du PER lors des 8 derniers Bulls markets :
Le PER actuel est de 20,0 sur le S&P 500 (contre 18,5 sur le Graph). Nous sommes déjà au-dessus du Pic de 2007 qui était à 19,7. Et nous approchons la moyenne ajustée des 8 derniers Pics de Bull markets qui est de 20,35. Autrement dit nous sommes théoriquement au bout de l’expansion du PER avant d’approcher la zone rouge. Et si on regarde le CAPE de Shiller, à 26,0 en ce moment, on se rapproche là aussi de la zone des 28 qui est connue comme une niveau de valorisation à ne pas dépasser..
Conclusion
J’estime que nous aurons droit à un sursis de 1 année sur les marchés. Oui, encore 1 année de goinfrerie. Avec entre temps une poursuite de l’expansion du PER. Une hausse parabolique pourrait intervenir. Et donc une bulle - même si j'admets qu'une baisse de 10% puisse intervenir entre temps. Bref, j'envisage un scénario comme en 1998. La principale unconnue étant la baisse du tapering de la Fed (difficile de se prononcer mais cela pourrait intervenir entre maintenant et le Printemps 2014).
En revanche, cotrairement à 1998, cette fois-ci on ne pourra pas nous dire « on a un changement de paradigme avec les Technos et bla bla bla ». Mais on continuera à nous servir le « mon bon monsieur, la seule alternative pour vos placements sont les actions ». Car en ce moment, on remarque certes que l’accroissement des bénéfices continue de progresser. Mais de manière marginale comparé aux 3 années précédentes, et ceci alors même que 2013 est l’année ou le S&P 500 a le plus progressé sur les 10 dernières années.
On verra si 2014 nous réserve de bonnes surprises sur les Bénéfices des sociétés. Mais ce sera très compliqué, les marges ayant atteint un pic (10,7% de marge en moyenne sur le S&P 500). En revanche, si l’expansion du PER représente l’an prochain 50% de la hausse, la hausse serait déjà beaucoup plus saine. Car j'anticipe magré tout une hausse sur les marchés Actions de 10% en 2013.
En attendant la fin du QE, le marché se complait à s’automutiler. Jour après jour. Jusqu’à finir cul de jatte?
Sacha Pouget