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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

« La catastrophe de l’emploi en France et l’escroquerie du Pacte de confiance du MEDEF !… »

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Nombre de commentaires : 3 réactions
Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Hier, je vous parlais de la novlangue ministérielle nous expliquant doctement que la courbe était inversée mais que cette inversion était imperceptible.

Le 11 décembre dernier, l’INSEE sortait sa dernière étude sur l’emploi marchant en France, et force est de constater que globalement la courbe des destructions d’emplois… ne s’inverse pas !

Sur un an, ce sont 132 500 postes qui ont été détruits !

Toutes ces notions et tous ces chiffres peuvent sembler rébarbatifs mais en réalité les choses sont assez simples à comprendre pour peu que l’on prenne le temps d’expliquer clairement les choses.

Vous devez avoir en tête qu’il y a deux grands types de travail. Le travail marchand, que nous résumerons comme étant le travail « privé » (les puristes me pardonneront mais en gros, c’est bien de cela qu’il s’agit !!). Il y a également le travail non marchand. Nous le résumerons comme étant le travail créé par la puissance publique. Qu’il s’agisse d’emplois de fonctionnaires, ou encore d’emplois financés directement ou indirectement par la puissance publique, c’est-à-dire en d’autres termes par l’argent de vos impôts. C’est le cas des emplois d’avenir financés par l’État, ou encore de tous les emplois indirects créés dans les associations bénéficiant également en totalité ou en partie de subventions publiques pour leur fonctionnement. Il ne s’agit là que de quelques exemples pour illustrer ces deux catégories d’emplois.

Un emploi de vendeuse dans une grande surface ou dans un commerce c’est de l’emploi marchand. Un emploi dans une association, dans un conseil général ou encore dans une sous-direction quelconque des services de l’État, c’est de l’emploi non marchand.

Le seul calcul pertinent ? L’emploi marchand !!

Il ne faut pas confondre l’aspect marchand ou non marchand avec l’utilité pour la collectivité. Lorsque l’un de mes enfants est malade à 2 heures du matin, je bénis évidemment le « fonctionnaire » pédiatre des urgences qui va le soigner. Son travail est non marchand, mais n’importe quelle personne comprendra l’utilité d’un tel emploi !

Le « marchand » finance le « non marchand » !

Le problème c’est évidemment celui de l’équilibre. La richesse créée par les emplois marchands finance le secteur non marchand ! C’est parce que la création de richesses est privée et qu’elle est taxée que l’on peut trouver (enfin théoriquement) les sources de financement nécessaires au secteur non-marchand.

Logiquement, à ce stade du raisonnement, nous en arrivons à la première conclusion que de parler de l’emploi en général n’a aucun sens à moyen et long terme. Le seul juge de paix de l’activité économique c’est uniquement la création d’emplois marchands, dans l’économie privée, puisque c’est cette création de richesses privée qui conditionne l’ensemble des grands équilibres financiers d’une nation (il ne s’agit ni d’idéologie ni d’être pour ou contre quoi que ce soit, c’est une simple évidence économique).

À court terme, l’État et nos grands mamamouchis créent chaque mois quelques milliers d’emplois d’avenir (sans futur). À court terme, cela contribue à maîtriser la hausse du chômage globale occasionnée par les destructions d’emplois (les 132 500) du secteur marchand. En l’occurrence, le non-marchand vient compenser les pertes du secteur marchand.

Mais à moyen et long terme, il va falloir financer ces emplois non marchands, ce qui implique inévitablement une augmentation des taxes sur la création de richesse réalisée par le secteur privé.

L’objection classique dans ce cas consiste à dire que tous ceux qui bénéficient de la dépense publique justement dépensent et paient des impôts. C’est parfaitement vrai. De même que l’ensemble de leurs revenus sont financés par la dépense publique, payer de la TVA sur chaque achat ou payer ses impôts ne fait que « réduire » la facture pour la collectivité. En aucun cas un fonctionnaire par exemple par sa consommation et ses impôts paiera plus de taxes qu’il n’en coûtera et c’est mathématiquement assez logique. Cet argument ne tient donc pas car il y a pour les emplois non marchands toujours un coût net, fut-il amoindri par les taxes payées.
Dès lors, le seul indicateur d’activité pertinent c’est l’activité marchande. Le seul indicateur d’emploi adapté est celui de l’emploi marchand. Tout le reste n’est que vains bavardages et enfumage intellectuel.

Que dit le dernier rapport de l’INSEE en date du 11 décembre 2013 ?

« Repli de l’emploi salarié dans les secteurs marchands. Depuis le deuxième trimestre 2012, l’emploi dans les secteurs marchands diminue : au troisième trimestre 2013 la baisse est de 15 600 postes, après 37 700 le trimestre précédent. Hors intérim, le recul de l’emploi marchand est plus modéré ce trimestre qu’au trimestre précédent (-20 600 postes contre -34 400 au deuxième trimestre). Sur un an, les secteurs principalement marchands ont supprimé 132 500 postes (soit -0,8 %). »
Pour le reste, je vous laisse en annexe le lien pour pouvoir lire en intégralité cette note (courte) de 2 pages de l’INSEE qui indique clairement un effondrement de l’emploi marchand, même si au cours de l’année 2013, il semble que les destructions d’emplois ralentissent légèrement.

La courbe ne s’inverse que pour le gouvernement !

La courbe du chômage doit sa non inversion, c’est-à-dire le ralentissement de son aggravation, uniquement à l’injection massive d’emplois aidés et publics.
Le petit problème c’est qu’il va falloir financer ces dispositifs dans la durée à un moment où notre pays ne peut plus continuer à augmenter indéfiniment son endettement. Or la base taxable de richesse privée se réduit comme peau de chagrin comme l’illustre parfaitement la destruction des emplois marchands pointés par l’INSEE.

Pacte de responsabilité : François Hollande prend la droite à contrepied

D’où la nouvelle fumisterie gouvernementale portée par notre Normal 1er qui souhaite passer un « pacte de responsabilité » avec le patronat. D’après Le Point, « François Hollande prend la droite à contre-pied » avec cette nouvelle idée aussi fumeuse que le fut le choc de simplification, et vous verrez qu’au bout du compte à part de belles annonces rabâchées à la télé, il n’en restera rapidement pas grand-chose pour ne pas dire rien du tout !

L’idée du Président c’est qu’après avoir accordé 20 milliards aux entreprises via le CICE, le président veut encore baisser leurs charges. Et promet de s’attaquer à la dépense publique… Mais le problème est en réalité insoluble à moins de trancher dans le vif des dépenses au risque de jeter dans la rue des millions de Français en colère.

L’environnement mondial et européen dans lequel évolue notre pays est devenu hyperconcurrentiel

Je crois qu’il faut encore attirer votre attention sur ce qu’il se passe actuellement dans les pays du sud de l’Europe (sans même aller chercher les petits chinois low-cost de l’empire du Milieu).

La France est prise en tenaille entre une Allemagne industrieuse et compétitive ayant réformé il y a une dizaine d’années son modèle social (comprendre par le mot « réforme » qu’elle a considérablement réduit les avantages sociaux et supprimé ce que l’on appelle chez nous les acquis sociaux), et des pays du sud de l’Europe qui optent (sous la contrainte Bruxelloise, de la BCE et du FMI) pour une baisse drastique des salaires donc des coûts de production.

Résultat ? Notre pays voit sa compétitivité vis-à-vis de l’Allemagne anéantie… Le problème c’est que désormais, la France n’est plus non plus compétitive vis-à-vis des pays du sud de l’Europe.

Conclusion : il devient indispensable de baisser le coût de notre travail… mais dans ce cas et si l’on ne baisse pas les salaires… comment financer l’État-providence alors que l’essentiel du financement de notre protection repose sur les taxes sur le travail ? Comme François Hollande n’est pas un transgresseur et qu’il ne tranchera pas dans le vif, on peut donc en conclure que ce projet de pacte restera avant tout un projet bidon où patronat et gouvernement vont jouer une partition à quatre mains en se servant la soupe mutuellement exactement de la même manière que lors du débat en grande pompe sur la « remise à plat de la fiscalité » qui désormais prendra… au moins 10 ans !

Pendant ce temps, le MEDEF, grand Prince, promet de créer 1 million d’emplois dans les 5 ans si on baisse encore ses charges sur le travail.

Cette promesse constitue là encore juste un effet d’annonce et un vaste enfumage. Tout d’abord, le MEDEF, fut-il le représentant des patrons, ne décrète pas plus que le gouvernement la création d’emplois auprès de ses adhérents. Ensuite, 1 million d’emplois, au-delà du fait que c’est un « beau » chiffre qui « sonne » bien et parfait pour être repris en boucle par des médias bienveillants, est globalement le chiffre de création d’emplois déjà acquis pour les 5 ans à venir.

Petit calcul simple. 1 million divisé par 5 ans = 200 000 emplois par an. Entre les CDD, les missions d’intérim (comptabilisées à chaque fois comme une création quand bien même elle ne dure qu’une semaine), les démissions, le nombre naturel d’embauches est en réalité supérieur à ce nombre chaque année, et le MEDEF comme le gouvernement se garde bien de donner une méthodologie de comptabilisation crédible de ce nouveau million d’emplois…

Pendant que nos zélites encore une fois tentent d’amuser la galerie en faisant croire que l’on essaie de faire quelque chose, notre pays s’enfonce encore plus bas.

L’article de Newsweek intitulé « La chute de la France », qui a fait couler beaucoup d’encre, est symptomatique des dangers qui nous guettent.

Le problème n’est pas de savoir si ce qui est raconté dans cet article est vrai ou faux. En l’occurrence, cet article est effectivement assez stupide. L’important c’est ce qu’il révèle outre-Atlantique, à savoir qu’il est là pour faire sentir l’odeur du sang aux vautours.

Or la proie… c’est la France. C’est vous, c’est moi, c’est chacun d’entre nous. Préparez-vous !

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Charles SANNAT

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.
Dernière étude de l’INSEE ici

Article du Point sur le pacte machin-chouette… 
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3 commentaires

  • Lien vers le commentaire hftrade jeudi, 09 janvier 2014 13:38 Posté par hftrade

    la france et son gouvernement que je ne saurais comment qualifier font de plus en plus peur a l'etranger


     


    http://www.bfmtv.com/societe/essonne-deux-lyceens-places-garde-a-vue-une-quenelle-681336.html


    existe-il une loi anti-quenelle en France ? 

  • Lien vers le commentaire Guyard mercredi, 08 janvier 2014 12:59 Posté par papps

    Bonjour M.,


    Sans être un communiste, je pense que votre raisonnement consistant à laisser entendre que le secteur non marchand est purement un centre de cout sur le dos du secteur marchand est complètement faux.


    Il est tout aussi logique de dire que le secteur non marchand finance le secteur marchand. Ce que les gens économisent parce que l'Etat est l'organisme le plus efficace sur certains sujets (sécurité/justice/santé/infrastructures etc.), ils le dépensent dans d'autres services marchands qui n'existeraient pas sinon... Il est démontré par exemple que le cout de gestion de la sécurité sociale (quelques %) serait inatteignable par un organisme privé qui s'empresserait de dégager une confortable marge comme le font les banquiers et les assureurs (à mettre néanmoins en perpective avec la capacité de lutte contre la fraude et le deficit qui est un tout autre sujet...). 


    La différence entre les 2 est juste que dans le cas du secteur non marchand c'est l'Etat qui fixe le cout (dans les limites du droit du travail), le prix et qui impose aux contribuables d'acheter les services publics corrspondants à travers les impots et cotisations plutôt que via un marché d'offre/demande. La vrai question n'est donc absolument pas la taille du secteur non marchand mais son efficacité sur ces missions, son utilité réelle pour la collectivité et/ou sa capacité de redistribution de gains de productivité dans nos économies stagnantes dont les modèles de rémunérations à l'ancienneté sont obsolètes (notamment entre les générations). La création de richesse et sa distribution sont en partie interdépendants comme nous allons douloureusement le découvrir en ces temps de déflation.


    Et oui, le secteur non marchand crée aussi de la richesse. Une bonne répartition public / privé est importante mais tout autant que d'autres fondements de la prosperité que sont l'accès aux matières premières, l'énergie et la technologie. Autant de sujets géostratégiques sur lesquels l'Etat a un rôle clé.