Le producteur.
Le producteur est le premier, et le plus connu des métiers décrits dans cette série. C’est celui auquel le public va penser en premier, après l’acteur, et peut-être le réalisateur.
Comme le disait une relation, par ailleurs producteur principal du dernier film avec Jean Dujardin : «être producteur, fondamentalement ce n’est pas difficile. Si tu as la chance d’être un ami d’enfance avec une grande star actuelle, tu as déjà la moitié du travail effectué».
Malheureusement, tout est dit. Ou presque.
Et cela illustre d’ailleurs bien le problème du cinéma d’aujourd’hui : même avec la baisse des coûts de fabrication, le cinéma coûte cher. Il faut de l’argent.
Cet argent se trouve auprès d’une multitude de sources, la première d’entre elles étant le CNC. Mais l’essentiel de l’argent se trouve auprès des chaînes de télévision. Et les chaînes se décident aujourd’hui en fonction du scénario et de l’historique de la société de production bien sûr, … mais surtout en fonction du casting.
Pendant un temps (et peut-être encore un peu maintenant), Kad Merad trustait les plateaux de cinéma. On le voyait partout, et en particulier en rôle d’appoint dans de grandes productions. C’est que Kad Merad a eu la chance de participer à deux très grands succès du cinéma français, « les Choristes » et surtout «Bienvenus chez les Chtis », tout en se contentant même après ces deux gros succès de cachets relativement modestes.
Attention quand même à ne pas oublier le mot relativement. On parle quand même de plusieurs centaines de milliers d’euros (je n’ai pas les chiffres, je ne parle que sur rumeur), et donc il était considéré du point de vue des producteurs comme un « acteur bankable ». Pour la petite anecdote, les chaînes ne voulaient pas s’engager sur le couple Romain Duris – Vanessa Paradis dans le film l’Arnacoeur, qui est devenu le succès que l’on sait : ils demandaient Kad Merad ! Selon eux, le film ne pouvait pas fonctionner avec Romain Duris ! Pas assez… grand public, vous voyez ?
Sur cet aspect des choses, la valeur ajoutée du producteur est vraiment de disposer des bonnes connexions, de la bonne aura, pour réunir plusieurs stars tout en minimisant leur cachet.
Concrètement, le rôle du producteur consiste à réunir les fonds permettant au film de se monter. Il loge dans sa structure l’ensemble des salaires et des contrats
Bien entendu, le producteur a également son mot à dire sur le scénario. Il doit travailler en conjonction avec le scénariste et/ou le réalisateur pour façonner l’histoire à ses envies, aux goûts du public, ou plus prosaïquement au budget du film.
Aux Etats-Unis, le producteur est le maître du film, il détient (sauf clause contraire) le « final cut ». En France, il y a un plus grand équilibre des pouvoirs artistiques entre le producteur et l’auteur, scénariste ou réalisateur.
La société de production.
La jungle des aides est gigantesque, et pourrait faire l’objet d’un livre. C’est d’ailleurs le cas, avec la série consacrée au financement de la société Dixit, spécialisée dans les livres et cours de formations aux différents métiers de l’audiovisuel.
Habituellement, la société de production se rémunère en prenant un pourcentage du budget global du film. Pour les sociétés qui ont pignon sur rue, cela ne contribue malheureusement pas à réduire le budget global des films, puisque plus le budget est grand et plus en principe, les émoluments de leur société sont importants.
On l’a vu, les chaînes sont parmi les principaux financiers du film, de même que la société de distribution, au travers du Minimum Garanti (MG), qu’elle verse souvent au moment du budget du film. Les sociétés qui préachètent les droits vidéo (DVD/Blu Ray) sont un point de passage obligé.
Le CNC est également un acteur important. Les sociétés de production dispsosent d’aides spécifiques et d’un fonds de soutien, fonction du nombre d’entrées qu’elles ont généré au préalable, ce qui confère évidemment une prime aux intervenants existants.
Les ventes internationales du film peuvent permettre de faire progresser le budget, si le potentiel à l’international est avéré.
Les acteurs publics, en particulier les régions sont également de grands pourvoyeurs de fonds pour le cinéma. Il faut au préalable démontrer l’intérêt pour la région d’un film situé sur place.
N’oublions pas également de mentionner les mécanismes de «tax shelter » qui permettent de récupérer jusqu’à 20% des dépenses effectuées en France… ou ailleurs. Ces taxes peuvent correspondre à des frais engagés dans le pays pendant le tournage, ou bien à des frais de post-production.
Au jeu des réductions de taxe, la France est par ailleurs dépassée par de nombreux pays, en particulier la Belgique qui se pose en champion de ces pratiques.
En fin de circuit, on trouve parfois des SOFICA (Société de Financement du Cinéma) qui permettent aux participants de bénéficier d’une exemption d’impôts en échange d’une
Certains fonds utilisant le crédit d’impôt ISF (50% à l’heure actuelle) se sont également spécialisés dans le financement du cinéma.
La société de production est parfois obligé de faire une croix sur son propre financement (ou bien de le mettre en participation, ce qui revient au même) afin que le film se tourne.
Les bouleversements en cours.
La numérisation, on l’a vu brièvement, permet globalement de baisser les coûts. Avant qu’il n’ait réussi à boucler son budget, tout ce qui baisse les coûts est bon pour le producteur (même s’il se rémunère sur le budget global).
Mais à part cela, les temps sont plutôt durs : la baisse des ventes de DVDs/BluRay est loin d’être compensée par l’augmentation de la vidéo à la demande.
Les chaines de télévision connaissent une érosion constante de leur audimat : elles sont donc enclines à pré-acheter de moins en moins cher les films.
Les distributeurs à force de se prendre des bouillons avec des films dont on leur avait promis monts et merveilles, sont devenus très méfiants et renâclent de plus en plus à verser un Minimum Garanti (MG) exhorbitant.
Contraint de faire évoluer son modèle de financement, le producteur se tourne de plus en plus vers des solutions alternatives : placement de produit, crowdfunding, capital risque (en France, avec les fonds ISF), voire recherche de nouveaux intervenants aux poches profondes,… ce qui est une transition toute trouvée pour parler des Google, Amazon et autre Apple.
L’arrivée des géants d’Internet.
Les grands acteurs du monde Internet sont lancés dans une bataille gigantesque pour la maîtrise des contenus : applications, jeux vidéos, livres, musique, et films.
Ils sont prêts, bien entendu, à mettre à disposition les œuvres cinématographiques sur leur place de marché. Mais ils veulent surtout disposer de contenus exclusifs. Au fur et à mesure que les télés connectées se répandront, ils prendront une importance de plus en plus grande … et deviendront, je le pense, un point de passage obligé pour les producteurs.
Idées de business.
Mon experience en production est extrêmement limitée, et donc je ne pourrai pas vous donner toutes les ficelles aussi bien qu'un vrai professionnel du métier.
Je vais quand même essayer de vous présenter un certain nombre d'idées sur le secteur considéré. Pas toutes les idées qui me passent par la tête, bien sûr ! Il faut quand même que j’en garde un certain nombre pour moi…
- Produire pour les géants d’Internet.
Le nombre de sociétés qui exploitent ce créneau est encore confidentiel, mais devrait s’affirmer dans les années à venir. Surtout que certains sujets, notamment les documentaires, se traitent mieux sur Internet que dans les salles obscures.
La production de série humoristiques sur le Web est actuellement le secteur phare sur Internet et celui qui semble marcher le mieux.
- Aider les sociétés de production à améliorer leur scénario.
Je reste persuadé que c’est l’un des axes majeurs d’améliorations des films aujourd’hui. Il va s’agir de transformer le script pour plaire aux spectateurs, mais aussi de le changer pour faciliter le placement publicitaire, et pour répondre aux contraintes de grille des chaînes de télévision.
- Participer à la recherche de financement.
La recherche de financement est une jungle, je l’ai déjà dit. Néanmoins, cette recherche est en principe le cœur de métier producteur, donc je ne suis pas sûr que cela puisse être facilement externalisé.
Pour ma part, je n’ai pas entendu parler d’une société qui agirait en tant qu’intermédiaire sur la constitution des sociétés de demande d’aide, les club de capital risque, etc… et se rémunérerait en prenant 10% des sommes levées. Un peu l’équivalent d’un accompagnateur des startups comme l’est, par exemple, Chausson Finance.
En guise de conclusion.
Le métier de producteur est LE métier en or, celui qui fait le plus rêver le businessman qui sommeille en chacun de nous (même s’il est parfois un peu endormi).
Soyons clairs : pour un nombre relativement important d’appelés, il y a très peu d’élus.
Il faut également garder à l’esprit qu’entre le démarrage du projet et la sortie en salles, il s’écoule typiquement plusieurs années. Un long métrage va occuper l’esprit d’un producteur pendant 3 à 5 ans, parfois pour être massacré par la critique et être oublié dans les deux semaines qui suivent sa sortie. C’est usant.
La plupart des producteurs que j’ai rencontré sont très loin du profil fantasmé. Ce sont au contraire parmi les personnes les plus réalistes que je connaisse dans le secteur.
Dans le prochain article, nous examinerons le métier de distributeur, peut-être l’un des plus ingrats et certainement l’un des plus risqués, mais pourtant rouage essentiel de toute la machine cinématographique.
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