Gilles Lerat
(Accéder à la liste de tous mes articles)
Ingénieur de formation, j’ai sauté dans le bain de la création d’entreprises dès ma sortie de l’école. Je me suis spécialisé dans la sécurité informatique. Après avoir revendu ma société à un groupe informatique, je me suis dirigé vers le cinéma, ce qui n’est peut-être pas la meilleure option, compte tenu de l’environnement économique actuel.
Je suis à la fois émerveillé en permanence par les prouesses technologiques actuelles et extrêmement inquiet des défis qui nous attendent sur les plans énergétiques, économiques, et surtout sur le plan démographique.
Entreprendre dans le milieu du cinéma - L'exploitant en salles
Audience de l'article : 9934 lecturesLe métier d’exploitant en salle.
En schématisant, quelque peu, voire fortement, on pourrait dire que les exploitants sont répartis en 2 catégories :
· Les exploitants industriels qui exploitent sous une même marque (ou un groupe de marque) différentes salles. En France, les principaux exploitants sont UGC,
· Les exploitants artisanaux, qui pour la plupart projettent des films d’arts et d’essais, … c’est-à-dire ceux qui en principe ne drainent pas les foules. En remerciement de leur participation à la diversité culturelle, ils reçoivent plus de subventions de la part du CNC.
Vous l’aurez compris, il est préférable d’être actionnaire de la première catégorie (je parle d’un point de vue financier, bien entendu).
Cette catégorie regroupe principalement les groupes : Europalaces (qui regroupe les marques Gaumont et Pathé), CGR (implanté surtout dans le Sud et l’Ouest de la France), UGC, MK2 (implanté exclusivement en île de France), …
Le métier d’exploitant pour cette catégorie est plutôt rentable.
Sur 2012, CGR représente un chiffre d’affaires de 26,85 millions d’euros pour un résultat d’exploitation de 3,67 millions !
Le chiffre d’affaires de l’établissement MK2 situé aux Quais de Seine est de l’ordre de 3,86 M€ pour un résultat d’exploitation de 620 000 € environ.
Pour les petits cinémas d’arts et d’essai, le bilan est moins flatteur. Le cinéma le Balzac à Paris dans le 8ème arrondissement, pourtant très bien situé affiche des chiffres moins aguichants.
Qu’ils soient autonomes ou en circuit, la quasi-totalité des salles de cinémas en France sont adhérent d’un syndicat, le FNCF (Fédération Nationale des Cinémas Français).
Pour schématiser, le travail de l’exploitant est de gérer la salle de manière à en faire un lieu attractif pour ses clients, et si il ne dépend pas d’un groupe, il doit également négocier les droits des films qu’il va projeter avec les distributeurs accrédités.
L’achat des droits peut s’effectuer de manière forfaitaire ou selon une recette. La plupart du temps, l’acquisition des droits au prorata des recettes du film est la norme. Je n’ai pas, dans ma courte carrière, entendu parler d’acquisition forfaitaire. Le distributeur touche environ 2,3 € par ticket vendu (montant moyen qui peut être amené à varier selon de multiples critères).
Aujourd’hui, la grande majorité des exploitants en salle sont équipés de projecteurs numériques… Ce qui veut dire aussi qu’ils ne savent plus que faire de leurs vieux projecteurs traditionnels , et que le métier de projectionniste n’est pas forcément … un métier d’avenir.
Comme ils sont très forts, ils ont réussi à facturer (à qui ? Aux distributeurs, bien sûr !) des VPF qui sont des droits à la copie numérique, et qui sont là pour leur permettre d’avaler la facture des lourds investissements qu’ils ont dû consentir pour se doter de systèmes de projection numériques.
Les à-côtés.
Ce que j’appelle les « à côtés » constitue un pan essentiel du métier de l’exploitant. On parle bien sûr ici de l’incontournable pop-corn, des bouteilles de soda, et autres confiseries, sur lesquelles les marges sont … comment dire…. Confortables (oui, c’est cela : confortables).
La PLV, c’est-à-dire à la fois les publicités commerciales et les bandes annonces sont d’autres sources de revenus importantes. Pour les publicités commerciales, c’est tout à fait normal. En ce qui concerne les films annonces (les bandes annonces dans le jargon quotidien), la pilule est un peu lourde à avaler pour les distributeurs.
Idées de business.
Des idées de business dans le monde des exploitants, il y en a quand même quelques unes.
· Proposer des améliorations particulières, telles que des sièges Premiums : là encore, je suis mauvaise langue, ou plutôt mauvaise plume. UGC a proposé de mettre en place ce genre d’améliorations (qui sont complètement banalisées en Asie du Sud Est par exemple). Mais devant le tollé généré en France, pays des droits de l’homme, le groupe a fait machine arrière.
C'est l'objectif de Luc Besson qui vient de lancer une salle multiplexe.
Je pense qu'il y a de la place pour ce genre d'offres sur quelques zones limitées, à savoir les grandes agglomérations, mais clairement pas sur toute la France, pas dans la situation économique actuelle.
Pour le reste, il faut bien constater que les innovations ne sont pas trop « exploitées » pour le moment.
· Louer sa salle pour des films proposés par les Internautes : et bien, en fait j’exagère un peu. Le concept existe déjà, voir par exemple ici et ici. Mais je trouve qu’il n’est pas assez simple, pas assez personnalisé.
· Le cinéma à la demande : où l’on fait voter les Internautes pour savoir ce qu’ils veulent voir … n’existe pas, en tout cas pas pour autant que je sache. Pour effectuer leur programmation, les exploitants se basent bien entendu sur le calendrier de sortie, et sur ce qu’ils estiment être le goût du public. J’ai quand même l’impression qu’avec la numérisation, il y aurait matière à un peu plus d’automatisation.
· Le cinéma où l’on paye en fonction de la date de réservation : cela non plus, ça n’existe pas. Et pourtant, si on proposait des séances à moitié prix, pour peu que le client pré-paye sa séance au moins 3 semaines à l’avance, je crois que l’on permettrait de résoudre bien des problèmes de trésorerie, tout en apportant une initiative séduisante.
· Le pop-corn à prix coûtant ! Et la place de cinéma 2 € plus chère. Enfin, je ne suis pas sûr que cela marcherait vraiment. Et puis, notre délicieuse ministre de la culture ne l’entendrait sans doute pas de cette oreille…
En guise de conclusion.
Exploitant de salle de cinéma est, à première vue, LE bon créneau du moment en matière de cinéma. Encore faut-il avoir accès aux bons films et être situé au bon endroit. Et disposer d'une bonne réserve de trésorerie.
Mais quand même, ce n’est pas un hasard si MK2 a récemment arrêté la distribution de films, pour se concentrer sur l’exploitation. De même, quand Europacorp, le studio de Luc Besson décide d’investir le monde de l’exploitation, c’est qu’il y a autre chose que la simple volonté d’être présent sur toute la chaîne du cinéma.
Je dirais qu’aujourd’hui, le problème de l’exploitant, c’est qu’il doit entretenir une culture à la fois artistique et commerçante, et en même temps bien connaître le territoire où il est implanté. S’ajoute à cela que la création ou la reprise d’une salle mobilise des fonds importants, et donc n’est pas ouverte à tout le monde.
Dans le prochain article de cette série, nous allons nous intéresser aux intermédiaires, c’est-à-dire ceux qui travaillent à des niveaux divers pour les différents acteurs de la chaîne : producteur-distributeur-exploitant. Comme on va le voir, c’est sans doute à ce niveau que se situent les meilleures opportunités, «meilleures » au sens de qualité du potentiel et de rapidité d’enrichissement.