Parlons de la maladie qui ne l'est plus (ou qui l'est moins), dont on peut assez facilement cerner les contours, si semblables à ceux de la pauvreté.
Chacun s'accorde à penser que la maladie ou la bonne santé sont deux états largement indépendants de notre volonté.
Cependant, il ne peut être nié que certaines de nos attitudes, non maîtrisées ou au contraire volontaires, ont une influence directe sur notre santé, donc sur le risque d'être malade. C'est pourquoi, très facilement, nous nous laissons abuser par l'idée que notre bonne santé pourrait dépendre de la bonne gestion que nous faisons de notre corps, pendant que la maladie serait le fait d'un malheureux hasard.
Il n'en n'est rien, les deux, bonne santé et maladie, sont globalement le fait du hasard, ou du moins la résultante d'une telle somme de paramètres non maîtrisables qu'ils peuvent être englobés par le mot hasard.
Alors que chacun aspire à la bonne santé, tous sont, au moins de temps en temps, malades. Pour certains la maladie est chronique, c'est-à-dire constante.
Tout cela évidemment en 2013, dans les sociétés avancées. Car, dans les sociétés en difficultés, ou pour tous il y a deux siècles, la maladie était plutôt la règle, la bonne santé une exception de jeunesse très éphémère.
L'espérance de bonne santé, le souhait pour tous d'y accéder, a été un moteur puissant du progrès. Après être passé par une époque d'obscurantisme, qui a vu les charlatans prospérer sur cet espoir, l'amélioration est aujourd'hui réelle.
Sommes-nous pour autant arrivés à une égalité devant la santé ? Peut-on même l'imaginer ? Que penserions-nous de celui qui nous la proposerait comme argument politique ?
Il en est pour qui la maladie reste chronique, certains pour qui elle est récurrente, d'autres dont la bonne santé est insolente, mais tous finissent par la maladie ultime, la mort. La maladie, bien que combattue, est acceptée, l'inégalité qui l'accompagne aussi. Les soins restent personnels, ainsi que les résultats.
Il ne viendrait à l'idée de personne d'inoculer une maladie aux bien-portants, pour accéder à une égalité factuelle sur ce sujet.
Il n'y a que les militaires pour rêver à de telles choses en fabriquant des armes chimiques, pour l'instant non utilisées et largement condamnées.
Parlons maintenant de la pauvreté, et donc de la richesse.
Ces deux états sont aussi le fruit du hasard, contrairement à ce que voudraient faire croire ceux qui, enrichis, prétendent le devoir à eux-mêmes.
Bien sûr, certaines de nos attitudes personnelles peuvent avoir des incidences sur notre richesse ou notre pauvreté, mais à la marge. C'est beaucoup plus le hasard et la richesse globale qui dictent leurs lois. Ainsi les riches deviennent inévitablement pauvres, et réciproquement, dans un mouvement constant, lui aussi composé de milliers de paramètres assimilables au hasard. La dimension du temps peut nous abuser, car le temps de la richesse et de la pauvreté ne correspond pas de façon aussi étroite à celui de l'homme que le temps de la santé et de la maladie.Mais c'est tout.
Au cours des siècles, la richesse et la pauvreté, se déplaçant sur le globe avec une logique quelques fois visible d'autres fois obscure, suivent des rythmes dictés par des contraintes complexes et imprévisibles.
Cependant, l'espérance de richesse est aussi un puissant moteur, qui, toujours en 2013 et dans les sociétés avancées, a permis un large accès à la richesse pour le plus grand nombre. Ailleurs, ou plus avant dans le temps, la pauvreté était la règle pour tous.
La pauvreté fait peur, au même titre que la maladie, ceux qui subissent l'une ou l'autre génèrent la compassion, liée à la crainte d'être atteint un jour.
Alors les questions émergent : cette richesse pourrait-elle devenir définitive ? Fille du hasard, pourrait-elle être soumise à la règle ? Non, bien sûr.
C'est ici que les charlatans et les escrocs s'en donnent à cœur joie.
Et nous retrouvons, le champion toutes catégories, Bercy, à qui est venue l'idée d'inoculer la pauvreté aux plus riches, pour aboutir à l'égalité pour tous.
Tout le monde a conscience que la richesse et la pauvreté sont des contraintes humaines pratiquement aussi lourdes que la bonne santé ou la maladie. Nous avons vu combien tous ces états sont insaisissables, éphémères et personnels.
Comment expliquer alors que celui qui inocule une maladie à un homme en bonne santé s'expose aux pires châtiments, alors que celui qui inocule la pauvreté au riche est félicité, s'en glorifie ?
Il s'agit pourtant de la même forfaiture.
Le riche devenu pauvre, tout comme le bien-portant devenu malade, n'apporteront rien à celui qui était déjà touché par la pauvreté ou la maladie. Par contre, leur disparition affaiblit de façon réelle et durable le groupe.
Cela non plus, l'affaiblissement du groupe, ne changera pas le destin du pauvre ou du malade, mais compromettra l'avenir du groupe inutilement, et accentuera le risque de la pauvreté ou de la maladie pour tous.
Lorsque la pauvreté inoculée par Bercy aura atteint tout le monde, nous serons les gueux de la terre. Nous resterons des hommes, à moins que la misère nous ramène au niveau des bêtes …. nous verrons.
Bien cordialement. H. Dumas