Comme d’habitude, un petit nombre d’excités va, très probablement, réussir le pari de durablement fusiller une profession qui, moyennant quelques aménagements raisonnables, aurait très bien pu rester viable : quelques conducteurs de taxis, particulièrement remontés de l’âpre concurrence subie par les chauffeurs particuliers utilisateurs de l’application UberPop, ont décidé d’en découdre avec ceux qui osent ainsi empiéter sur le service qu’ils entendaient fournir sans eux.
On savait déjà ces taxis bien agacés de l’existence des services de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) qui ont déjà largement grignoté leur précédent monopole. L’arrivée rapide d’UberPop, plébiscitée par le public, a convaincu un certain nombre de ces chauffeurs de taxi de passer à la manière forte. Rapidement se sont donc comptées des actions de rétorsion à l’encontre d’éventuels particuliers se lançant dans la course occasionnelle rémunérée, actions qui se traduisent dans le meilleur des cas par de l’intimidation, et dans le pire, dans de véritables guet-apens.
Et à partir de là, différentes pièces d’un jeu délétère se mettent inexorablement en place.
La première pièce est bien sûr la montée de la violence. De traquenards en guet-apens, la tension monte entre les pratiquants de cette nouvelle forme de service au particulier, et les chauffeurs de taxi traditionnels. Souvent, taper un peu le chauffeur occasionnel ne suffit pas, et on finit par cogner aussi le client comme nous l’apprend l’article (que je cite, une fois n’est pas coutume) :
Alors qu’il sollicitait une course, il s’est heurté à des chauffeurs de taxi en colère qui ont refusé de le prendre. Énervé, il leur a annoncé qu’il allait solliciter le service UberPOP. Alors qu’il s’éloignait, il a été encerclé par une dizaine de personnes puis frappé au visage. Il souffre d’une fracture du nez et a subi 21 jours d’ITT. Son agresseur n’a pas été interpelléLa seconde pièce est déjà présente dans ce même article (« son agresseur n’a pas été interpellé »), mais on la devinait auparavant : au lieu de s’interposer comme médiateur entre les clients, les nouveaux prestataires de services et les chauffeurs traditionnels, l’État a déjà pris parti … pour la corporation installée. En effet, il a décidé de lancer la police aux trousses d’Uber et de son service UberPop, en utilisant la loi Thévenoud – le nom seul suffit à donner une idée de la solidité juridique de l’ensemble.
Malheureusement, la loi est fort mal boutiquée, à tel point que, jusqu’à présent, Uber n’a pas été condamné pour autre chose qu’une publicité et non pour son service. Quant aux chauffeurs, ils sont relaxés.
À ce problème juridique s’ajoute l’impossibilité physique de vérifier effectivement ce qui se passe au volant de toutes les voitures du pays. D’autant que ceux qui offrent le service en question sont, avant tout, des individus honnêtes qui cherchent simplement à arrondir leurs fins de mois, rarement opulentes.
En réalité, et en dépit de commentaires acidulés ou parfaitement stupides de certains internautes qui prennent étrangement fait et cause pour les taxis, la corporation a déjà perdu : à présent, les gens savent qu’il existe des alternatives viables et fiables aux taxis traditionnels. Il n’y aura pas de retour arrière.
Or, devant ce constat, on ne peut qu’être alarmé de l’attitude choisie par certains chauffeurs de taxi traditionnels qui, au lieu d’embrasser le changement en s’inscrivant eux-mêmes dans ces programmes, en proposant de nouveaux services, en faisant assaut d’amabilité, de courtoisie, en aménageant leurs tarifs, horaires et méthodes vis-à-vis de leur clientèle, ont choisi l’affrontement direct et frontal.
On pourrait mentionner le cas deMaxime Coulon qui a expliqué un point de vue tranché sur Facebook dont le contenu a largement fait le tour des réseaux sociaux, bientôt relayé par différents médias. En retour, on ne s’étonnera qu’à moitié d’apprendre qu’il a reçu des menaces de mort.
Tout ce développement est finalement assez prévisible : plutôt que choisir l’adaptation, l’État, faible avec les forts, transige devant eux, plie, s’aplatit et devient leur petit commissaire en charge de lui réorganiser le marché pour que tout revienne dans l’ordre précédent (par nature pourtant impossible à rétablir).
Et comme il est faible avec les forts, il sera, à l’opposé, fort avec les faibles. Rien de tel que cogner sur les automobilistes qui ont le mauvais goût d’essayer de se sortir du chômage ou des fins de mois difficiles en faisant un travail honnête et qui ne vole personne (leurs clients, dégoûtés des exactions de ces médiatiques taxis, leur sont définitivement perdus).
Et tant qu’à être fort avec les faibles, et pour regarder la même catégorie de faibles, il s’en prendra aussi à ces automobilistes qui ont eu l’impudence de signaler les radars sur Facebook. On se souvient en effet que plusieurs membres d’un groupe Facebook donnant la localisation des radars en Aveyron avaient été condamnés en première instance pour « soustraction à la constatation des infractions routières », ce qui était, on en conviendra, une application assez extensive de l’esprit de la loi ; après tout, si on prévient qu’un radar est positionné à un endroit donné et que l’automobiliste ralentit en conséquence, il n’y a pas, par définition, infraction routière, et dès lors, impossibilité de la constater. En outre, l’effet obtenu (la réduction de vitesse aux endroits signalés) est officiellement le but poursuivi par ces radars …
Évidemment, si le but est de rançonner les automobilistes, on comprend la hargne dont font preuve les autorités qui n’ont plus l’occasion d’embusquer le contribuable sur les routes de France. Le groupe de condamnés avait fait appel et la décision de la Cour d’Appel de Montpellier a été mise en délibéré au 21 septembre prochain.
Or, tant dans le cas d’Uberpop que dans ce cas ubuesque de localisation des radars sur Facebook, on sent comme un petit souci se profiler à l’horizon.
En s’agitant rageusement comme il le fait, l’État, par défaut d’action, par une action illisible, ou par action claire contre les réseaux sociaux, va criminaliser progressivement Uberpop ou les citoyens attentifs aux radars. Petit-à-petit, il n’obtiendra qu’une seule chose : les pousser à la clandestinité.
D’autant que celle-ci est très facile à mettre en place (anonymiser un site web publiant ces informations est simple à réaliser, et continuer à « uberpoper » sans se faire coincer ne pose aucune difficulté).
D’autant qu’il est très complexe pour l’État de contrôler efficacement les réseaux pour empêcher ce genre d’informations d’apparaître, ou encore plus compliqué pour lui de vérifier que deux personnes à bord d’une voiture n’y sont pas pour des raisons commerciales, de la même façon qu’il lui est impossible de vraiment vérifier que les individus qui se rendent dans certains foyers n’y vont pas pour de petits travaux de plomberie ou d’électricité, dont l’aspect commercial n’apparaîtra jamais dans aucune comptabilité… En somme, oui, grâce à ces actions stupides, l’État pousse de plus en plus les individus au marché noir, à la clandestinité.
Et le plus beau de cette affaire, c’est que cette clandestinité va à la fois éteindre toute l’utilité pécuniaire des radars, fusiller les espérances de gain et de survie des taxis traditionnels, et, surtout, saboter les rentrées fiscales de l’État. Autrement dit, à procéder ainsi à long terme, l’État signe son arrêt de mort.