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Georges Kaplan

Georges Kaplan

Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui pense pour l’essentiel s’inscrire dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps en publiant des articles sur son blog http://ordrespontane.blogspot.com/

L’indécence commune

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Ecrasez-l-infame-x


En 1848, la deuxième République n’a que quelques mois mais la Révolution de 1848 et le printemps des peuples semblent déjà bien loin ; déjà, avec le Parti de l’ordre à droite et les Socialistes à gauche, une nouvelle fracture politique se dessine ; deux camps que tout oppose à l’exception d’une chose : le rôle prépondérant qu’ils veulent accorder à l’État. Frédéric Bastiat, lui-même élu [1] avec la majorité républicaine modérée de 1848, résume en une phrase le danger qui guette notre société : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. [2] »

Ce que Bastiat pressent, dès ce milieu du XIXe siècle, ce sont les prémices de notre État-providence moderne. Déjà, il a compris ce qu’il adviendrait de la solidarité entre les hommes si elle était administrée par l’État ; déjà, il dénonce les effets pervers de ces groupes de pression qui cherchent à attirer les faveurs de la puissance publique ; déjà, enfin, il anticipe la conséquence ultime de l’irrésistible ascension de la social-démocratie : « une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice. [3] »

Qu’avons-nous fait depuis 60 ans ? Nous avons fait du social – « Social », cet étrange adjectif qui, pour paraphraser Friedrich Hayek, a acquis la propriété de dénaturer les noms qu’il qualifie. Qu’est-ce que le Droit social ? Le remplacement du Droit par la coercition. Qu’est-ce que la Propriété sociale ? Ni plus, ni moins que l’abrogation de la Propriété. Qu’est-ce que la Liberté sociale ? Le principe qui permet de priver des individus de leur Liberté au motif qu’ils jouiraient d’une chimérique liberté collective. Qu’est-ce, enfin, que laJustice sociale ? L’idée selon laquelle vous et moi sommes en droit de vivre aux dépends de nos voisins.

Qu’attendriez-vous d’une telle société ? Que pourrait bien devenir une société dans laquelle le bien-être de tout un chacun ne dépend plus de son intelligence, de son ardeur au travail ou de sa capacité à prendre des risques mais de sa faculté à éluder l’impôt tout en réclamant des subsides publics ? Eh bien vous obtiendriez immanquablement une société divisée, la guerre de tous contre tous ; une société de la défiance, du ressentiment, de la lutte des classes, des races et des castes ; une société dans laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ; une société, en somme, où ladécence commune si chère à Orwell ne serait plus qu’indécence.

Pensez-vous que j’exagère ? Eh bien sortez un instant de nos frontières et comparez donc nos supposées vertus à celles de ces étrangers, proches ou lointains, que nous considérons avec tant de mépris condescendant. C’est l’exercice auquel se sont livrés deux de nos compatriotes, Yann Algan et Pierre Cahuc, qui ont publié il y a cinq ans de cela La société de la défiance [4] ou « comment le modèle social français s’autodétruit ». Les conclusions sont sans appel : en 60 ans, nous sommes devenus – et de loin – le peuple le plus méfiant, le moins civique et, sans surprise, le plus notoirement antilibéral du monde développé.

Tenez par exemple : lorsqu’on nous demande notre avis sur la fraude fiscale, nous ne sommes que 48% à juger qu’elle n’est « jamais justifiable ». C’est, sur la base des données des World Values Surveys[5], le chiffre le plus faible au sein des pays développés – 58% de nos voisins britanniques condamnent les tricheurs, les japonais sont 83%. Mieux encore : nous ne sommes que 42% à condamner la fraude aux aides sociales ; là encore, c’est un record : aux Royaume-Uni, ils sont 64% et ce chiffre monte jusqu’à 80% aux Pays-Bas ! La triste réalité, c’est que Bastiat avait vu juste : nous sommes devenus les champions de l’indécence commune.

Et maintenant que notre fameux modèle social s’effondre sous le poids de ses propres vices, voilà que les ligues de vertu disputent la charogne aux adeptes du relativisme. Et que nous proposent-ils ces braves gens ? Plus d’État, plus de redistribution, plus lois : le déni français poussé jusqu’à l’absurde. L’État-providence est devenu une religion, la haute fonction publique est son clergé et nos politiciens – qui n’hésitent pas à pousser l’indécence jusqu’à refuser de participer eux-mêmes aux efforts qu’ils exigent de nous – en sont les prophètes. S’il vivait encore, Voltaire aurait sans doute conclu : « Écrasez l’infâme ».

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[1] Député des Landes. 
[2] Frédéric Bastiat, L’État, paru dans le Journal des Débats le 25 septembre 1848 en réaction à la publication du Manifeste Montagnard
[3] Frédéric Bastiat, Harmonies Économiques (1848-1850),chap.XIV
[4] Yann Algan et Pierre Cahuc, La société de défiance (2007). 
[5] Disponibles sur le site des WVS.
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