Il faut le reconnaître, le Parti n’est pas au mieux actuellement.
Déjà, les dissensions s’y accumulent. C’est, quasiment, normal dans les périodes où il exerce la majorité et où, pour exister, des courants s’expriment forcément en opposition au courant principal, celui dit « de gouvernement », qui ne peut qu’encaisser les critiques de l’action qu’il mène (ou, dans le cas qui nous occupe, de l’agitation contre-productive qui l’occupe). De ce point de vue, le tigre réel n’étant jamais à la hauteur de celui en papier, les mouvements et autres tendances qui n’ont pas la joie d’exercer le pouvoir peuvent se vanter de faire mieux que la mouvance principale, engluée dans ses affaires, ses compromis, ses reculades et autres bouffonneries habituelles. Certes.
Mais quand bien même : normalement, quand arrive l’Université d’été, les petites bisbilles s’arrêtent et tout le monde se retrouve autour du goûter à grignoter du cake industriel en buvant du cidre. Cette année, cependant, rien de tout cela : au mot d’ordre officiel, « Agir en commun » correspond une rébellion presque ouverte de trois des courants internes au parti qui organisent, pas franchement discrètement, leur propre réunion en marge de l’événementiel officiel.
Question image de marque pour le parti majoritaire, ça fait désordre et désolant.
Tristounet, même, car à ces problèmes de politicailleries internes assez croustillantes vues de l’extérieur et qui nous rappellent, pour ceux qui l’auraient oublié, que le pouvoir attise toujours autant la haine, la discorde et les petites trahisons entre amis, il faut ajouter d’autres soucis, à la fois plus pragmatiques, triviaux presque, et tout à fait illustratifs du décalage entre les discours, chamarrés et sirupeux, et les actes effectifs de toute cette belle bande d’hypocrites socialistes.
En effet, tenir une université d’été n’est pas chose facile lorsqu’il s’agit, en pratique, de montrer ses muscles, ce qui se traduirait dans de bonnes conditions par des débats et des discours vigoureux, attendus par toute la presse, des têtes d’affiches et des ténors faisant assaut de bons mots et de fines analyses, et, bien sûr, un nombre élevé de militants se bousculant aux portes de cette université.
Or, là, c’est assez peu le cas pour le dire gentiment. En fait, ça ne marche pas top les adhésions, le militantisme et les récoltes d’argent des autres auprès des députés et des élus moins nombreux à chaque élection. Pour le dire crûment, c’est même franchement la dèche. C’est lors d’une récente matinale d’Europe-1 (vers 1:19:10 dans ce podcast) qu’on en apprend un peu plus — désolé, je n’ai guère d’autres liens à vous fournir, les médias n’ayant bizarrement pas jugé nécessaire de s’étendre le moins du monde sur ces éléments pourtant intéressants de la vie politique française.
Ainsi, alors que le parti affichait fièrement 280.000 adhérents en 2006, il ne compte plus à présent que 130.000 frétillants membres en 2015 selon la direction du parti et il se susurre même chez les plus pessimistes que seuls 80.000 braves resteraient dans les fichiers de ceux qui sont effectivement à jour de leur cotisation. C’est la déroute, ou plutôt, la suite de ce qu’on constatait déjà à la fin de l’année dernière lorsqu’il s’agissait de recruter pour les départementales.
Et financièrement, c’est logiquement assez pénible.
La situation est grave ? Qu’à cela ne tienne ! Fixons un objectif à la fois grotesque et irréaliste pour galvaniser les (maigres) troupes, genre 500.000 militants d’ici un an, et profitons-en pour revamper un peu tout ce fatras communicationnel autour du Parti. Vous allez voir, ça va dépoter !
Bon, déjà, on va simplifier l’adhésion. Étrangement, là où, décidant de simplifier, le gouvernement issu du même parti accouche d’une bordée abominable de nouvelles lois toutes plus complexes les unes que les autres, les instances dirigeantes, confrontées à la même problématique, finissent effectivement par simplifier : si, avant, il fallait un vote des camarades pour accepter l’adhésion, ce n’est maintenant plus le cas et l’adhésion est directe.
De la même façon, l’adhésion actuelle est composée de 20€ de frais d’entrée, puis des frais en fonction du revenu et de la section dans laquelle on est inscrit, moyennant des barèmes et des systèmes de calculs complexes. Ceci n’est guère étonnant puisque les tubulures chromées des impôts ont été mises en place par les mêmes esprits tordus avec le résultat qu’on sait.
En revanche, la proposition d’avenir consiste à demander 20€ pour l’adhésion, point (bref, un forfait). Dans la foulée, on attend du gouvernement, toujours issu de ce parti, la même proposition pour les impôts (après tout, ça c’est de la vraie égalité !). Rassurez-vous : ce qui est fait en interne au Parti ne se verra jamais en externe au gouvernement. La cohérence n’ira jamais aussi loin.
En outre, on apprend que des équipes de militants à temps plein vont être mobilisées pour faire de la propagande et du ratissage afin de
Enfin, signalons la proposition d’une adhésion à la carte où, pour atteindre ceux qui voient bien le côté ringard du militantisme (surtout celui du parti officiellement socialiste) et qu’il va falloir amadouer, on proposera au potentiel militant de n’adhérer au PS que sur un thème particulier, afin de former des militants-experts. Du PS à la découpe, en somme.
Mais le plus beau, de loin, est cette petite histoire qui vient de se développer : afin de diminuer ses factures de prestations et le coût de ses ressources humaines, le Parti, décidément très à l’écoute de ses comptables, s’est décidé à contracter auprès d’une société dont le sous-traitant emploie une dizaine de travailleurs détachés venus de Roumanie, pour la mise en place du mobilier et le nettoyage. Ce type de contrat, parfaitement légal, est surtout moins cher que pour des salariés français : correctement déclarés, les salariés roumains bénéficient de salaires et de conditions de travail identiques à celles des Français, mais les cotisations sociales sont celles en vigueur chez eux (et donc, très inférieures aux françaises).
Devant la très mauvaise image que renvoie cette opération, le Parti a bien vite fait marche arrière. Il reste néanmoins évident que le Parti a, fort logiquement, tenté de dépenser le moins possible pour la prestation de service demandé, et on ne peut l’en blâmer.
D’ailleurs, le tableau est délicieux : rafraîchissement de l’image de marque, redynamisation des réseaux sociaux, lancement de campagnes de marketing, segmentation du marché, épluchage des factures et recherche de la prestation (roumaine, ici) la moins chère … MMmmoui, en effet, pas de doute, le Parti Socialiste est devenu une vraie entreprise capitaliste comme les autres, piloté par des besoins de résultats, par la nécessité de ne pas faire de dette et de maîtriser ses coûts.
Maintenant, pourquoi diable ce qui semble évident et possible au sein de ce parti n’est absolument pas mis en application par ses dirigeants dès qu’ils prennent le pouvoir ? Pourquoi lorsqu’il s’agit des caisses du parti, ces élus et ces militants font attention et pourquoi, lorsqu’il s’agit de l’argent du contribuable, l’argent de tous, lorsqu’il s’agit des finances publiques, ils font absolument tout et n’importe quoi ?
Ces capitalistes éhontés du Parti Socialiste ne se ficheraient pas un peu de nous ?