H16
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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !
J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...
Le mythe commode de l’internet non régulé
Audience de l'article : 1726 lecturesLa première sera celle du droit.
Oui, ce droit — qui n’existerait pas sur les intertubes avec des lolcats qui font rien qu’à embêter les gentils enfants — on va tout de même s’en servir. C’est paradoxal, mais oui, alors qu’internet serait une zone de non-droit qu’il faudrait réguler (toujours un peu plus), on va tout de même utiliser fort commodément les lois qui existent déjà pour taper un peu à droite, un peu à gauche, un peu partout et finalement n’importe qui et n’importe comment.
Par exemple, on va décider que si, en utilisant un moteur de recherche public, pour accéder à des documents publics, sur un site public, vous allez jusqu’à télécharger ces documents et qu’il s’avère, plus tard, que ces documents sont un brin confidentiel et que ceux qui les ont rendus publics ont, pour le dire gentiment, merdé grave, le blâme vous retombera dessus, sur le mode « Fallait pas googler, mon brave ! » .
C’est l’aventure arrivé à un blogueur, Bluetouff, qui est tombé, en août 2012, de façon banale sinon fortuite, sur un répertoire de l’extranet de l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments pour les humains et les animaux (l’ANSES) contenant plusieurs milliers de fichiers sur un serveur non sécurisé. Évidemment, le problème ne provient ni de Google, ni de la requête du blogueur, mais du fait que ces documents privés se retrouvent ainsi déposés sur une zone non sécurisée, qui plus est autorisée à l’indexation Google. Jusque là, c’est parfaitement pathétique et ridicule. Le blogueur, tombant sur ces documents qui ont été, de facto, publiés, s’empresse d’en prendre copie et de mentionner l’énorme boulette de sécurité sur son blog.
L’affaire ne s’arrête pas là puisqu’évidemment, l’institution, découvrant sa propre bévue, s’empresse de poursuivre le non-coupable. Je dis non-coupable parce qu’à l’issue du procès, il est effectivement relaxé, et l’ANSES ne se porte pas partie civile. Pas de coupable, plus de victimes ? Vite, il faut absolument agir et c’est donc ce que fait le parquet, en décidant de poursuivre, histoire de claquer les thunes du contribuable et d’ajouter une nouvelle jurisprudence honteuse au tableau de chasse déjà scandaleux de la France en la matière.
Et lors du procès en appel, le blogueur est donc finalement condamné (pour s’être vilainement « maintenu frauduleusement dans le système de traitement automatique de données », ce qui veut dire en langage habituel, qu’il savait qu’il n’était pas en terrain normalement public et qu’il a malgré tout pris du temps pour copier 8 Go de données). Le souci de ce jugement, c’est qu’il veut dire concrètement qu’un internaute qui tombe par hasard sur un document sensible qui aurait fuité par l’incompétence d’une institution ou d’une entreprise quelconque pourrait se trouver accusé de « vol » et « maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données ». Tout ceci est très bon signe, ne trouvez-vous pas ?
Pour le moment, Bluetouff s’est pourvu en cassation. Une confirmation du jugement rendu serait bien évidemment catastrophique pour l’Internet en France, et quand on y réfléchit bien, assez bien dans la droite ligne de ce qu’on a déjà vu faire jusqu’à présent, mais apparemment, cela n’affole pas beaucoup les politiciens (qui, en réalité, n’attendent que ça).
Parallèlement à cela, tous les internautes français ont pu découvrir ces jours derniers la présence d’un communiqué de la société Google sur sa page de garde, communiqué qui précise grosso-modo que la CNIL l’a condamné à une amende de 150.000 euros et à l’obligation d’afficher la raison pour laquelle il a été condamné. De façon amusante, le site s’est contenté de faire un lien sur le détail de la décision, hébergé sur le site de la CNIL ; bien évidemment, le trafic de Google étant sans commune mesure avec celui reçu par la petite infrastructure de la CNIL, les premières heures du week-end ont dû être rocailleuse pour son administrateur système (le serveur a renvoyé un magnifique « délai d’attente dépassé » pendant plusieurs heures).
Tout ceci est fort rigolo, et permet aux internautes français de prendre une assez bonne mesure de la compétence de ceux qui disent le droit. En effet, la lecture desdélibérations de la CNIL qui l’auront amené à sanctionner Google laissent, une fois l’amusement passé, plus que perplexe.
On découvre en effet que, selon l’organisme en question, Google a manqué à l’obligation de prévenir les internautes français qu’il stockait certaines données personnelles les concernant, par exemple. La CNIL note en substance qu’à partir du moment où le site web est accessible depuis la France, il se doit de demander aux Français l’autorisation de la moindre collecte. Pour un webmestre, ceci peut rapidement tourner à l’enfer : un site japonais accessible depuis la France devrait en théorie supporter la même loi, et donc demander votre autorisation si jamais certaines de vos données personnelles sont stockées (localement, sur votre poste, ou sur le serveur accédé, peu importe) ; et bien sûr, la multiplication du nombre de cas possible et de lois applicables dans chaque pays duquel on peut accéder l’internet rendra rapidement impossible tout développement de site web respectueux.
La CNIL fait preuve ici d’une incompréhension assez consternante de la façon dont fonctionne internet … Ou, disons moins naïvement que l’incompréhension arrive à point nommé pour remplir le service commandé par certains politiciens franco-protectionnistes, qui n’ont de cesse de harceler l’entreprise américaine.
Et tant pour la CNIL que pour le « cas Bluetouff », la même stupidité, la même incompréhension surnage : ceux qui pondent les lois (les députés, les sénateurs et plus souvent encore, les ministres et leurs cabinets) et ceux qui les appliquent n’ont aucune fichue idée de la façon dont internet fonctionne. Non pas qu’ils ne s’en servent pas, mais qu’ils n’ont aucune formation technique, aucune curiosité ni même aucune idée, même vague, de la façon dont internet et l’ensemble de la société est en train de se structurer en terme d’informations. Pire encore, ces populations n’ont ni le besoin ni l’envie de se renseigner et de se mettre à niveau : protégés des turpitudes que ces technologies apportent comme changement dans l’existence de tout un chacun, ils n’ont que faire de s’embarrasser l’esprit de quelques faits techniques pourtant simples à comprendre. Et le plus grave, c’est que le système français (que le monde ne nous envie finalement pas du tout) entretient cette tare initiale : nos politiciens, dans leur écrasante majorité, et nos juristes et nos juges, sont tous des littéraires qui auront choisi de se tenir soigneusement à l’écart de tout domaine scientifique, de tout domaine d’ingénierie, de toute technicité.
Pas étonnant que ce problème d’éducation et de connaissance aboutisse à ce genre de jugement parfaitement crétins et contre-productif. Il n’est pourtant pas compliqué de comprendre que lorsque vous utilisez un service et qu’il est gratuit, le produit, c’est vous et si cela ne vous convient pas, il est toujours possible de désactiver la gestion des cookies sur votre ordinateur, qu’il est possible de ne pas utiliser Google et les autres services gratuits (et ceci demande de l’éducation, des efforts, parfois un peu d’argent, bref, de la responsabilité et cette capacité à s’adapter qui semble maintenant totalement évaporée du milieu politico-juridique français).
Ce billet est long, mais il n’est (malheureusement) pas terminé puisqu’il y a un autre aspect que l’état français et ses administrations utilisent pour contrer le méchant internet dérégulé sans foi ni loi.
Cette seconde arme est aussi subtile que pernicieuse, puisqu’il s’agit de la censure.
Oui, la France, ce pays des droits de l’Homme, de cette liberté d’expression qui fut un jour vantée dans nos assemblées et réclamée haut et fort dans nos meilleures tribunes, dans nos plus beaux ouvrages, cette France là laisse actuellement le législateur et les politiciens censurer à un rythme jamais vu. Et c’est d’autant plus facile que c’est Internet qui prend. Mais c’est surtout très visible : on découvre ainsi que sur le dernier semestre 2013, c’est la France qui cumule le plus de demande de retraits de tweets. Non, ce n’est pas l’Iran ou la Chine, ce n’est pas les Etats-Unis, l’Angleterre ou que sais-je, c’est la France.
Et pas qu’un peu : sur cette période, la France représente plus de demandes de retraits … que tout le reste du monde réuni. Pour rappel, on ne parle pas de la Corée du Nord ou de la Chine, ici, mais de la France. Certes, on parle ici des demandes de retraits, pas des retraits effectivement réalisés, mais comparés aux mêmes demandes dans d’autres pays réputés moins bisous, la vigueur française laisse pantois.
Je crois qu’il faut se rendre à l’évidence : Internet, en France, fut libre, un jour. Rapidement, les scribouillards de la République, les politiciens et tout ce que la France compte de petits procureurs excités à l’idée de combattre les pédonazis des intertubes se sont ligués pour mettre les bonnes barrières aux bons endroits qui leur convenaient le mieux ; ce qui fut, jadis, un immense espace de liberté d’expression est en train de ne devenir que le terrain de jeu aplati par les lois d’une poignée d’imbéciles et d’incompétents.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’hyperrégulation qui touche mortellement tous les domaines en France finisse par atteindre aussi Internet. Cet internet français est foutu.
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1 Commentaire
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lundi, 10 février 2014 14:25
Posté par
Joseph Pietri
Le ministre de l'intérieur nous a expliqué que les retraits de "txitts" ont pour but de lutter contre le terrorisme.
On nage en plein délire et ce n'est pas fini..........