Charles Sannat
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Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.
Quand je regarde mon Europe, notre Europe, je contemple un rêve brisé !
Audience de l'article : 1963 lecturesNos « pères » fondateurs ont souhaité un rapprochement entre nos peuples afin d’éloigner la barbarie et le spectre des guerres sanglantes qui dévastent notre continent depuis plus de 2 000 ans. Alors, après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, nous avons commencé, ensemble, nous les peuples d’Europe, la construction d’un nouveau type d’ensemble politique. L’Europe, pour ma génération, l’idée est belle, pour les plus anciennes aussi d’ailleurs, surtout ceux qui ont connu les affres de la guerre. Au tout début, nous avons commencé petit à petit. Modestement même. C’était juste une communauté autour du charbon et de l’acier. Le charbon, nous n’en exploitons plus depuis longtemps ; quant à l’acier, il n’y en a plus pour longtemps… un peu comme pour l’Europe.
Le rêve européen, l’idéal de paix et d’harmonie se fracassent depuis plusieurs années sur l’idée même de représentativité et de démocratie. Nous avons voté au référendum. Quand je dis nous, c’est la France collectivement. Le peuple peut se tromper. Mais pour que la démocratie existe, il est nécessaire que les « élites » acceptent les choix des peuples souverains. Dans les petits pays, l’Europe a fait revoter les peuples jusqu’à ce qu’ils changent d’avis. En France, nous n’avons même pas tenté « l’illusion » de la démocratie, non. Nous avons fait plus simple : nos gouvernants ont fait signer le Traité de Lisbonne qui reprenait globalement les points précisément rejetés par les peuples dont le nôtre. C’était en 2005.
Hélas, pour nous, peuple d’Europe, dès 2007 une crise financière sans précédent dans l’histoire humaine a frappé le monde et nous avec. Nos États ont décidé de sauver les banques. Elles n’ont pas été nationalisées avec perte sèche pour les actionnaires, rassurez-vous. Nos gouvernants ont fait le choix de couvrir les pertes des banques avec le budget des nations. Au final, nous, les peuples d’Europe, nous devons payer pour sauver un système financier. Ce n’est que cela la réalité des choses. Rien de plus, rien de moins. Dès lors, le système financier que nous avons sauvé avec l’argent du « peuple d’Europe » – mais c’est la même chose aux États-Unis – n’a plus voulu nous prêter… puisque nous avions désormais trop de dettes. Alors, il a fallu que nos gouvernants coupent dans les dépenses des États. Ces dépenses qui pour chacun de nous allaient de soi.
Réveil difficile. La Grèce s’enflamme, puis le Portugal, puis désormais l’Espagne. Les peuples sont en colère contre l’Europe. L’Europe ne les protège pas. L’Europe ne les aide pas. L’Europe ne les aime pas.
Le rêve européen, c’était le financement des nouveaux entrants pour la mise à niveau. Le rêve européen, c’était la liberté et la libre circulation des hommes, c’était aussi la démocratie.
Or, que voyons-nous ? Hier, en Espagne, la Police s’est comportée comme dans une dictature. Pas comme dans une démocratie. Il ne faut pas trop vous montrer la réalité de la répression. Mais quelques recherches sur Internet vous permettront de voir la vérité. Il n’est pas utile de frapper les passagers d’un train. Il n’est pas utile de poursuivre et de matraquer des gosses sur des quais de métro. Il n’est pas utile de tabasser des femmes. Il n’est pas utile de déchaîner autant de violence contre son propre peuple.
Voilà l’Europe que je vois désormais. Je ne veux pas de cette Europe-là. Je ne veux pas de la dictature des marchés, de la finance et de la Commission de Bruxelles. L’Europe n’a aucune légitimité démocratique. Elle ne peut pas et ne doit pas être notre Europe. Il ne s’agit même plus de savoir si les pays riches doivent payer pour les pays pauvres. Il ne s’agit plus de savoir si nous devons créer une Union bancaire ou pas. Il ne s’agit plus de savoir si nous devons accroître ou pas le MES, ou le FESF ou quel que soit le futur machin qui sera créé.
Le véritable enjeu est celui de la liberté et de la démocratie. Si l’Europe n’est pas la garante de ces deux idées, si l’Europe n’est plus la liberté, si l’Europe n’est plus la démocratie, si l’Europe frappe les peuples et les soumet au lieu de les aider, alors le rêve européen est brisé. J’aime l’Europe. Pas celle de l’austérité et de la souffrance. Cette Europe-là, je ne la veux pas.
Le libéralisme, c’est la responsabilité. Une banque qui fait faillite… doit faire faillite. Cela s’appelle l’aléa moral. Nous avons privatisé les bénéfices et les profits. Nous avons socialisé les pertes. C’est une honte démocratique. C’est une honte économique. On peut sauver les dépôts bancaires, sans sauver les banquiers ou les actionnaires. Combien de banquiers en prison ? Combien de banques démantelées ? Combien de pays ont-ils séparé 5 ans après la crise – 5 ans !! – les banques d’affaires des banques de dépôts ou de détail ? Combien de pays ont-ils légiféré sur le trading haute fréquence, où au moment où nous parlons plus de 60% des transactions sur les marchés sont effectuées par des ordinateurs, sans intervention humaine ? Où est la mise au pas de la finance qui doit être un outil au service de l’économie et pas l’inverse ?
Après cinq ans de crise, qu’est-ce qui a changé ? Une chose. Les polices d’Europe frappent les peuples d’Europe qui refusent de se soumettre au diktat d’une Europe qui ne les représente pas. Dans l’histoire humaine, lorsqu’une structure politique en arrive à ce genre d’extrémité, c’en est fini. Cela peut mettre du temps, mais toutes les dictatures finissent pas s’effondrer. Même l’URSS !
Le rêve européen s’est brisé. C’est triste pour la belle idée de nos pères fondateurs. Mais la fin de cette Europe sera une bonne nouvelle pour les peuples.
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jeudi, 11 octobre 2012 22:07
Posté par
alex6
"Nos États ont décidé de sauver les banques. Elles n’ont pas été nationalisées avec perte sèche pour les actionnaires, rassurez-vous."
Je n'ai pas de lien ici mais l'augmentation des deficits, notamment en France, n'a que tres peu a voir avec la crise de 2008. L'impact est autour de 10-15% de memoire.
Tout le reste est integralement du au deficit structurel de l'etat-providence, 2008 n'a fait qu'accelerer la fin ineluctable d'un systeme de protection social intenable dans le temps.
Une nationalisation n'aurait par ailleurs rien changee, il aurait bien fallu creer de la dette pour apporter le capital necessaire aux reprises. En verite, il aurait fallu gerer la faillite des mauvaises banques mais tout en laissant les pertes a la charge du prive.
Mais sur le fond, la cause des problemes c'est le poids de l'etat et son controle de l'emission monetaire. Pour ce qui est de la dette, je pense que le point de non-retour a ete franchie, direction Grece et Espagne.