Les transferts existants
Des transferts existent déjà entre les pays de l’Union européenne. Si l’on regarde la situation de l’UE en 2011, et l’on sait que le budget européen a depuis été plafonné, on constate que ces transferts sont relativement faibles. En effet la contribution au budget est limitée à 1,23% du PIB.Tableau 1
Contribution par État au budget 2011 de l’Union européenne | ||
État membre | Contribution en milliards d’euros | Part totale dans les contributions |
Allemagne | 21,190 | 19,56% |
France | 19,076 | 17,60% |
Italie | 14,518 | 13,40% |
Royaume-Uni | 12,918 | 11,92% |
Espagne | 9,626 | 8,89% |
Pays-Bas | 4,268 | 3,94% |
Pologne | 3,502 | 3,23% |
Belgique | 3,343 | 3,09% |
Suède | 2,68 | 2,47% |
Autriche | 2,505 | 2,31% |
Grèce | 2,183 | 2,02% |
Finlande | 1,707 | 1,58% |
Portugal | 1,553 | 1,43% |
République tchèque | 1,318 | 1,22% |
Danemark | 1,318 | 1,22% |
Irlande | 1,264 | 1,17% |
Roumanie | 1,17 | 1,08% |
Hongrie | 0,923 | 0,85% |
Slovaquie | 0,631 | 0,58% |
Slovénie | 0,338 | 0,30% |
Bulgarie | 0,329 | 0,30% |
Luxembourg | 0,278 | 0,20% |
Lituanie | 0,259 | 0,20% |
Chypre | 0,165 | 0,10% |
Lettonie | 0,157 | 0,10% |
Estonie | 0,13 | 0,10% |
Malte | 0,055 | 0,05% |
Union européenne | 108,328 | 100% |
Tableau 2
Etat des transferts « nets » selon la méthode dite « de la contribution britannique »
État membre | |
Allemagne | -15,2 |
Royaume-Uni | -9,3 |
France | -5,4 |
Italie | -4,4 |
Pays-Bas | -2,9 |
Suède | -2,4 |
Autriche | -1,6 |
Danemark | -1,4 |
Finlande | -0,7 |
Chypre | 0 |
Croatie | 0 |
Malte | 0,1 |
Irlande | 0,2 |
Slovénie | 0,4 |
Lituanie | 0,8 |
Estonie | 0,8 |
Slovaquie | 1,3 |
Luxembourg | 1,3 |
Bulgarie | 1,5 |
Lettonie | 1,5 |
Espagne | 2,6 |
Belgique | 3 |
République tchèque | 3,3 |
Roumanie | 4,1 |
Portugal | 4,4 |
Hongrie | 4,9 |
Grèce | 5,3 |
Pologne | 12 |
Les trois types de transferts nécessaires au bon fonctionnement de l’Euro
Il faut maintenant calculer les transferts qu’impliquerait un fédéralisme « réel » à l’échelle de la zone Euro. Ces transferts de la zone Euro incluent les dépenses censées équilibrer les différentes dépenses d’investissement dans les pays du « Sud » de l’a zone Euro par rapport à l’Allemagne. Ces transferts, il faut le signaler, ne portent QUE sur quatre pays (Grèce, Portugal, Espagne et Italie), et ils n’incluent pas les aides communautaires déjà existantes.- Le premier point consiste à calculer l’écart accumulé de 2003 à 2013 dans les dépenses de R&D entre ces 4 pays et l’Allemagne. Ces dépenses peuvent expliquer une partie de l’écart de compétitivité qui s’est créé au profit de l’Allemagne. Cet écart se monte, en pourcentage du PIB de chaque pays, à :
Espagne | 17,3% |
Italie | 17,2% |
Portugal | 18,8% |
Grèce | 24,0% |
Espagne | 1,43% |
Italie | 1,56% |
Portugal | 1,23% |
Grèce | 2,37% |
Espagne | 3,16% |
Italie | 3,28% |
Portugal | 3,11% |
Grèce | 4,77% |
- Le deuxième point important consiste à permettre à ces pays d’effectuer un rattrapage de leurs systèmes d’éducation[5]. Les dépenses nécessaires, pour réduire le nombre de jeunes sortant avec un niveau inférieur au 2ème cycle du secondaire, sont estimées, toujours en points de PIB du pays, à :
Espagne | 2,00% |
Italie | 2,00% |
Portugal | 3,00% |
Grèce | 3,50% |
- Le troisième point consiste à stabiliser la demande à l’intérieur de ces pays car, sinon, les efforts consentis dans le domaine des dépenses de R&D et dans le domaine de l’éducation ne serviront à rien. Cette stabilisation de la demande peut passer par la rénovation ou la construction d’infrastructures, mais aussi par un soutien à la demande de certaines catégories de la population. Calculées en points de PIB de chaque pays, ces dépenses se montent annuellement, et pour une période de dix ans à :
Espagne | 3,00% |
Italie | 2,50% |
Portugal | 4,00% |
Grèce | 6,00% |
Contribution en % du PIB pour récupérer le retard en R&D | Contribution en % du PIB pour récupérer le retard en éducation | Contribution en % du PIB pour relancer la demande | Total (en % du PIB de chaque pays) | PIB 2011 pour chaque pays en Mlrd Euros | Montant de l’aide annuelle en Mlrd d’euros en cas de transferts fédéraux | |
Espagne | 3,16% | 2,00% | 3,00% | 8,16% | 1063,36 | 86,76 |
Italie | 3,28% | 2,00% | 2,50% | 7,78% | 1580,22 | 122,99 |
Portugal | 3,11% | 3,00% | 4,00% | 10,11% | 170,93 | 17,27 |
Grèce | 4,77% | 3,50% | 6,00% | 14,27% | 215,09 | 30,69 |
Le total se monte donc à 257,71 milliards d’euros par an aux prix de 2011. C’est une estimation minimale. En effet, il conviendrait aussi d’inclure dans ces transferts une partie des assurances chômages, de la même manière que dans un pays (comme la France) les chômeurs du Nord et du Pas-de-Calais sont pris en charge par des contributions provenant de régions plus riches, comme la Région Parisienne. Le total réel de ces transferts (sur les 4 payes considérés) est donc plus probablement de l’ordre de 280 à 300 milliards d’euros.
Ce total n’est pas le total de tous les transferts (d’autres pays ont des besoins). Si l’on ajoute les transferts que ces pays (dont en partie la France) pourraient revendiquer on passe à des montants de l’ordre de 310 à 350 milliards d’euros selon les hypothèses retenues. C’est l’ordre de grandeur des transferts NETS.
Faisabilité politique
Il convient de préciser que ces montants n’incluent pas la contribution communautaire (qui est un coût net pour des pays comme l’Allemagne et la France), mais il couvre les besoins nécessaires pour que puisse survivre la zone Euro hors les besoins financiers immédiats, qui impliquent déjà une contribution non négligeable de l’Allemagne et de la France.Quels en seraient les contributeurs ?
La France ne pourrait pas apporter sa contribution, car elle devrait elle aussi financer un effort de rattrapage, de l’ordre de 1,5 % à 2 % de son PIB. Il n’est pas exclu que cet effort repose aussi sur des flux de transferts. Le financement des transferts reposerait donc sur l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche et les Pays-Bas. On peut donc penser que l’Allemagne supporterait entre 80% et 90% du financement de la somme de ces transferts nets, soit entre 248 et 315 milliards d’euros par an (équivalent à un total de 2480 à 3150 milliards sur dix ans). Dans l’hypothèse la plus modeste (248 milliards) cela représenterait 9% de son PIB. Dans l’hypothèse la plus étendue (315 milliards) on atteindrait 12% du PIB allemand. D’autres estimations donnent des niveaux encore plus élevés, atteignent même 12,7% du PIB[6]. On peut considérer que l’estimation présentée dans cette note, avec un écarte de 9% à 12%, est la plus réaliste actuellement. Elle n’en reste pas moins à un niveau impossible à financer pour l’Allemagne, même dans sa version la plus minimale (9%), que celle-ci en ait ou non la volonté. Dès lors, on peut comprendre la stratégie de Mme Merkel[7] qui cherche à obtenir un droit de contrôle sur les budgets des autres pays mais qui se refuse à envisager une « union de transferts » qui serait cependant la forme logique que prendrait une structure fédérale pour la zone Euro.
Il convient donc de tirer toutes les conséquences de ceci : le fédéralisme est peut-être souhaitable, mais il n’est pas possible et il est donc sans objet de disserter sur le fait de savoir s’il serait une bonne ou une mauvaise solution. Il ne reste donc que deux possibilités : soit l’appauvrissement rapide des pays du « sud » de la zone Euro qui pourrait bien aboutir à une remise en cause de l’Union Européenne elle-même du fait des tensions provoquées entre les pays, soit la dissolution de la zone euro pour permettre les réajustements nécessaires sans recourir à des transferts massifs.
[1] Le plaidoyer de Macron pour un “gouvernement de la zone euro” in Le Point, le 31 août 2015, http://www.lepoint.fr/economie/le-plaidoyer-de-macron-pour-un-gouvernement-de-la-zone-euro-31-08-2015-1960710_28.php
[2] Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012
[3] Patrick Artus, Trois possibilités seulement pour la zone euro, NATIXIS, Flash-Économie, n°729, 25 octobre 2012.
[4] Sapir J., “Le coût du fédéralisme dans la zone Euro”, billet publié sur le carnetRusseurope le 10/11/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/453
[5] OCDE, Regards sur l’éducation, Paris, 2012.
[6] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS, Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012
[7] Déclaration faites par Mme Merkel le 7 novembre 2012, les Echos, URL :http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/merkel-veut-des-mesures-ambitieuses-pour-la-zone-euro-82425