Elle vient en effet de rendre public son rapport sur le budget de l’État en 2014, analysant l’exécution des dépenses et des recettes. La conclusion ne fait guère de place aux doutes : l’exécution du budget de l’État se caractérise en 2014 par une aggravation du solde budgétaire par rapport à 2013 (et pif), du fait d’une baisse des recettes nettes (et paf) et d’une hausse des dépenses nettes du budget général (et vlan). Zut, flute, caca boudin : la dette de l’État continue à progresser « à un rythme soutenu ». Pire : Didier Migaud, le premier président de l’institution, constate (pas trop consterné, le bougre devait bien s’y attendre) que la baisse du déficit de l’État, vaguement amorcée depuis 2010, « a été interrompue l’an dernier », avec une hausse de 10,7 milliards d’euros.
Décidément, c’est vraiment pa’d’chance !
Baisse des recettes, augmentation des dépenses, on croirait à un mauvais scénario où tout, absolument tout, se déroule à la fois comme prévu et selon le pire scénario possible. Dans ce rapport, c’est surtout la nette baisse des recettes qui indique que la trajectoire suivie par les finances publiques ressemble de plus en plus à celle que suivit l’un des boosters de la navette Challenger dans les dernières micro-secondes de son dernier vol. L’autre booster, c’est celui des dépenses qui pointent résolument vers la stratosphère.
Cependant, soyons bien clair : pour ce qui est de la hausse des dépenses, cela n’aura étonné personne. À l’exception bien sûr des habituels pleureuses socialistes qui continuent leurs simagrées sur une austérité dont on voit mal où elle se niche d’années en années : les dépenses exceptionnelles continuent de grimper (sans pouvoir expliquer à elles seules, selon la Cour, l’aggravation des déficits), et surtout, … les dépenses de personnel aussi.
Eh oui, tout comme en 2013 où la presse constatait, à la suite de la Cour, que l’emploi public repartait à la hausse (sans pour autant en conclure que l’austérité était du flan, conclusion logique apparemment inatteignable), il en fut de même en 2014 où l’emploi public aura là encore affiché une excellente santé, probablement en proportion du marasme qui s’est emparé de l’emploi privé.
Et d’ailleurs, il n’est qu’à se rendre sur le portail de la fonction publique destiné à recenser les offres d’emplois ouvertes par les nombreuses (ô combien nombreuses) administrations de notre beau pays pour comprendre qu’il y a fort à faire pour seulement espérer tarir le flot invraisemblable de missions que l’État s’est octroyé et qui nécessitent une armée de bras que tous les impôts du pays ne parviendront pas à payer.
L’exercice, du reste, est aussi éclairant qu’amusant. Ainsi, au milieu d’âpres propositions d’« Inspecteur de l’Éducation Nationale » ou de « Chargé(e) de mission pour des marchés publics » dont on devine, sans avoir besoin de les lire en détail, qu’elles baignent dans l’ambiance joyeuse et un peu fofolle de procédures légales rigolotes et d’une paperasserie tout à fait amusante, on peut aussi trouver une somme assez conséquente de métiers que le secteur privé n’aurait sans doute jamais pu imaginer tant leurs intitulés vendent du rêve, envoient du steak et tabassent du chaton mignon à 100 km à la ronde.
On peut par exemple devenir (offre 104562) « Directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de Dordogne », ce qui permet d’affirmer à la fois qu’il y a tout une administration chargée de la cohésion sociale en Dordogne (apparemment, il y faut toute une administration pour que le social soit bien cohérent, sinon, ça part rapidement en vrille, je suppose – c’est chaud, la Dordogne, question cohésion sociale, que voulez-vous) et à la fois que même sans directeur actuellement, la Dordogne s’en sort pas trop mal puisque l’anarchie n’y a pas encore étendu son règne (ah bah finalement, c’est pas si chaud, la Dordogne, question cohésion sociale).
Une autre offre (ici) permettra d’enfin trouver un « responsable du programme de simplifications pour les citoyens dans le cadre du choc de simplification » ce qui explique d’un coup pourquoi la situation était si foutrement épineuse. Dire qu’il manquait tout simplement d’un responsable pour piloter ce foutu programme de simplification pour qu’enfin, pouf, le choc se mette doucement en route, franchement, on est rassuré de voir que des dispositions ont été prises à ce sujet. Ouf. Depuis le temps qu’on l’attendait, ce responsable !
Je pourrais vous détailler, pour le plaisir, l’offre 105442 qui réclame un « Chargé(e) du suivi des publics en insertion par le logement et demandeurs d’asile » dont l’intitulé laisse présager de grands moments de solitude paperassière aux tampons humides des pleurs de son possesseur, ou, plus amusant, l’offre 106558 qui réclame un – je cite – « Administrateur Agent virtuel intelligent (AVI) pour le Compte personnel de formation (CPF) H/F » qui demande plusieurs relectures et laisse songeur quand on imagine le candidat revenir d’un entretien plein de succès et s’écrier à ses proches :
« Youpi, je suis enfin administrateur agent virtuel intelligent pour le CPF, mes petits amis ! J’ai toujours rêvé d’être administrateur agent virtuel intelligent, et c’est une vraie promotion de mon poste précédent d’agent virtuel idiot ! Vite, mangeons de la Ouiche Lorraine pour fêter ça ! »Enfin, sachez que l’offre pour un « Responsable de la démocratie sanitaire » est malheureusement expirée, et non, il ne s’agissait pas d’aider la naturelle (et nécessaire) synchronisation des urnes électorales avec les toilettes républicaines, mais de fournir un poste pour un responsable de l’un de ces concepts fumeux, dont la fonction réelle est de créer toute une hiérarchie et des postes à la douzaine pour camoufler l’explosion du chômage en France.
On le comprend, alors que les uns pleurent sur l’amère austérité qui n’existe pas, que les autres chouinent sur la réduction dramatique des services publics, la Cour des Comptes et les chiffres sont sans appel : l’État continue de plus belle à embaucher, à tour de bras, ses dépenses explosent et ses recettes s’effondrent. Mais rassurez-vous : au moins, ses agents ne sont pas en rupture d’imagination pour l’intitulé des multitudes de jobs palpitants qui s’y crée tous les jours.