Et il est temps, effectivement, de se pencher sur le sujet. On le sait, la précédente majorité n’a pas vraiment fait d’étincelles, les vilains. Les déficits de toutes les branches de la Sécu se sont accumulés depuis pas mal d’années et l’actuel gouvernement doit donc impérativement étudier les moyens de remettre tout ça d’équerre, d’autant qu’ils n’ont pas trouvé le temps, l’année passée, de se pencher sur le sujet tant l’actualité fut chaude : il fallait absolument et avant tout s’assurer que le mariage homosexuel serait voté avant de procéder plus avant à une refonte de l’assurance maladie ou du système des retraites.
Et puis, maintenant est le bon moment : d’une part, certains traitres à la patrie se sont rendus compte qu’ils pouvaient quitter la Sécurité sociale (oui, toute la Sécu, maladie, chômage, retraite), et en font part à tout le monde de façon assez bruyante. D’autre part, d’autres traitres à la patrie minent le système en refusant de payer
Et pour le faire tenir, rien de tel qu’un peu de rafistolage, artistiquement étalé sur plusieurs années. Si l’on doit réformer, on va faire ça en douceur, sans rien toucher de douloureux. Le pays, on le rappelle, est maintenant trop sensible pour accepter la moindre bosse, le moindre piquant, la plus petite aspérité. Et c’est donc habillés de combinaisons moulantes en épais velours rose qu’on imagine nos minustre se relayer pour nous expliquer ce qu’ils ne vont surtout pas faire pour que la réforme se passe dans de bonnes conditions.
Pour l’assurance maladie, le sujet n’est pas sur la table et devra attendre. Pour la retraite, en revanche, on va donner des gages au marché et à l’Union Européenne en expliquant qu’on planche dessus, à fond à fond à fond. C’est donc Jean-Marc Ayrault, onctueusement glissé dans son pyjama rose d’une douceur Cajoline à toute épreuve, qui nous l’explique : oui, on va réformer la retraite, mais non, ne vous inquiétez pas, il n’y aura aucun changement sur l’âge légal de départ. Et bien sûr, puisqu’on ne touche pas à ça, il va falloir moduler un petit chouilla (à la hausse, bien entendu) ce qui veut dire, essentiellement, augmenter ce qu’on paye en CSG ou augmenter ce qu’on paye en cotisations. Comme d’habitude en France, lorsqu’on dit que la retraite va augmenter, c’est qu’on parle de son coût.
Et rassurez-vous : tout ceci n’est qu’un commencement. En réalité, il ne s’agit que de la première étape comme Jean-Marc l’a expliqué dans son discours à la Rochelle, à l’université des taies du PS (qui, comme chacun sait, enveloppent les oreillers qui serviront ensuite à endormir les Français). Pour lui, la deuxième étape de leur « action » commence. La première étape, qui aura permis d’atteindre les 11% de chômeurs, aura vu les impôts, taxes, cotisations exploser à des niveaux records, cette première étape est à présent terminée. La seconde va pouvoir commencer.
En quoi consiste-t-elle ? Essentiellement, il s’agira de, je cite parce que c’est mignon comme une polésie de CP à la fête des pères, « prolonger le rêve français ». S’agit-il de ce rêve éveillé qui enrobe d’une gangue de déni compact les dirigeants du pays, les têtes pensantes de tous les grands partis français ? Ou le rêve français est-il cette illusion dans lesquels baignent nos élites qui croient dur comme fer que la France reste ce phare moderne dans l’océan des turpitudes internationales ? Ou s’agit-il de cette longue succession de chiffres économiques calamiteux, de fermetures de sites industriels, de délocalisations fiscales, de fuite des cerveaux, d’augmentation des prélèvements et des vexations fiscales tous azimuts ?
De quel rêve français parle-t-il ? De celui où le nombre de cambriolage augmentependant que la Garde des Sots propose des réaménagements de peines à tire-larigot ? De celui où le pays est sous-équipée en IRM alors que ses habitants sont parmi ceux qui dépensent le plus pour leur santé ? Ce rêve français du Chômage Pour Tous ? Ou cet autre rêve français où devenir propriétaire revient à jouer à la roulette Russe contre l’État, ou devenir entrepreneur (auto ou pas) revient à signer sa faillite personnelle à plus ou moins court terme ?
On ne saura pas. Mais une chose est sûre :
« Pour le redressement du pays, il faut absolument continuer sur la voie qui a été prise par la gauche. »Tout va donc continuer comme cela a commencé. Il n’y aura pas de disparition des régimes spéciaux. Il n’y aura pas d’alignement rapide et définitif des retraites du public sur celles du privé. Il n’y aura pas d’équité, de justice, ni, bien sûr, de liberté. Heureusement que l’histoire passée (qui nous indique qu’on va vers la catastrophe) n’est pas la tasse de thé des responsables politiques. Voilà qui est fort rassurant.
Ce qui l’est moins, c’est que ces inévitables augmentations de cotisations et/ou de CSG (notez le « et », l’augmentation simultanée des deux n’est pas impossible) impacteront forcément le pouvoir d’achat — ou ce qu’il en reste — des Français. Or, la timide excuse qu’on fait actuellement passer pour une croissance risquerait d’en souffrir, ce qui inquiète un peu le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, qui s’en est ouvert publiquement. Pour lui, les hausses d’impôts ont atteint un seuil fatidique. Pire : l’ennuyeux commissaire ajoute que « la discipline budgétaire doit passer par une baisse des dépenses publiques et non par de nouveaux impôts », ce qui est, on peut le dire, intolérable ! D’ailleurs, les lecteurs habituels du Monde ne s’y sont pas trompés qu’ils conviennent sans détour que cet Olli Rehn se mêle de ce qui ne le regarde pas, et puis non d’abord, les hausses d’impôts ne font même pas mal, et puis on fait ce qu’on veut en France même qu’on va augmenter la CSG et les cotisations et c’est tout et puis tout va bien se passer et le petit Olli il va fermer sa grande g. non mais des fois.
Bref .
On connaît, tous, le problème. Les retraites sont de plus en plus misérables, le système est à bout de souffle, et les bricolages marginaux de nos clowns à roulettes ne parviendront pas à rétablir un système digne de confiance. Les futur cotisants fuient. Les cotisants actuels fuient ou ne cotisent plus. Les politiciens fuient leurs responsabilités. Les privilégiés refusent tout ajustement.
On connaît, tous, la solution. On sait qu’il faut redonner à chacun le choix complet de son niveau et de sa durée de cotisation, et rendre à chacun la responsabilité d’organiser sa propre retraite, de la façon que chacun l’entend. Mais cette solution est trop éloignée du dogme socialiste où tout le monde doit venir en aide à tout le monde et personne ne doit jamais faire le moindre effort. Cette solution, pourtant utilisée avec succès dans tant de pays, sera soigneusement évitée.
Dès lors, on connaît, tous, le résultat.
Ce pays est foutu.