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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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L’État ne veut pas le bien de ses citoyens commerçants

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« L’État est là pour nous aider, on paye pour ! » Je suis toujours très surpris de constater qu’une majorité de Français croient encore ce gros bobard douillet dans lequel ils se réfugient d’ailleurs dès qu’on commence à discuter un peu de son emprise sur leur vie de tous les jours. Régulièrement, ce blog est pour moi l’occasion d’illustrer pourquoi, précisément, l’État ne veut pas le bien des citoyens qu’il aurait charge de servir. Aujourd’hui, c’est à Carcassonne que nous découvrons un de ces nombreux exemples d’aberration étatique.



On apprend, par une presse frémissante à l’idée de relater les péripéties locales de la mairie, qu’une nouvelle médiathèque est en cours de finition dans la ville de Carcassonne et qu’elle sera bientôt ouverte. Jusque là, rien d’anormal, puisque c’est la simple continuité des activités naturelles de l’administration locale qui consiste, comme chacun sait, à dépenser bruyamment et le plus visiblement possible l’argent des contribuables locaux dans des établissements rutilants destinés à leur apporter avec empressement ce qu’ils n’ont jamais demandé.

De nos jours, une municipalité digne de ce nom et des impôts fonciers prélevés ne se contente plus de ravaler les façades d’écoles ni d’entretenir avec des frais minutieusement calculés des bibliothèques aux livres un peu jaunis dans lesquelles quelques rayons histoire, géographie, culture locale et cuisine du cru côtoient un misérable rayon Économie remplis d’ouvrages délicieusement marxistes. Non, décidément, les « bibliothèques », c’est poussiéreux, et ça nous ramène début XXème siècle. De nos jours, on fait dans la « médiathèque » qui, comme son nom l’indique, accumule les médias pour attirer le gogo contribuable usager.

Eh oui : on va donc ajouter à la traditionnelle procession de livres plus ou moins intéressants une quantité vaguement amortissable d’autres médias, comme la musique ou les films sous forme de DVD ou de Blu-ray. L’idée est simple : comme, soyons clairs, plus personne ne vient spontanément dans les bibliothèques, on va tenter de justifier la présence du bâtiment, les coûts de personnel salarié, des infrastructures et de leur maintenance en élargissant l’offre (et en obligeant les écoles publiques à venir y faire un tour régulièrement aussi ; après tout, il n’y a pas de petites victoires.) Il faut dire que la concurrence d’internet est particulièrement rude et les employés municipaux chargés de démontrer leur utilité indispensable rivalisent donc d’inventivité pour accroître la fréquentation de leurs locaux. Au passage, on trouvera quelques études (dont certaines réalisées jusqu’en 2006, par un Crédoc manifestement trop réjoui à l’idée que les chiffres seraient bon, mais si mais si) qui expliquent que les bibliothèques municipales continuent d’attirer du monde, même si la lecture attentive des rapports montre surtout que la population qui y vient régulièrement tend à vieillir, et que les établissements peinent franchement à attirer l’attention des jeunes dont une bonne partie n’y va que parce qu’elle y est obligée scolairement.

C'est surprenant tout ce qu'on peut apprendre à la bibliothèque

Le bilan est d’ailleurs franchement grisâtre. Si la désaffection des bibliothèques reste encore modérée (encore que les statistiques ne laissent guère de doute), on ne peut arriver à la camoufler qu’après des torsions statistiques amusantes qui font un peu sourire lorsqu’on recoupe les informations sur internet. Par exemple, si les places de lecture en bibliothèque de l’enseignement supérieur passent ainsi de 115.000 en 2002 à 127.000 en 2008, les lecteurs inscrits passent, eux, de 1.305 millions à 1.211 sur la même période. Évidemment, le personnel employé passe lui de 5138 à plus de 5700 (halte aux cadences infernales, et tout ça). En pratique, plus de 70% de la population française fait preuve d’une totale indifférence à ces services qui coûtent pourtant 20€ par an et par habitant.

Le décor posé, revenons à Carcassonne où la nouvelle médiathèque va donc ouvrir, et même disposer … d’un espace dédié aux jeux vidéos. Ici, je cite la notule journalistique :

Les ados ont leur place, avec des jeux vidéos. « Cette offre est importante pour attirer les publics adolescents, qui fréquentent peu les bibliothèques, explique le directeur. Ils pourront à la fois jouer sur place et emprunter les jeux pour les amener chez eux »

Youpi, des jeux gratuits payés par le contribuable pour attirer le djeunzs dans les filets de la municipalité ! Bien sûr, le djeunz ainsi serré ne sait pas qu’il est en réalité l’enjeu d’une bataille budgétaire pour justifier l’existence d’une dépense cossue dans sa ville, mais c’est sans importance : il va pouvoir dégommer du spetsnaz dans Call of Duty pour pas un rond et ça, c’est assez kewl, man.

Éthiquement, cependant, on peut comprendre que certains trouvent l’affaire un tantinet difficile à avaler. Je pense ici à un certain Laurent Pécal, le gérant de Logigames, qui se retrouve maintenant en concurrence frontale avec les services de l’État, et avec ses propres impôts. Pourtant, il y a un an, lors de l’ouverture de la petite médiathèque, les services de la mairie de Carcassonne avaient assuré le gérant qu’ils ne feraient pas de jeux vidéos et ne viendraient pas piétiner ses plantes-bandes commerciales. Peine perdue, donc : la médiathèque proposera bien des jeux vidéos, disponibles à l’emprunt.

government : i'm here to helpLa réaction de Laurent Pécal est sans équivoque : « Ils se sont bien foutus de ma gueule. » Il est vrai que, du point de vue commercial, la situation n’est pas des plus aisée : « Ils sont gratuit. Je ne peux rien faire contre la gratuité. » D’autant que, question moyens, le service public, toujours prêt à pleurnicher pour en avoir encore plus, dispose ici d’un budget de 11.9 millions d’euros sur trois ans, à comparer au budget d’un cybercafé (ici, moins de 100.000 euros à l’année) qui n’a pas l’opportunité d’utiliser la force pour aller piocher dans la poche des contribuables.

On pourra m’objecter que la concurrence, prônée par les libéraux, a normalement du bon. Certes, mais cela suppose une concurrence un minimum équitable, et non le véritable dumping dont le gérant est ici clairement la victime : il n’aura jamais les moyens dont dispose la municipalité puisque, factuellement, il devra pour vivre facturer quelque chose à ses clients (et uniquement à ceux-ci) là où la municipalité, par le truchement de l’impôt, peut se permettre d’aller racketter aussi tous les habitants y compris ceux qui n’ont rien à faire des jeux vidéos.

Un concurrent normal (grande surface, autre cybercafé) sera toujours confronté à la nécessité de facturer ses services pour éponger une partie de ses coûts, chose que les sévices publics peuvent se passer complètement de faire de façon directe. Non seulement, ils peuvent reporter le coût sur des non-clients, mais ils ont aussi la facilité de crédit illimité que permet tout état muni de la coercition légale.

Mais plus profondément, sans même parler de la concurrence introduite ici aux forceps, on pourra rappeler, comme je le notais en introduction, que l’État n’est pas censé piétiner ainsi le travail des honnêtes gens. Tout d’abord parce qu’en bon gestionnaire, l’État doit comprendre que saboter ainsi le commerce, c’est se couper d’une source de financement. Et d’autre part, l’État a normalement pour mission l’exact opposé : favoriser la création d’emplois, ce que cette médiathèque détruit de façon évidente (eh oui : l’argent qui la fait fonctionner, il faut bien le trouver quelque part).

Bien évidemment, cet exemple peut paraître anecdotique. Il est en réalité parfaitement symptomatique du problème français : là où l’État devrait se faire humble et se contenter de ses missions régaliennes essentielles, il s’éparpille joyeusement dans des multitudes d’aventures colorées qui coûtent de plus en plus cher de façon directe (par les frais engagés) et indirecte (par les destructions de richesse et d’emplois inférées).

Non, les jeux vidéos gratuits disponibles à l’emprunt, ça n’existe pas. Et non, l’État ne vous veut pas du bien : il veut son propre bien, la pérennité de son existence avant tout et même si cela doit se faire au détriment de son hôte (vous).

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