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Pourquoi une telle fuite en avant de la dette étatique?

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Nombre de commentaires : 2 réactions
Cette question est pour moi lancinante depuis 2008.

Année après année, les déficits se sont accrus. Les bilans des banques centrales ont enflé.

De 2009 à 2020:

Aux USA, cela s'expliquait en termes simples (voir les articles de M. Jean-Pierre Chevallier) et le gonflement du bilan de la banque centrale US se faisait avec peu de création monétaire. Ils avaient les moyens de leur politique.

En Europe, il y a eu création monétaire massive à la BCE, mais on pouvait trouver encore un semblant d'explication au choix entre:


  • l'aveuglement idéologique pour la construction européenne
  • l'incompétence d’ "élites" politiques sans culture économique
  • le cynisme de la haute finance
  • l'impérialisme américain, visant à diviser pour mieux régner
  • etc...
On pouvait encore (presque) croire que toutes ces dettes seraient remboursées, quitte à:

  • mettre en semi-esclavage les actifs sur une ou deux générations et/ou
  • spolier les épargnants dans les assurances vies, livrets A et autres placements avec les états en final
  • ponctionner/imposer l'économie réelle
  • forcer la main des prêteurs institutionnels. (C'est ça ou vous perdez tout.)

Arrive 2020 et la crise du coronavirus:

Les sommes annoncées pour les plans de "sauvegarde" ou de "relance" sont tels que l'économie réelle ne pourra jamais, mais jamais, générer assez de richesses sur une durée socialement acceptable.
De plus, les sommes annoncées sont totalement disproportionnées par rapport au coût réel de la crise sanitaire.

Il faudrait plusieurs générations d'une économie moribonde, juste pour repayer ces dettes.


Cela ne s'est jamais passé comme cela dans l'histoire.
Les nations et systèmes politiques se sont toujours écroulés avant cela.

Au final, les dettes ont été annulées, directement et/ou par un reset monétaire.


Dans le même esprit, je suis persuadé que l'Euro n'a pas d'avenir.
Une monnaie fiduciaire durable est toujours liée à une structure politique forte. C’est la force politique qui donne la croyance dans la monnaie et l’envie de l’utiliser.
Pour donner un avenir à l'Euro, il faudrait en arriver aux Etats-Unis d'Europe.
Or, les peuples européens n'en veulent pas. La crise sanitaire a fini de montrer l'impuissance et l’incompétence de Bruxelles.
De plus, les autres grandes puissances mondiales feront tout pour que cela n’arrive pas.


Ainsi, je peux l'affirmer de manière certaine: les dettes étatiques ne seront, pour leur immense majorité, jamais remboursées.
Ce sont des emprunts russes en devenir.
D'autant plus que la monnaie dans laquelle ces dettes pourraient être remboursées n'existera plus.


Je suis persuadé que les vraies élites économiques - la "big old money" - le savent depuis plusieurs années.

La vraie question est: Pourquoi ne pas couper les pertes et recommencer d'une ardoise propre?
La crise sanitaire passée, accepter la crise économique le plus tôt possible pour en limiter le plus possible les dégâts.
Ce ne sera pas la première fois dans l'histoire et l'humanité est toujours là.

Mais il ne faut pas oublier que la "big old money", c'est l'économie et l'économie est la "big old money".
Vous et moi pouvons nous désinvestir et nous réinvestir ailleurs; pas eux. Il n’y a pas d’ "ailleurs" pour eux.

Si la big old money ne pousse pas cette solution, c'est qu'elle y perdrait encore plus et qu'elle a un plan de sortie systémique.

Cela a fait tilt dans ma tête quand l'annonce a été faite que la BCE commencerait à racheter des actifs "pourris".
Ces types d’actifs à risque tels que si M. Trichet avait proposé cela avant 2008, il aurait été immédiatement débarqué pour insanité.




Le scénario que je vous soumets est donc le suivant:

  1.  impression monétaire forte ex-nihilo
  2. grâce à cette monnaie, achat massif, en les surpayant, des actifs douteux dans les banques, pour nettoyer le bilan des banques et les renforcer
  3. idem pour les acteurs majeurs de l’économie réelle: leur apporter des liquidités pour les renforcer
  4. reset monétaire, avec 
    • dévaluation de la devise
    • annulation de la dette étatique
Les acteurs de l’économie réelle devront continuer à rembourser aux banques leurs dettes sur la base de l’ancienne devise (sinon le système bancaire s’écroulerait). Ils supporteront donc un charge financière plus élevée (à hauteur de la dévaluation), mais cela aura été compensé par les largesses d’avant crise.

Les banques verront leurs dettes étatiques effacées. Elles auront été renforcées avant crise par l’afflux de liquidités.

Les bilans des banques centrales enregistreront des pertes énormes, mais cela n’aura pas d’importance, car ces bilans auront été gonflés avec de la monnaie créée ex-nihilo.


Le tableau ci-dessous donne un ordre de grandeur de la masse monétaire à créer en Europe.

J’espère que les chiffres sont justes. De toute manière, ce sont des ordres de grandeur. Le paramètre critique est la dévaluation attendue sur la nouvelle devise.

Tableau dévaluation banques


Tout va bien alors ? Plus de problèmes ?

Oui, pour tous les acteurs qui auront pu bénéficier du gonflement de la masse monétaire : grands acteurs de l’économie réelle et institutions financières.

De l’argent leur aura été donné de fait, pour essuyer les pertes futures.



Qui sont les perdants alors ?

  1. Tous ceux qui auront prêtés de l‘argent aux états et qui ne seront pas assez forts pour leur mettre le couteau sous la gorge pour se faire rembourser, au moins partiellement.Tous les acteurs de l’économie réelle (artisans et PME) qui n’auront pas reçu d’argent de la BCE ou des états avant crise.
    • Ces grands perdants seront en particulier, tous les souscripteurs individuels d’assurance-vie, Livrets A, etc…
  2. Tous ceux qui auront des emprunts bancaires, sans pouvoir les rembourser sur la base de l’ancienne devise. Les actifs financés leurs seront saisis.


Quand ce plan sera-t-il mis en oeuvre?

En fait, il est déjà en œuvre.

Cela a été commencé dès 2011, mais créer ex-nihilo plus de deux ou trois fois le PIB de la France sans être trop visible n’est pas simple. Il n’y a qu’à voir la réaction récente de la cour constitutionnelle allemande.

De 2007 à 2020, la BCE a été capable de gonfler son bilan de la BCE de 3500 milliards d’Euro, sans réactions réelles. OK, tout n’est pas de la création monétaire, mais chapeau les artistes !

La crise du coronavirus est une aubaine historique, à exploiter à fond. La peur de la mort justifie toutes les dépenses.
Corollaire : la big gold money n’a absolument aucun intérêt à ce qu’un remède efficace soit trouvé rapidement.




Tout ce beau plan peut voler en éclat,

  • si le reset monétaire devenait incontrôlable, avec une hyperinflation galopante, aucune impression monétaire ne saurait suffire.
  • si les engagements hors bilan des banques devenaient incontrôlables, du fait de la volatilité des marchés
  • si les grands prêteurs à BCE étaient assez puissants pour exiger remboursement anticipé de leurs prêts, avant le reset monétaire
  • si la populace refusait de payer ses dettes et descendait dans la rue.
    • D’où l’impérieuse nécessité de maintenir le bon peuple dans un état de peur et de dépendance financière assistée, pour mieux le contrôler quitte à gérer quelques épisodes « gilets jaunes ».

Je suis sûr que la big old money a conscience des risques, mais elle n’a pas tellement d’autres solutions; vu les grandes masses en jeu.
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2 commentaires

  • Lien vers le commentaire Gilles Janssen jeudi, 23 juillet 2020 06:31 Posté par Gilles Janssen

    Bonjour Charles,

    La réponse à cette question clé : " je vois pas pourquoi l'emprunt ne serait pas dévalué dans les memes proportions que le loyer" se trouve dans les capacité de paiement des locataires.

    Si, grâce à la dévaluation, l'économie crée des emplois bien rémunérés (économie fortement exportatrice par ex), alors effectivement les loyers seront plus ou moins dévalués dans les mêmes proportions que le loyer.

    En revanche, si la dévaluation n'améliore pas le pouvoir d'achat du locataire moyen, les loyers ne suivront pas la dévaluation de l'emprunt.

    Après, vient aussi le fait de savoir si le contrat et les lois en vigueur (à ce moment-là...) permettront d'indexer correctement le loyer.

    Au passage, merci à Karl pour vos réflexions et ce bon article.