Ainsi, avec les problèmes survenus à Chypre en mars dernier, dans lesquels – ô stupeur – le contribuable / déposant européen lambda a découvert que ses comptes en banques n’étaient protégés par rien du tout au plus grand bonheur de ceux qui nous dirigent et adorent y glisser leurs petits doigts boudinés, les actualités ont bruissé du souffle tout particulier que les journalistes peuvent produire lorsqu’il s’agit d’un domaine auquel ils n’entendent rien : mélangeant avec le brio qu’on leur connaît leurs présupposés vaseux avec l’approximation habituelle de bouillie mathématico-mystique qu’ils avaient comprise du système Bitcoin, ils entreprirent de nous expliquer comment la monnaie virtuelle s’installait dans le paysage financier mondial.
Mieux : alors que les monnaies (l’euro notamment) subissait des attaques de la part du dollar, alors que la situation se tendait visiblement autour de la petite île méditerranéenne, Bitcoin affichait une santé insolente et surtout, progressait tant en valorisation que les transactions dépassèrent le milliard de dollars dans la foulée (avec un bitcoin à plus de 200$ pièce). Le krach, inévitable devant la frénésie qui s’était emparée des traders de bitcoins, et qui verra cette monnaie dégringoler à 78$, sonnera d’ailleurs l’hallali sur le sujet pour nos pisse-copie dont l’attention-spandépasse rarement la semaine.
Mais indépendamment des sautes d’humeur du marché de la monnaie numérique, Bitcoin venait d’apparaître sur le radar du public … et des autorités. Partant, il était logique que des économistes se penchent sur cette nouveauté.
C’est donc l’occasion de présenter le dernier livre de Philippe Herlin, paru sous forme d’eBook à un prix très abordable de moins de 5€, « LA RÉVOLUTION DU BITCOIN ET DES MONNAIES COMPLÉMENTAIRES » aux Editions Eyrolles.
Dans ce court ouvrage d’une cinquantaine de pages (et qui se lit bien, le style de l’auteur étant clair et factuel), Philippe Herlin revient sur les monnaies complémentaires, explique les mécanismes qui les sous-tendent, et leur rapport avec la monnaie fiat que nous connaissons actuellement, en expliquant notamment leur comportement vis-à-vis de l’inflation. Cela lui permet d’introduire les différentes écoles de pensée en matière monétaire, en particulier l’école autrichienne, avec Friedrich Hayek.
Cette introduction effectuée, Herlin peut s’étendre sur le fameux Bitcoin, devenu l’une des monnaies complémentaires les plus connues. L’ouvrage détaille d’abord le fonctionnement particulier de cette monnaie exclusivement « mathématique », construite pour répondre à des impératifs de non-centralisation (aucun organisme n’est maître de l’émission de bitcoins, il ne peut y avoir création de bitcoin sans contrepartie – calcul – attestée) et d’absence de confiance dans un tiers, les échanges se basant précisément sur le fait qu’on peut obtenir du réseau (de tous les autres pairs) une assurance solide de la validité de la transaction :
Le bitcoin est ainsi une monnaie qui n’est la propriété de personne (elle fonctionne en réseau), complètement autonome (pas de banque centrale !), autorégulée (les participants sont incités à contrôler les transactions), et transparente.Dans la suite de l’ouvrage, l’auteur détaille sans concession les forces et les faiblesses de la monnaie virtuelle, et présente de façon claire ses perspectives d’avenir alors que la crise qui touche les monnaies étatiques continue de dérouler ses actes de plus en plus dramatiques. Il détaille en particulier les menaces qui pèsent sur Bitcoin : celles introduites par ses concurrents (en l’espèce, les banques et le système financier traditionnel) et celles introduites par son statut juridique bâtard, puisque Bitcoin n’est pas une monnaie électronique (au sens de la réglementation bancaire européenne par exemple), ni une monnaie locale (comme le SEL), ni une devise comme le yen ou le dollar.
Et s’il apparaît que ce statut juridique puisse poser problème pour son adoption auprès des entreprises et des particuliers, c’est bien évidemment les concurrents du système bancaire actuel qui constituent les plus sérieux soucis de Bitcoin. Et à ce propos, il suffit pour s’en convaincre de constater que les États sont passés, dernièrement d’observateurs vaguement amusés par ce bricolage cryptographique anodin à des observateurs attentifs (avec des rapports de la BCE et de la Fed) et que tout montre qu’ils se muent en opposants farouches à mesure que l’ampleur de la monnaie virtuelle grandit, d’ailleurs aidés en cela par l’inculture moyenne des journalistes qui auront tôt fait de raccrocher les monnaies virtuelles, Bitcoin en tête, à tous les trafics et les noirceurs du monde (pédonazisme compris).
Et c’est sans surprise qu’on a appris il y a quelques semaines que le gouvernement américain a décidé d’interdire certaines plate-formes d’échange pour convertir les bitcoins en dollars et inversement. Si l’on se rappelle à quel point les banquiers centraux ont en horreur les monnaies historiques que furent l’or et l’argent, on ne peut guère être étonné de l’agressivité des autorités devant une nouvelle alternative aux monnaies fiat qu’ils nous refourguent.
Ce mouvement américain contre Bitcoin n’est pas le seul : dans les jours qui ont suivi, ce sont les Anglais qui se sont intéressés de très près à la monnaie numérique. Bien évidemment, l’idée générale est qu’un tel système de monnaie décentralisée, échappant assez bien au contrôle étatique, ne peut que faire venir des boutons aux autorités en place dont le but est, tout de même, de contrôler aussi finement que possible la masse monétaire à leur profit.
Ensuite, Le mécanisme pour diaboliser l’invention est toujours le même : puisqu’il n’est pas contrôlé par l’État, il sert à faire des choses que celui-ci désapprouve voire combat, comme (au hasard, cumul possible) acheter ou vendre de la drogue, des armes, des organes, des pièces détachées de drones, ou — pire — des betteraves au marché du coin et constitue donc la graine de tous les terrorisme. Oui, certes, c’est comme les grosses coupures en dollar ou en euros, mais ce n’est pas pareil puisque dans le second cas (les monnaies fiat), les États les contrôlent. Puisqu’ils vous le disent. Enfin. Voyons. Suivez un peu.
Bref, vous l’aurez compris : Bitcoin permettant à l’évidence de favoriser l’évasion fiscale et l’énucléation de chatons, il faudra l’interdire. Et pour cela, rien de plus simple si l’on fait passer tout détenteur de cette monnaie pour un terroriste, un dissident anti-démocratique ou dangereux lunatique décidé à attaquer la souveraineté nationale.
En attendant, et comme le remarque fort justement Philippe Herlin dans son livre que, décidément, je vous recommande (au contraire des articles du Monde, toujours plus pathétiques), le bitcoin prouve déjà son utilité comme protection de son épargne : en Argentine par exemple, le pouvoir restreint les mouvements de capitaux et le change, ce qui pousse les Argentins à utiliser le bitcoin. Dans ce cadre, l’utilisation de la monnaie électronique constitue une forme subtile d’auto-défense contre la spoliation étatique par l’inflation. À n’en pas douter, ce genre d’utilisation va augmenter d’autant que les monnaies fiat montrent bien des signes d’essoufflement. Le fait est que Bitcoin rentre tous les jours un peu plus dans la vie courante (un exemple intéressant peut être lu ici) et c’est précisément ce développement qui terrorise les étatistes et autres banquiers centraux ; les attaques subies ne seront pas les dernières.
Tant mieux : si c’est mauvais pour eux, c’est en revanche libérateur pour les individus.