Le mot stagflation dont je parlais déjà en 2008 est désormais sur toutes les lèvres. Bill Bonner, déflationniste de la première heure, y croit maintenant dur comme fer. Les gens de Natexis eux-même, nous expliquent avec beaucoup de retard que la stagflation devient probable car elle n'est pas alimentée par l'émission monétaire seule comme ils le pensaient mais par la croissance insolente des émergents. Nous disons depuis longtemps qu'elle est alimentée par les deux ...
La question que je me suis posée ces dernières semaines était celle de l'évolution des marchés à l'arrêt du Quantitative Easing 2. Il semblait évident pour beaucoup que la FED par décence n'allait pas enchainer une nouvelle monétisation de la dette américaine dès la fin de celle en cours et que nous allions subir un ralentissement économique temporaire. Mais dans ce cas, une question vient à l'esprit. Si la FED n'achète plus les obligations du trésor américain, qui va le faire ? Il se murmure que la banque centrale américaine achète en ce moment 70 % des obligations émises ! Les Primaries dealers qui plaçaient ces derniers mois de l'argent frais créé à partir de rien vont donc devoir se tourner de façon beaucoup plus importante vers les épargnants américains et les caisses de retraites. Cela pourrait avoir un sens si le taux d'épargne des américains avait retrouvé de la couleur. Mais on s'aperçoit bien vite que l'épargne privée des citoyens US ne grimpe que parce que ceux-ci payent leurs crédits en cours sans avoir recours à de nouveaux crédits. C'est à dire qu'ils consomment moins et payent leurs dettes. Coté caisses de retraite, les gérants deviennent de plus en plus frileux concernant la dette américaine. Le gérant de PIMCO a carrément vendu toutes les obligations américaines qu'il détenait ... Le Trésor pourrait aussi se tourner vers ses créanciers étrangers historiques que sont le Japon, la Chine et les pays producteurs de pétrole. Le Japon est malheureusement englué dans la reconstruction de son pays et a besoin de capitaux. La Chine n'a plus confiance dans la devise US qu'elle détient en trop grande quantité et se désinvestit en dollar pour diversifier ses avoirs avec l'euro, les matières premières et les métaux précieux. Elle dépense aussi son argent dans la modernisation de ses infrastructures. Cette tendance ne risque pas de s'inverser alors que la Chine accepte désormais une réévaluation progressive du Yuan par rapport au dollar. Les pays pétroliers manifestent également leur méfiance envers le dollar en faisaient grossir leurs fonds souverains et en achetant des métaux précieux.
De façon plus générale, le PIB Européen (16 000 milliards $) est supérieur au PIB américain (14 000 milliards $). Pourtant l'euro ne représente que 27 % des devises en circulation et le dollar 62 %. Ca permet de bien comprendre pourquoi le dollar n'est plus une monnaie crédible et surtout pourquoi les émergents vont stocker de l'euro et lâcher le dollar. Cette distorsion sur les réserves de change associée à la volonté allemande de défendre la monnaie européenne est pour moi le garant d'une appréciation long terme de l'euro par rapport au dollar malgré l'agitation créée autour des Pigs par les faiseurs d'opinions anglo-saxons. La monétisation en Europe n'a pas dépassé 72 milliard d'euros. A comparer avec les différents plans de relance américains nous faisons figure de modèles de vertu.
Mais si personne ne veut de la dette américaine, qui va acheter les nouvelles émissions du Trésor ? La réponse est simple : la FED ! Quand ? Très vite ! Sinon les USA ne peuvent plus faire rouler leur dette et financer le fonctionnement de l'état américain. Et nous ne parlons pas des finances des collectivités territoriales qui à l'image de l'état de Californie sont en quasi faillite ! Si les obligations du Trésor ne trouvaient plus preneurs, les taux d'intérêt américains exploseraient créant une dépression plus forte que celle de 29. Le terrain est déjà préparé puisque le déplafonnement de la dette US a été voté par le congrès.
Bien sûr, les dirigeants américains vont devoir justifier la poursuite des mesures non conventionnelles. Cela va être facile car les dollars investis par la FED dans la dette américaine produisent une croissance anémique. La monétisation va donc être présentée comme une mesure supplémentaire pour soutenir la croissance mondiale, utilisant une fois de plus l'argument fallacieux selon lequel celle-ci dépend essentiellement de l'Amérique. En fait l'Amérique est en croissance très lente et toute le développement planétaire est tirée par le formidable dynamisme des émergents ! En réalité, l'Amérique, qui a reporté l'insolvabilité des ménages vers les états, est en cessation de paiement et la monétisation n'a pour seul intérêt que noyer sa dette sous un flot d'émission de monnaies. Et contrairement à ce qu’affirment les tenants de la rigueur monétaire, je suis certain que c'est la moins mauvaise des solutions pour eux.
La monnaie créée va continuer à gagner les méandres économiques de la planète pour insuffler de l'inflation dans les pays qui ont la plus forte croissance. Cette inflation reviendra ensuite via la hausse des prix des produits importés vers les pays occidentaux qui n'ont aucun moyen de la freiner puisque les hausses des taux sont inopérantes sur ce type d'inflation et qu'elles sont récessives au plus haut point sur des économies chancelantes. On pourrait croire que les émergents sont capables par des mesures monétaires et bancaires adaptées de freiner cette inflation dont ils n'ont aucun besoin. C'est partiellement vrai mais la nature même du cycle de croissance des émergents est inflationniste puisque leur développement est au stade où leur demande intérieure doit s'accroitre. Or cette demande intérieure ne peut augmenter que si les salaires croissent dans leurs pays. Cela signifie que les coûts liés au salaires dans les produits vendus partout dans le monde vont continuer à grimper de façon structurelle. A cela s'ajoute l'effet de rareté et de sous-production des matières premières que j'évoque depuis de nombreuses années qui va faire également monter les couts-matières. Certains peuvent objecter que la montée des couts-matières va faire plonger l'économie mondiale ! Certes mais pas tout de suite si les taux restent bas et qu'on émet de la monnaie a tour de bras pour payer ces matières avec de l'argent fictif. Tout au plus va-t-elle freiner l'activité dans un premier temps en particulier en Europe si la BCE poursuit sa politique de hausse des taux courts. L'espoir secret des américains est que dans cet environnement inflationniste à taux très bas, l'ensemble de l'occident va se désendetter en truandant tous les créanciers obligataires pour repartir sur une croissance saine dans une dizaine d'années. Il est possible qu'ils y arrivent ... Les créanciers ont-ils le choix ? Ce qui risque toutefois de contrer la stratégie américaine de désendettement est l'explosion du système monétaire. La Chine et les BRICs développent déjà un certain nombre de possibilités d'échange commerciaux en dehors du dollar. Depuis peu la Chine a compris que le Yuan devait rejoindre le système de change flottant et devenir une des monnaies majeures dans les échanges mondiaux. Cela implique qu'elle développe, avant de le faire, son compartiment obligataire et sa demande intérieure sous peine d'être inondée de capitaux sur des marchés trop étroits. Cela donne encore un délai aux américains. Il faudra pour que le yuan rejoigne les grandes monnaies que le PIB de la Chine atteigne les 15000 milliards de dollars. Or il est actuellement autour de 6 000 milliards de dollars. Au taux de croissance actuel, cela prendra au moins 10 ans.
Toute la difficulté d'anticiper les effets de l'inflation créée est de savoir si les salaires vont finir par monter en suivant le délitement monétaire. La réponse est : rapidement chez les émergents, et de façon retardée chez nous.
L'autre idée à développer est que la stagflation qui va se développer en occident est une inflation sans croissance et avec un emploi en berne. Il faut donc éviter de parier sur la croissance domestique occidentale mais se positionner plutôt sur les actions des pays émergents qui sont en train de développer leur consommation intérieure et qui ont une situation financière saine à même de faire monter leur monnaie.
Arbitrages
Partant du principe que l'Amérique va reprendre rapidement sa création monétaire, nous continuons à privilégier les métaux précieux et les biens tangibles. Nous ne prenons pas de bénéfices ni sur les matières premières ni sur les émergents. Nous attendons encore la jambe de baisse que j'espère depuis maintenant un mois pour nous positionner au mieux sur ces actifs. Il faut bien éliminer les mains faibles.
Le compartiment obligataire reste composé d'une dette à haut rendement High Yield et émergents, et d'une dette indexée sur l'inflation.
J'ai désormais un doute sur le tracker short taux US 7-10 ans car le dollar risque de chuter et nous subirons le risque de change alors que la banque centrale américaine va contrôler les taux via la monétisation sans nous donner la possibilité de profiter d'une hausse. C'est une algorithmique perdante. Je me débarrasserai donc de cette ligne au moment ou les taux longs US vont se tendre dans l'attente de QE3.
La hausse attendue du Yuan par rapport au dollar va me conduire à augmenter mes positions en Yuan. Je cherche en ce moment un moyen pertinent pour le faire.
La hausse anticipée de l'euro par rapport au dollar m'amène à éliminer toutes les actions américaines même celle qui ont trait aux matières premières. Des arbitrages seront réalisés lors de la prochaine hausse des matières.
Le retard à la montée des salaires en Europe et aux USA devrait avoir un effet récessif sur les actions domestiques occidentales qui sont à fuir et probablement un effet baissier sur l'immobilier qu'il faut céder sur la partie la moins intéressante. L'idée est de récupérer rapidement du cash.
Le patrimoine type supérieur à 1.5 Millions d'euros va donc dégager du cash puis subir des arbitrages importants pour le prochain mois. Il devrait à terme tendre vers les proportions suivantes si la baisse attendue des MP et des émergents se matérialise :
Or physique | 10,00% |
Mines d'or | 7,00% |
Mines d'or moyenne importance | 1,00% |
Silver | 1,00% |
Cash | 1,00% |
Obligations taux fixes | 0,00% |
Produit monétaires chinois en Yuan | 2,00% |
Obligations émergents | 4,00% |
Obligations taux indexées sur l'inflation | 5,00% |
Obligations High Yield | 2,00% |
Trackers short sur obligations européennes | 1,00% |
Actions chinoises compartiment A et B en yuan | 3,00% |
Actions Emergents | 7,00% |
Energie matières premieres | 7,00% |
Actions défensives européennes à gros rendement | 5,00% |
Avoirs spéculatifs | 2,00% |
Immobilier | 42,00% |
Je ne publie pas de patrimoine de montant inférieur à 1.5 Millions d'euros mais les arbitrages sont les mêmes.
Précision importante : le ratio immobilier représente, comme dans une déclaration ISF, la partie amortie du bien soit sa valeur vénale inscrite à l'actif otée du capital restant dû inscrit au passif. En cas de nouvelle acquisition, il correspond à l'apport en fond propre mais est amené à croitre avec l'évolution et l'amortissement du crédit.
Son Blog : http://futures.over-blog.com/