Etes-vous plutôt inflationniste ou déflationniste ?
Vous êtes nombreux à me demander mon avis sur l'inflation et la déflation.
Vous en pensez quoi, vous ?
Etes-vous plutôt inflationniste ou déflationniste ?
Pour ma part, je répondrai volontiers : les deux, mon capitaine ! Tout dépend de l'horizon de temps dans lequel vous vous situez.
Commençons par les tenants de l'inflation. Leurs arguments ne manquent pas vous allez voir.
Nous avons évité la Grande Dépression et la Déflation. Certes. Mais...
Mais nos gouvernements et banquiers centraux ont inondé la planète finance d'argent gratuit, et ils ont injecté des centaines de milliards dans l'économie réelle via les plans de relance généreusement abondants.
Des chèques en blancs par-ci, de la planche à billets par-là, du quantitative easing de-ci et des subventions de-là...
Le robinet a coulé et coule toujours à flots.
Les faits sont implacables.
Et voici les trois conséquences de cette générosité sans bornes :
1. La crise est finie, vive la reprise !
Revoilà les beaux jours. Tout le monde est optimiste sur l'évolution de nos économies ces derniers mois. Bientôt la croissance sera de retour, comme avant... Tout est bien qui finit bien... merci les plans de relance !
Deux remarques à ce sujet : vu tout l'argent mis sur le tapis par les autorités en tout genre, ce rebond est bien un minimum. Est-il pérenne ? Cela dépendra de la capacité des consommateurs occidentaux à consommer. Et vu leur niveau moyen d'endettement, permettez-moi de ne pas être très optimiste. D'ailleurs, c'est précisément pour cette raison que je crois en la déflation.
En revanche, côté Emergents, la croissance sera bien réelle. Les relais aux plans de relance seront là. Contrairement à chez nous.
2. Explosion de la dette publique, envolée de la masse monétaire
Je ne vous fais pas un tableau... Les Etats sont exsangues, croulent sous les dettes. Parce qu'ils ont poussé le système jusqu'à ses plus extrêmes limites.
Aujourd'hui, il faut payer. Se désendetter. Et pour absorber ce monstrueux endettement, deux solutions : le racket fiscal ou l'inflation.
Ne comptez pas sur la croissance pour résoudre la question de la dette : elle sera beaucoup trop molle, pendant des années, pour espérer rembourser quoi que ce soit.
3. Les valorisations des marchés explosent
En inondant la planète finance d'argent, nos généreux donateurs ont chassé des marchés "l'aversion au risque" et donné aux investisseurs les moyens de pousser aux extrêmes le cours des actifs financiers.
Les marchés actions ont bondi en moyenne entre 50% et 100%. Les matières premières affichent des rebonds de 100% à 200%. Le marché des obligations bat son plein.
Tout monte.
Et les corrélations boursières habituelles volent en éclats.
Seulement voilà. Ces trois conséquences -- de l'extrême générosité de nos gouvernants -- sont clairement inflationnistes à terme. Voici pourquoi :
Trop d'argent tue l'argent !
Lorsque vous créez de l'argent à partir de rien, le risque majeur est la perte de la confiance en la monnaie papier, sa dépréciation et l'inflation. Chaque nouveau billet émis dépréciant la valeur de tous les billets précédemment émis...
Dans les faits, pour acheter un même bien réel, (une baguette, une voiture, une maison), le vendeur vous demandera d'arriver avec quelques brouettes de billets en plus, au fur et à mesure de la dépréciation de la monnaie. Les prix montent. C'est l'inflation.
La dette devra être payée. Elle le sera par l'inflation
Sachant :
- Que la croissance à venir sera franchement très peu vigoureuse dans nos pays de l'OCDE ;
- Que les prélèvements sont déjà excessifs ;
- Et qu'il va en plus falloir payer dans les années à venir l'épineuse question des retraites et du financement de du système de santé.
Inutile de vous dire que rajouter des prélèvements en sus pour rembourser nos frasques passées et nos montagnes de dettes est quasi impossible.
L'inflation sera la voie de sortie. Avec elle, la dette "s'évapore sans douleur". Une bénédiction pour tout homme politique qui se respecte...
Les vents inflationnistes arriveront aussi par les matières premières
Les Trente Glorieuses chinoises (et des Emergents en général) mettront les cours des matières sous pression. Avec des cours du pétrole et des métaux industriels qui s'envolent, les coûts de production vont s'apprécier. Et les producteurs, pour maintenir leurs marges, n'auront pas d'autres choix que de relever leurs prix de vente.
Et plus il y aura d'inflation, plus le cours des matières premières monteront car ils constitueront alors des "valeurs refuge" pour les investisseurs. Ce sont des "actifs tangibles" dont la valeur résiste à l'érosion monétaire qu'est l'inflation (par opposition à "l'actif papier" dont la valeur s'effrite).
Les vents inflationnistes arriveront via les importations et les Emergents
Nous importerons l'inflation des Emergents en achetant leurs biens.
Le différentiel de croissance entre les zones OCDE et émergentes entraînera une appréciation des monnaies émergentes comme le real brésilien ou le yuan chinois. Ce qui renchérira le coût de nos importations (nos monnaies nationales perdant en pouvoir d'achat).
Mon avis ?
Les arguments pour une reprise de l'inflation, à plus ou moins longue échéance, ne manquent pas. Et j'y souscris. Avec quelques nuances.
Personnellement, je vois les tensions déflationnistes prendre le pas sur les tensions inflationnistes dans un premier temps. Et dans un second temps les tensions inflationnistes s'imposer.
Mardi, je vous parlerai de la déflation.
En attendant, retenez ceci :
Pour vous protéger de l'inflation, investissez dans le tangible. Matières premières physiques (pas papier) ou maison par exemple.
Pour vous protéger de la déflation : restez cash.
Isabelle MOUILLESEAUX