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Le monde des taux zéro et ses conséquences néfastes sur les entreprises et les épargnants au niveau des comportements

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Nous sommes pris dans un tsunami de liquidités. Les banques centrales n’ont eu de cesse d’imprimer du papier depuis 2008. Encore et encore.

Objectif affiché : créer un « effet richesse » qui se traduira par une hausse de la consommation et donc de la croissance.

Coté effet richesse, aucun doute possible : ça a marché ! Si vous êtes sur les marchés actions depuis 2008, le moins qu’on puisse dire c’est que vous avez fait le plein. Tout a grimpé... il n’y avait même pas à faire du stop picking ! Nos banquiers centraux ont gonflé les bulles, en surfant dessus les plus-values étaient quasi garanties.

Sauf que nous parlons ici d’une infime minorité : ceux qui ont des actions en bourse. Ainsi, les écarts de richesse se sont considérablement creusés, la grande majorité de la population s’étant appauvrie (chômage, travail précaire, hausse des impôts, baisse des prestations sociales...). Elle a vu son pouvoir d’achat baisser et s’efforce même de mettre un petit pécule de côté « en cas de coup dur »).

Donc quand on me dit que la hausse de la consommation induite par le laxisme monétaire tirera la croissance... j’avoue douter. Probablement mon biais allemand. J’ai toujours eu du mal avec les théories keynésiennes dont ceux qui nous gouvernent sont adeptes. Distribuer gratuitement de l’argent créé ex-nihilo n’est qu’une fuite en avant qui doit cesser le plus vite possible ; or aujourd’hui, imprimer devient la normalité.

Mais revenons à nos moutons. Tsunami de cash sur les marchés...l’argent coule à flot.

Et pourtant...

Les signes de crise de liquidité se multiplient

Autant d’alertes sur lesquelles l’investisseur averti devrait méditer :

  • Le Flash krach de Mai 2010 à New York

  • Flash krach du T-Bond le 15 octobre dernier, le rendement du 10 ans s’effondrant de 37 points de base en quelques minutes (les statisticiens affirment que ce type d’évènement à 1 chance d’arriver toutes 3 milliards d’années...)

  • Secousse du printemps 2013, les taux long US s’envolant soudainement de 100 points de base (Bernanke annonçant sa volonté d’arrêter progressivement les rachats d’actifs long terme)

  • Plus proche de nous, le brutal rebond du 10 ans allemand (bund) dont le taux (alors à 0,07%) s’est envolé de quelque 80 points de base en un temps record

Qu’est-ce que cela nous apprend ?

Que malgré les excès de cash, il y a de sérieux problèmes de liquidité sur les marchés, et notamment sur les marchés obligataires.

Principale raison : les market makers (teneurs de marché) se font rares. Avant 2008, vous aviez toujours une banque prête à se porter contrepartie pour racheter les titres que vous vendiez. Avec les nouvelles régulations, les banques se sont retirées, asséchant au passage la liquidité du marché obligataire. Et quand la liquidité n’est plus assurée, des mouvements violents sont susceptibles de se produire, impactant les prix à la vitesse de l’éclair.

Ajoutez à cela les logiciels de trading haute fréquence qui animent les débuts et fin la séance (entre les deux... calme plat). En cas de krach, ils auront tendance à amplifier le mouvement.

Soyons clairs :

En cas de crise de liquidité les investisseurs se rueront au portillon pour vendre. Ils verront les cours chuter, puis ils ne verront plus de cours du tout. Tout simplement parce qu’il n’y a personne en face.

Le CEO de JP Morgan a récemment tiré la sonnette d’alarme. Nouriel Roubini et la BRI ont fait de même. Le manque de liquidité fragilise les marchés.

Le risque est aujourd’hui d’autant plus grand que les entreprises se sont massivement tournées vers les marchés obligataires. Ces quatre derniers mois, les entreprises US ont émis 100 milliards d’obligations chaque mois. Elles émettent « à tout va », avant la remontée (anticipée) des taux.

Pourquoi ?

Parce qu’il faut bien financer les rachats d’actions. Rien qu’en avril, les boites du SP500 ont racheté pour 133 milliards de dollars de leurs propres actions

Et puis il faut bien financer les fusions acquisitions qui ont atteint un record historique à Wall Street (signe avant-coureur de sommet des marchés actions au passage...). Rien qu’en mai, les transactions s’élèvent à 243Mds$ ! Du jamais vu.

Les émissions obligataires se succèdent à un rythme d’enfer, et dans le lot, il y en a de « plus ou moins pourries ». On les appelle Junk Bonds. Mais ne vous inquiétez pas... les banques qui ont monté les deals nous saucissonnent tout cela « bien comme il faut » et revendent le tout à des fonds spécialisés. Qui bien sûr trouveront toujours preneurs sur les marchés... dans un monde à taux zéro, le rendement attire le pigeon comme l’aimant la limaille de fer.

Ca vous rappelle les subprimes ?
Je vois que vous avez bonne mémoire...Mais ce n’est pas tout.

Cerise sur le gâteau, Il faut s’attendre à des révisions à la baisse des notes de crédit, car les taux de défaut des entreprises sont en train de remonter aux US. Ils atteignent déjà 2%, devraient grimper à 2,5% d’ici la fin de l’année et 2.8% à la fin du premier trimestre de l’année prochaine.

Pour couronner le tout, les investisseurs se sont massivement portés sur ces marchés au travers des fonds spécialisés. Nul doute qu’en cas de coup de sang sur les marchés ils voudront instantanément sauter du navire. Personne ne sera là pour reprendre leurs titres ; les fonds devront « faire face » avec les moyens du bord (ils devront vendre à la casse leurs actifs pour rembourser les investisseurs), ce qui enclenchera un véritable cercle vicieux.

Rassurez-vous, nous n’y sommes pas. Mais mieux vaut se préparer à cette éventualité. Le risque est palpable. Se manifestera-t-il la semaine prochaine ? Dans un mois ? Dans un an ? Personne ne sait.

Quoi qu’il en soit, fuyez les fonds obligataires type « open-ended » et ETF illiquides. A commencer par les corporate US.

Isabelle Mouilleseaux

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