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Café : +29% en 15 jours. Pénurie et short squeeze menacent le marché

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Le cours du café flambe
Si le cours du café arabica a gagné 40% sur un an, il a bondi de 29% en 15 jours !

L'arabica atteint ainsi un niveau record de 12 ans à New York, tant les tensions sur l'offre sont fortes. Regardez :

Cours du café arabica à New York en US cents la livre

Que se passe-t-il ?

La tendance va-t-elle se poursuivre ?

Tentons de répondre à cette question.

Mais avant de commencer, quelques petits rappels
? L'arabica est récolté en Amérique centrale, en Afrique de l'Est et au Brésil, de loin plus gros producteur d'arabica mondial. Ce café haut de gamme est utilisé par les torréfacteurs à la recherche de café de qualité.

? Le Robusta est récolté principalement en Asie et un peu en Afrique. Le plus gros producteur est le Vietnam. Ce café est principalement utilisé pour faire du café instantané.

Les stocks de café sont au plus bas
Les stocks américains sont en chute libre de 28% cette année et au plus bas depuis 2002. Alors qu'ils atteignaient l'an passé encore 2,2 millions de sacs, les stocks pourraient chuter à 1,74 million de sacs en septembre et jusqu'à 800 000 en mars, selon certains experts.

Le stock officiel du LIFFE (robusta) est passé en un an de 400 000 à 230 000 tonnes.

Pourquoi ?

Deux mauvaises récoltes consécutives d'arabica
Parce que les deux dernières récoltes d'arabica en Amérique centrale et en Colombie (le second plus gros producteur d'arabica après le Brésil) ont été mauvaises, et que l'an dernier la production du Brésil a été endommagée par un excès de pluie.

Côté robusta, la situation est toute aussi tendue
La récolte des pays asiatiques est cette année mauvaise car la mousson a fait défaut. La sécheresse a sévi. Le Vietnam devrait produire 17,5 millions de tonnes contre 18 millions l'an passé.

Même constat en Inde.

Les livraisons en provenance du Vietnam sont en retard et ses exportations inférieures de 20% à ce qu'elles étaient l'an passé à la même période.

L'offre baisse, la demande grimpe
D'un point de vue global, l'offre devrait s'élever sur la saison en cours (2009/2010) à 120,6 millions tonnes contre 128 millions l'an passé. Soit un repli de l'offre de 6%, alors même que la demande reste très soutenue, tant pour l'arabica que le robusta.

D'où la hausse des cours

L'énigme brésilienne : la quantité est là, peut-être pas la qualité
Le café est cueilli au Brésil entre mars et septembre et la récolte devrait être abondante en quantité. Mais déjà les spécialistes annoncent que 20% du café ne répondraient pas aux critères de qualité requis.

Pour l'instant, on s'attend à voir le café brésilien inonder les marchés au début de l'automne.

Attendons de voir, sachant que cette donnée est essentielle à l'évolution future des cours.

Les ouragans s'en mêlent
Et comme si cela ne suffisait pas, Dame Nature s'immisce dans le scénario pour l'exacerber un peu plus encore.

La tempête qui s'est abattue sur le Guatemala (le plus gros producteur d'arabica d'Amérique centrale) et qui a fait 82 morts, pourrait réduire la récolte attendue.

Je résume
? Offre actuellement insuffisante face à une demande très soutenue ;

? Niveau de stocks au plus bas ;

? Les craintes de "pénurie" de café ont pris le dessus sur le marché qui ne tient pas compte pour l'instant de l'arrivage brésilien à venir.

Forcément les prix flambent.

Mais il y a autre chose...

Short squeeze ! L'étincelle qui a mis le feu aux poudres du café
Il y a beaucoup de hedge funds qui spéculent sur les marchés du café, relativement étroit. Ces fonds jouaient massivement la baisse du café, lorsque soudainement un acteur important du marché aurait décidé de demander la livraison physique de tous les contrats livraison juillet arrivant à échéance et qu'il avait massivement accumulé.

Inutile de vous dire que les fonds ont été pris au piège
Ils n'avaient pas la contrepartie physique de leurs contrats short puisqu'ils ne livrent jamais quoi que ce soit. Ils ne font que jouer, et roulent leurs positions juste avant l'échéance pour éviter la livraison.

Pire : l'offre physique de café étant actuellement très faible (pénurie), il leur était très difficile de s'approvisionner en café pour faire face à leurs engagements.

Ils ont donc été forcés de racheter leurs positions vendeuses, et contraints de racheter des contrats à terme au prix fort pour faire face à leurs engagements.

D'où l'explosion impressionnante des cours.

Moralité : il est facile de mettre le marché dans un "corner" quand il est étroit du fait d'un manque d'offre physique.

La hausse va-t-elle se poursuivre ?
Moi, je dis prudence ! Deux raisons à cela :

1. Attention au retour de l'aversion au risque
Comme je vous le disais, il y a beaucoup de hedge funds sur le marché du café. Et lorsque le "gros temps" secoue les marches actions, ils ont en général tous le même réflexe : vendre leurs positions et prendre leurs bénéfices sur les "marches risqués". Envolée de l'aversion au risque oblige.

Or nous sommes justement dans une période qui pourrait faire fuir brutalement les spéculateurs si les marchés actions venaient à dévisser un peu plus encore. Ce qui ferait chuter les cours.

2. Attention à la récolte brésilienne attendue en forte hausse
La récolte devrait être abondante et va bientôt arriver sur le marché. Elle devrait lever la pression sur l'offre et détendre les cours.

Et pour 2010/2011 (la saison vient de s'ouvrir au 1er juillet), la récolte devrait être exceptionnelle (le marché du café est cyclique). L'USDA l'attend en hausse de 23% par rapport à 2009/2010.

Que nous dit l'analyse technique ?
J'ai demandé à mon ami et analyste Mathieu Lebrun de nous donner son avis que voici :

"Depuis le 10 juin, les cours du café (cotés en cents par livre) ont enregistré une forte poussée haussière. En franchissant le pic atteint en mars 2008, ils ont ainsi inscrit un nouveau plus haut historique.

Désormais, d'un point de vue graphique, les cours évoluent non loin de la borne supérieure du canal ascendant au sein duquel ils évoluent depuis décembre 2008. En conséquence, alors que les indicateurs techniques hebdomadaires évoluent en zone de surachat (l'oscillateur RSI revient sur ses niveaux de mars 2008).

 

Cours de l'arabica sur le NYBOT en US cents la livre

Un repli à court terme est désormais à prévoir. La zone de baisse à surveiller se situe sous les 150 cents, soit autour des retracements de 50/61,8% de Fibonacci.

Par la suite, et tant que les 145 cents ne sont pas enfoncés, la borne basse du canal haussier devrait contenir les prises de bénéfices.

Enfin, une nouvelle extension haussière est attendue en direction des 175 cents.

Dans l'alternative, si les 145 cents venaient à être cassés, le risque de rechute serait alors situé plus bas, sur les 135 cents".

Ma conclusion ?
Si la cible de Mathieu est touchée (175 cents), j'aurai certainement envie de vendre le café pour jouer la baisse qui s'ensuivra. Soit un potentiel de gain de quelque 25% pour l'investisseur averti qui voudra dompter le marché du café.

 

Isabelle MOUILLESEAUX

Article extrait du site www.edito-matieres-premieres.fr

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