Les intervenants sur le net ont une large propension à confondre les phénomènes monétaires et les évolutions de la croissance. Dès que les marchés baissent, ils parlent de déflation d'actifs et dès qu'ils montent, ils parlent d'inflation. Il s'agit d'une confusion qui n'aurait pas d'importance si elle ne faussait pas l'analyse. Le prix des actifs est dans les faits soumis à deux forces :
- L'une monétaire qui conditionne la valeur de la monnaie par rapport à tous les biens, qu'ils soient durables ou de consommation courante. Dans la déflation, la monnaie prend de la valeur et dans l'inflation, elle en perd. Ce paramètre monétaire est régi au sens de l'école autrichienne par le rapport entre la quantité de monnaie émise et la richesse crée. Interviennent ensuite d'autre parametres secondaires qui vont amender ou accéler ces phénomènes monétaires. Ce sont, entre autres, la solvabilité financière du pays considéré, la vélocité de la monnaie dans ce même pays, les parités monétaires avec d'autres pays, la situation de leur monnaie et les balances commerciales respectives.
- L'autre force est économique, liée essentiellement au niveau d'activité. Il est évident que lorsque l'économie ralentit quelle que soit l'évolution de la monnaie (inflation ou déflation) la valeur des biens diminue ou monte moins puisque la demande décroit. Inversement lorsque la croissance devient trop forte, l'offre de biens ou de produits manufacturés devient inférieure à la demande et les prix montent. Il ne s'agit là, ni d'inflation, ni de déflation, mais d'ajustement économique des prix.
A l'analyse fine, la confusion entre les deux est liée au fait que la croissance augmente la vélocité de la monnaie et potentialise les effets d'une inflation monétaire (récente surchauffe chinoise) et la récession la diminue en accélérant les phénomènes déflationnistes (crise de 29 ou poussée déflationniste de 2008 aux US). Chacun comprend qu'il s'agit de deux phénomènes différents et qu'ils ne doivent pas être confondus. Il est tout à fait possible, comme c'est le cas aujourd'hui, de cumuler récession ou stagnation économique avec inflation monétaire.
En effet, que se passe t-il actuellement ? Nous sommes dans un environnement inflationniste puisque les indices des prix à la consommation, pourtant sous-évalués par une pondération inadaptée de l'échantillon des prix, se sont situés entre 2.5 et 3 % et beaucoup plus dans certains pays émergents durant l'année écoulée. C'est profondément anormal puisque la croissance en France et dans de nombreux pays est à zéro. Cela signifie que même si la vélocité de la monnaie est diminuée nous produisons de l'inflation au delà de la cible que nous nous sommes autorisée durant des années. Cela veut dire que la masse de monnaie en circulation est bien trop élevée. Il ne s'agit pas dans cet article de rappeler pourquoi elle est si abondante mais on comprend parfaitement que les raisons qui conduisent les autorités monétaires, souvent la main forcée, à émettre plus de monnaie que de richesses crées, n'ont pas disparu.
Quand je lis l'article d'un éditorialiste souvent pertinent intitulé "les déflationnistes marquent des points, c’est indéniable", je suis obligé de lui dire qu'il fait une énorme confusion entre valorisation monétaire et croissance.
Pour parler de déflation, il faut que le prix facial des biens et des produits manufacturés baissent non pas parce que l'économie ralentit mais parce que l'argent se renchérit. On voit bien que c'est faux. L'argent perd chaque année un peu plus de sa valeur par rapport à l'or (multiplié par 5 en 12 ans) et à l'immobilier (multiplié par 2 en 12 ans) dans les pays qui ne subissent pas de deleveraging, à situation de croissance, d'offre et de demande relativement constante (cas de la France). Cela signifie qu'en dépit d'une vélocité monétaire réduite, l'inflation progresse à un taux supérieur à celui ciblé par les banques centrales. Si le prix des actions et des matières premières diminue actuellement, c'est parce qu'on anticipe une baisse de l'activité, certainement pas un renchérissement de la monnaie. Ce phénomène n'est pas une déflation : c'est une stagflation. Celle-ci a de fortes chances de se développer plus avant avec le temps.