L’objet de de cet article est de refaire un point de situation des banques françaises et des risques encourus par votre épargne qui y est déposée.
1. La solidité des banques françaises :
En fonctionnement normal, une banque dite « à réserve fractionnaire » (le cas de l’immense majorité des banques dans le monde)
- collecte des dépôts et les mets dans un pot commun.
La banque sait ce qu’elle doit à chaque déposant (le chiffre en bas à droite sur vos relevés de comptes) mais ce n’est plus vraiment votre argent.
- La banque prête une partie de ces dépôts avec intérêt ou achète des actifs rémunérateurs pour gagner de l’argent
- et elle conserve le reste en sécurité pour faire face à une situation difficile et/ou pour rembourser des déposants.
Historiquement, l’on estime qu’une banque doit garder au moins 10 - 12% de réserves pour passer au travers des crises économiques. C’est l’esprit des accords Bâle II et III.
La crise de 2008 a fragilisé les banques. Elles ont puisé dans leurs réserves et sont descendues jusqu’à 3% - 4% de réserves. Depuis 2008, les banques américaines ont reconstitué ces réserves environ au niveau d’avant-crise; mais pas les banques françaises. Elles ont à peine refait des réserves. Certaines plus que d’autres mais très loin des 10%.
La non-reconstitution des réserves s’est faite avec l’aval plus ou moins tacite de l’état français. Pour faire simple, l’accord non-dit est : « Moi état, je te laisse prêter plus pour gagner plus. Je ferme les yeux, surtout en cette période de taux très bas. En retour, toi la banque tu fais tourner l’économie (génératrice d’impôts), mais surtout tu achètes mes bons du trésor pour financer mes déficits. En cas de problème, tu es assurée du soutien de la BCE.»
Autrement dit, si une banque qui n’a que 5% de réserves voit ses actifs au bilan baisser de plus de 5%, elle doit récupérer en urgence des fonds propres pour éviter la faillite.
- soit trouver de nouveaux déposantssoit exiger remboursement anticipé des prêts qu’elle a consenti (ou bien saisir les biens en prêt)
- et on peut vite arriver à une pyramide de Ponzi.
- soit revendre en catastrophe des actifs détenus en direct
- soit compter sur un changement du cadre législatif…
Nous sommes donc dans une situation de fragilité des banques françaises.
2. Ma banque va-t-elle faire faillite avec la crise du COVID-19?
Pour moi, clairement non.
Le gouvernement – via M. Bruno LEMAIRE - a annoncé qu’il ferait tout pour sauver l’économie, quitte à « nationaliser les fleurons de l’industrie française ».
Au pire du pire, l’état interviendra en nationalisant les banques.
Mais ce ne sera pas sans conditions, ni sans casse.
L’état ne va pas dépenser beaucoup d’argent pour sauver des banques moribondes.
- Il n’a pas cet argent.
- Au-delà d’un certain coût, il vaut mieux repartir avec une ardoise propre.
- Autant forcer les déposants à passer dans une banque déjà sous le contrôle de l’état (ex: la Banque Postale), quitte à les indemniser (partiellement) de leurs avoirs perdus dans la banque en faillite.
Conséquence : il faudra nettoyer le bilan (alléger les dettes) de la banque nationalisée et faire rentrer de l’argent pour refaire des réserves.
- les actionnaires de la banque auront une proposition de rachat de leurs actions à la casse. Ni trop peu pour ne pas donner l’impression de spolier l’actionnaire, ni trop pour ne pas apparaître comme distribuant des cadeaux aux infâmes capitalistes. Si j’étais l’état, je dirais 10 – 15% du cours de bourse de l'époque. (Sinon, c’est la faillite est ce sera 0%.)
- Les dépôts seront fortement ponctionnés, façon Chypre.
- Il pourrait être demandé un remboursement anticipé (au moins partiel) des prêts en cours, et ce même si les contrats de prêts initiaux ne comportent pas une telle clause. (L’état aura le pouvoir législatif pour lui.)
Et tout cela avec le soutien d’une majorité du peuple français au nom du « nécessaire effort de solidarité nationale qui doit s’imposer à tous, en cette situation de crise sanitaire inédite ». Bla bla bla…
Ce sera d’autant plus facile que la population qui n’a pas d’épargne sera peu impactée. Plusieurs millions de personnes seront même heureuses que ces « salauds de riches » payent enfin.
Une autre solution serait pour l’état de laisser des banques étrangères saines racheter les banques françaises en faillite. Ce ne serait pas impossible, mais peu probable tant le coût politique serait élevé.
3. Mais, et ma garantie des 100 000 € sur les dépôts?
Vaste blague.
L’argent de cette garante proviendrait du FGDR où les banques versent régulièrement une cotisation obligatoire. https://www.garantiedesdepots.fr/fr/garanties-du-fgdr/la-garantie-des-depots
Mais les sommes sur ce fonds sont minimes. Environ 3.5 milliards d’€ dans le FGDR pour assurer 2000 milliards de dépôts…
En cas de faillite d’une banque mineure, la garantie fonctionnerait. En cas de crise systémique, les dépôts ne seraient effectivement garantis qu’à hauteur de quelques pourcents, au mieux...
Pire : l’argent dans ce fonds de garantie n’est pas dormant. Il est lui-même placé dans des instruments financiers émis par des banques et par l’état français. Comment le récupérer pour payer les déposants? Avec quelle décôte? Le serpent qui se mord la queue.
( https://www.garantiedesdepots.fr/sites/default/files/fgdr_rapport_annuel_2018_fr.pdf page 36 ligne obligations. )
4. Et mes actions, placements et titres, sur un compte-titres à la banque, c’est ma propriété, non ?
Oui sur le principe… ...sauf si vous avez autorisé votre intermédiaire financier à se servir en cas de besoin.
Vérifiez que vous n’ayez pas donné votre accord à votre banque ou intermédiaire financier de vendre vos titres dans le contrat d’ouverture de vos comptes ou renouvellement des conditions générales de vente.
Au pire, soyez rassurés la garantie du FGDR est là aussi…
https://www.garantiedesdepots.fr/fr/garanties-du-fgdr/la-garantie-des-titres
Sauf que nous avons vu la solidité de leur garantie et qu’il y a beaucoup d’exceptions. Ex : comptes espèce en devises hors UE des comptes-titres.
https://www.economie.gouv.fr/facileco/garantie-des-depots-et-des-titres
https://www.amf-france.org/fr/mon-intermediaire-financier-moi#ancre-60681
Votre banque pourrait même avoir vendu illégalement vos titres ; auquel cas la procédure officielle à suivre : https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/savoir-bien-investir/conseils-pratiques/en-cas-de-problemes/que-faire-en-cas-de-litige
No comments.
5. Alors quel avenir, Karl ? Mouille-toi un peu.
Ma conviction est que la situation des banques françaises est intenable à un horizon de quelques trimestres. Leurs réserves sont insuffisantes pour passer la crise économique à venir liée au COVID-19.
Ex : le gouvernement allemand vient d’annoncer officiellement que l’économie locale se contractera d’au moins 8% en 2020 ! C’est leur hypothèse de base, la meilleure qu’ils puissent donner pour rassurer le peuple et alors que l’on n’a encore pas mesuré l’impact réel du COVID-19 !
Pour rappel, en 2009, l’économie allemande ne s’était contractée que de 5.6% et avec des banques solides à la base…
Dans un premier temps, il y aura sûrement un ultime un bouche-trou de plus par la BCE, mais cela ne pourra pas tenir devant l’ampleur des dégâts économiques causés par la crise du COVID-19.
L’état devra intervenir.
Les banques françaises ne feront pas faillite. Elles seront nationalisées.
Nos dépôts seront utilisés pour assainir les comptes. Il n’y aura pas trop le choix. Nous perdrons une grande partie des dépôts, façon Chypre.
Quant aux titres et placements, la réponse est complexe et doit être regardée au cas par cas.
6. Alors faut-il laisser son argent à la banque?
Tout d’abord, la réponse dépend de ses capacités personnelles à gérer autrement.
Si vous ne vous sentez pas un expert, il faut le devenir et vite. Sinon, il faut accepter de subir.
Se faire ponctionner son argent par une méchante banque ou le perdre de par sa propre incompétence ne fait pas grande différence au final.
Retirer son argent n’a pas de sens sans une stratégie d’investissement mûrement réfléchie, légale et sûre.
Il y a sûrement de bons conseils à trouver sur Objectif Eco.
Mettre quantité des billets de banque sous son matelas n’est pas raisonnable.
Déplacer (légalement) ses avoirs à l’étranger n’est pas sans risque non plus. (Ex : un futur contrôle des capitaux interdisant un rapatriement.) Les banques étrangères ne sont pas forcément plus solides que les banques françaises.
Une bonne règle à suivre si on place son patrimoine à l’étranger : il faut i) parler la langue du pays et ii) être prêt à aller y vivre, car alors:
- On peut suivre les évolutions du pays et de son cadre légal, sans intermédiaires chers et intéressés.
- On annule le risque de change.
- On s’affranchit d’un possible contrôle des capitaux à la frontière.
- En devenant résident fiscal, on gagne des droits légaux, qui ne seront pas donnés aux non-résidents incapables de se défendre.
Enfin, si l’on choisit de se désengager autant que possible des banques, il faut être dans les premiers, car quand tout le monde voudra le faire (bank run),
- il n’y aura plus assez de réserves pour rembourser tout le monde.
- un arsenal législatif encore plus protecteur des banques aura été mis en place pour bloquer votre épargne.
7. Et si tu te trompais, Karl ?
Qui peut prédire l’avenir ? On ne peut faire que des scenarii et y affecter le plus objectivement possible des probabilités.
Si la situation des banques s’améliore, OK mon argent en aura été sorti inutilement.
Mais ma stratégie « pile je gagne, face je perds peu » sera en place.
A contrario, les banques ne me proposent plus de placements intéressants et avec un risque en capital.
Je pourrai me regarder en face dans le miroir et me dire : « Tu n’aurais pas pu faire mieux pour ta famille. L’avenir est incertain. Il a fallu faire des choix.»
J’aurai acquis une compétence et aurai mené ma vie, plutôt que de la subir.