« La croissance économique allemande est à l’arrêt, et personne ne remarque quoi que ce soit… »
C’est un article assez court du site Internet express.be qui aborde un sujet bien souvent passé sous silence à savoir la croissance allemande alors que ce pays est considéré comme la « locomotive » de l’Europe.Nous allons revenir sur cet article dont vous trouverez le lien de la source en bas de page. Avant, je souhaitais partager avec vous ce que je pense du modèle économique allemand et qu’il va évidemment à la rencontre de grandes difficultés sous de multiples pressions.
Le modèle mercantiliste germanique
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et son « miracle économique » d’après-guerre, l’Allemagne a orienté son système économique vers la production industrielle de masse puis a pris, au tournant des années 80, le virage du haut de gamme qui a commencé à donner des résultats tangibles à la fin des années 90 (les délais d’une vingtaine d’années vous permettent de visualiser ce que ne peut pas faire en 18 mois un ministre du « Redressement productif »). Bâtir une industrie demande des décennies.Une économie tournée vers l’extérieur et reposant avant tout sur les exportations plutôt que la consommation intérieure est appelée une économie mercantiliste. Je vous passe la définition exacte, ceux qui voudront creuser le sujet auront l’embarra du choix sur Internet mais disons que lorsque l’on parle d’une économie mercantiliste, il y a tout de même dans ce terme une bonne dose de négatif puisqu’en réalité une économie mercantiliste est fondamentalement parasitaire pour les autres acteurs internationaux et les flux sont par définition déséquilibrés. Je te vends de tout mais je ne t’achète rien, donc je t’appauvris. C’est cette idée qui avait amené, il y a quelques mois, le débat consistant à accuser l’Allemagne de faire « trop bien », car le trop bien était fait au détriment des autres. Il y avait quelques bonnes raisons de poser un tel débat mais surtout beaucoup de mauvaises, raison pour laquelle j’ai été assez scandalisé de l’idée de mettre l’Allemagne à l’amande sous prétexte que ses exportations et ses excédents étaient trop importants.
Les étapes de la montée en gamme de la Chine
La Chine, et c’est assez peu connu, n’a adhéré à l’OMC qu’en 2003 et avant 1995, la Chine tout simplement n’existait pas sur la scène économique mondiale. Elle sortait du massacre de la place Tiananmen et tentait une modernisation interne ainsi qu’une ouverture vers l’extérieur. Ses premiers pas étaient balbutiants.En l’espace de 10 ans et avec l’aide de procédés parfois douteux comme l’espionnage industriel assez massif et systématique ou encore le pillage technologique à travers des « joint-ventures » – qui, dans les premiers temps, ont été une véritable catastrophe en termes de propriété industrielle pour les sociétés occidentales qui s’y sont aventurées –, la Chine est très rapidement passé d’une industrie de très basse technologie et du textile nécessitant une main-d’œuvre peu qualifiée à une industrie de moyen de gamme qui est venue concurrencer de plein fouet des pays comme la France, le Royaume-Uni ou encore les États-Unis. Jusqu’au milieu des années 2000, seuls le Japon et l’Allemagne ont réussi à tenir et contenir cette poussée chinoise et ont même su en profiter puisqu’il fallait à la Chine encore plus de machines-outils germaniques ou nippones pour vendre au reste du monde (dont nous, Français).
Le problème auquel l’Allemagne commence à être confrontée est assez simple : la montée en gamme de l’industrie chinoise est désormais avérée. Si la Chine continue à nous abreuver de produits à la qualité minable déversés par des milliers de containers quotidiens arrivant dans nos ports, la Chine d’aujourd’hui c’est aussi la production de tous nos produits high-tech du quotidien, comme les tablettes et les smartphones presque tous « made in China », mais c’est aussi, symbole fort, au moment où les navettes spatiales américaines ont été mises au garage pour cause de vétusté, la conquête de l’espace et l’envoi de « taïkonautes ».
La Chine va donc non seulement acheter de moins en moins de produits allemands mais va vendre de plus en plus de produits qui viendront directement concurrencer la production allemande. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec la filière photovoltaïque allemande qui détenait 80 % du marché mondial et en moins de deux ans, c’est la Chine qui a raflé plus de 60 % du marché mondial entraînant plus de 200 000 licenciements en Allemagne.
La croissance en Chine marque le pas
Autre facteur beaucoup plus immédiat celui-là, la croissance chinoise marque le pas et les commandes asiatiques au sens large affluent nettement moins. Moins de commandes égal moins de production égal moins de croissance.La Russie un partenaire stratégique pour l’Allemagne
L’affaire de la crise en Ukraine ne va pas faciliter la vie de l’Allemagne, très loin de là, puisque c’est la plus grande économie européenne la plus tournée vers l’Est, virage pris par l’Allemagne dès sa réunification aux débuts des années 90 après la chute du mur de Berlin.L’approvisionnement énergétique
Quoi que l’on en dise, que l’on soit écolo ou pas, pour ou contre, peu importe. La réalité c’est qu’une industrie forte a besoin d’énergie abondante et peu coûteuse.L’Allemagne a fait le choix de sortir du nucléaire (c’est en soi une bonne idée, mais la mise en œuvre est quelque peu délicate) et de migrer vers le gaz… russe ! L’énergie en Allemagne est donc cher et le sera de plus en plus, tout en sachant que l’Allemagne est soumise au bon vouloir de nos amis russes. Il y a là une réelle dépendance.
Actuellement, aux États-Unis, les usines sont carrément « sponsorisées » par de l’énergie extrêmement peu coûteuse grâce au « miracle des gaz de schistes » qui, hélas, ne sera que de très courte durée et avec des dégâts environnementaux colossaux. Une industrie fragile n’est jamais en capacité d’absorber une augmentation significative du coût de l’énergie.
Des partenaires européens en panne sèche !
L’économie allemande est aussi dépendante de la demande intérieure européenne, or, dans la zone euro, on ne peut pas dire que la croissance soit élevée, au contraire l’ensemble des pays du sud dont la France sont plutôt en train de s’enfoncer dans la récession et la déflation notamment sous le poids des différents plans de rigueur et en raison du carcan de l’euro qui empêche toute dévaluation monétaire entraînant la nécessite de dévaluations compétitives « salariales ». Or il ne faut pas être grand économiste pour comprendre que baisser les salaires c’est clairement déflationniste !!Des banques allemandes qu’il faut recapitaliser encore d’urgence !
Si la Deutsche Bank va mal, c’est la même chose globalement pour l’ensemble du système bancaire allemand totalement vacillant et bourré d’actifs plus moisis les uns que les autres. Il y a une bonne raison à cette situation. Au début des années 2000, l’Allemagne a connu une période de stagnation économique très importante (pendant 5 ans, tout le monde en Allemagne voulait copier le « modèle » français). Alors que l’Allemagne n’avait aucune croissance et que le reste du monde se portait très bien, les banques allemandes, comme un seul homme, sont toutes allées chercher de la croissance ailleurs et en particulier aux USA, auprès de Wall Street, qui s’est empressé de refourguer à des banques allemandes en recherche de rendement des placements très lucratifs comme les fameux… subprimes !C’est cette différence de situation de croissance en 2005 qui explique que les banques françaises se portent (mal) mais nettement moins mal que les banques allemandes qui vont finir par mourir sous nos yeux… Pour le moment, c’est le « too big to save » qui prévaut et l’on a réussi jusqu’à présent à mettre la poussière sous le tapis… mais jusqu’à quand ?
L’avis de l’économiste en chef de Saxo Bank
C’est dans ce contexte que Steen Jakobsen, économiste en chef de Saxo Bank a déclaré :« Une chose qui continue de me surprendre est la manière dont les marchés réagissent au ralentissement à venir de l’Allemagne. Personne ne semble croire que l’économie allemande se ralentit, bien que le pays se soit heurté à 4 changements macro-économiques extrêmement négatifs au cours des 12 derniers mois. Le ralentissement est déjà un fait. »
Alors, préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT