C’est un article du Point qui revient sur ce micro sujet macro-économique – qui en réalité est une maxi question à titre personnel et que vous serez de plus en plus nombreux à affronter bien souvent par la force des choses.
“La petite phrase n’est pas passée inaperçue. « La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié », a lancé il y a quelques semaines notre flamboyant ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. De toutes parts, on s’insurge. Les médias, le monde politique, les syndicats… Le ministre, ébranlé, présente de plates excuses quelques jours après…”
Je ne viendrai pas participer à la curée et à l’offuscation généralisée dans un sens et dans un autre car, à mon sens, dans cette hystérie collective, tout le monde se trompe profondément de débat en occultant toute une dimension pourtant fondamentale d’épanouissement et de bonheur personnel, ce qui reste tout de même l’un des objectifs dans la vie.
Alors oui, évidemment, être entrepreneur – et j’ai moi aussi rejoint cette confrérie depuis quelques mois avec le lancement du site insolentiae – est un parcours semé d’embûches : il vous faut remplir des papiers en permanence en plus de toutes votre activité “productive”, il faut s’enchaîner des journées qui n’en finissent plus, il faut découvrir avec une horreur totale l’ampleur du nombre de CERFA existants (et maintenant j’en connais un paquet et pourtant c’était un pan qui m’était inconnu), il faut aussi payer environ 70 % de chiffre d’affaires à la collectivité qui exerce un véritable racket sur les entrepreneurs puisque lorsque vous faites 100 de chiffre, il vous restera au mieux 35… et encore, c’est avant paiement de l’impôt sur le revenu.
Mais ce n’est pas tout. En échange de tous ces prélèvements obligatoires, vous n’avez droit à rien. Pas d’assedic, pas de chômage, souvent pour obtenir une ligne de crédit vous donnerez votre caution personnelle, ce qui de fait entraîne la tombée de la limitation de votre responsabilité financière. Si les choses se passent mal, vous pourrez être mis à la rue et perdre votre maison.
Un monde de “nexperts”
Si vous êtes assujetti au RSI, c’est presque devenu un métier à plein temps que de comprendre vos charges et de négocier avec cet organisme dont le comportement n’est plus en ligne avec ce que l’on peut attendre en l’An de grâce 2016. Vous rentrez aussi dans un monde de “nexpert” car à chaque question que vous vous posez, on vous répondra toujours la même chose : “consultez un nexpert”… Un “nexpert” comptable, un “nexpert” financier, un “nexpert” fiscal, un “nexpert” juridique, un “nexpert” avocat fiscaliste international spécialisé en gestion pré-contentieuse avec l’administration fiscale qui veille au grain… Pas le vôtre, le sien ! L’administration fiscale est en charge de prélever 70 % de votre chiffre d’affaires et rien ne doit lui échapper. Alors les contrôles s’enchaînent avec une régularité de métronome, contrôle fiscal, contrôle URSSAF, contrôle de la DGCCRF et de tous les organismes de contrôle divers et variés. Cela, là encore, nécessite que vous passiez du temps non pas à travailler mais à répondre aux questions.Mais de tout cela finalement, les entrepreneurs s’accommodent, non pas parce qu’ils font contre mauvaise fortune bon cœur – bien que je conseille d’adopter cet état d’esprit de grande sérénité afin de mieux aborder tous ces soucis du quotidien –, non la réalité c’est que malgré tout cela, je suis libre de ce que je fais et de la façon dont je le fais en dehors des obligations légales évidemment.
La sécurité de l’emploi est une prison !
N’imaginez pas un instant que je porte un jugement de valeur sur le salariat ! J’ai été salarié avec plus ou moins de bonheur et plutôt moins pendant plus de 20 ans, et je ne regrette rien, car les vies de chacun appartiennent à chacun. Il ne s’agit donc en aucun cas de juger mais d’ouvrir des portes et des réflexions qui parleront à certains et pas à d’autres.J’ai souvent constaté dans mon entourage, dans les entreprises où je suis passé, dans ma famille essentiellement composée de membres de l’éducation nationale (personne n’est parfait n’est-ce pas et pourtant je dois à cette famille de prof au sens large, l’amour de la culture, du savoir et de la connaissance) le drame de la sécurité de l’emploi sur l’épanouissement.
Je reste intimement convaincu que l’homme c’est effectivement 2 millions d’années de génétique et seulement 5 à 6 000 ans d’histoire, ce qui ne pèse pas lourd. Nous ne sommes pas faits pour être statiques, emprisonnés, mis et rangés dans des boîtes et des cases. Nous sommes faits et taillés pour l’aventure, pour la survie, jusqu’à une certaine mesure évidemment.
La peur de perdre est plus forte que l’envie de gagner et… de vivre !
Nous subissons la lassitude. Qui ne serait pas lassé de faire et de répéter les mêmes choses pendant 50 ans ? Qui ? Et pourtant, la sécurité de l’emploi, la peur de perdre qui sera plus forte que l’envie de gagner emprisonne des individus dans des quotidiens identiques pendant des décennies, les rendant généralement dépendant des anxiolytiques dont la France est l’un des principaux consommateurs et en France, l’un des corps sociaux les plus touchés est évidemment le corps enseignants très largement dépressif chronique.Et pourtant, les démissions de prof sont rares… Pensez donc, ils ont la sé-cu-ri-té de l’emploi, mais ils sont malheureux comme les pierres.
Ne croyez surtout pas que j’oppose un prof à un entrepreneur ! Je ne les oppose pas, je cherche la différence entre les deux, et la différence essentielle entre ces deux catégories, c’est la sécurité de l’emploi. Pour l’un, tout est sûr, il n’y a aucune question à se poser et demain sera toujours (ou presque à quelques réformettes près) identique à aujourd’hui.
Cela donne des vies tristes et fades sans autres projets personnels à côté ! Il faut donc avoir d’autres centres d’intérêt et encore, ce n’est pas une protection absolue.
Oui la sécurité de l’emploi est mortifère pour les âmes !
En agissant comme une prison invisible d’autant plus redoutable que le chômage est très élevé dans la société, jamais ou presque un prof malheureux ne pourra dire rationnellement “je quitte l’éducation nationale pour tenter une autre aventure” ! Attention comme toute généralité, cela suppose toutes les exceptions allant avec !Si nous allons au-delà du cas de nos amis enseignants – dont je parle parce qu’encore une fois, je les fréquente intimement –, au bout d’un certain temps vous finissez par vous scléroser sans que cela ne remette en cause votre valeur ou vos capacités théoriques, c’est valable pour les plus brillants. Répéter la même chose sans fin finit par détruire justement les capacités personnelles : il n’y a plus de progression, il y a régression, une régression intellectuelle, de capacités, de dynamisme, d’envie, de joie, de bonheur… et petit à petit, la flamme s’éteint. On dit pudiquement “je ne suis plus très motivée”… En réalité, ce n’est pas la motivation le problème, le problème c’est l’envie qui s’en va, et dans envie, il y a surtout le mot “vie” !
Une vie sans envie n’est plus une vie. C’est étriqué, c’est sans plus de sens, c’est sans liberté… Vous êtres prisonnier du mythe de la sécurité de l’emploi et l’on sacrifie à ce mythe son bonheur et son âme.
Je ne prône pas la précarité pour tous !
Vous devez comprendre que mon approche n’est pas plus libérale qu’elle n’est socialiste ! Elle se veut juste basée sur les réalités humaines.Or de quoi avons nous envie ? L’être humain est un éternel insatisfait. Il a constamment envie de ce qu’il n’a pas, de ce qui lui manque. Quand il a la sécurité de l’emploi, en réalité il s’emmerde, il a envie d’aventure.. mais n’osera pas.
Il est fait pour les grands espaces mais on l’enferme dans des bureaux ou dans des classes. D’ailleurs, l’école, on appelle ça le “bahut”, et l’entreprise, la “boîte”, comme le dit si bien Pierre Rabhi, ce qui en dit long sur l’esprit de liberté qui nous anime.
Pour trouver l’épanouissement personnel, il faut trouver l’équilibre entre la sécurité et l’aventure, il faut changer et accepter le fait d’avoir plusieurs vies professionnelles. Le changement est une excellente chose, de même que le fait d’avoir des projets et d’entreprendre car le plaisir est dans la réalisation.
Liberté contre sécurité ! Entrepreneur versus salarié !
Alors vous savez pourquoi malgré la vie de chien d’entrepreneur vous trouvez encore des volontaires ? Parce que ce qui rend heureux l’entrepreneur c’est la liberté. Il est libre, il est sans limites ou presque, il peut même “transgresser” les codes de la société et de ses fictions imaginaires, et c’est même d’ailleurs-là les principales causes de succès fulgurants !L’entrepreneur est libre et par opposition le salarié ne l’est pas. Il est prisonnier et souvent, il n’est ni heureux ni épanoui.
N’oubliez jamais que nous travaillons pour vivre. Si vous vivez pour travailler, alors vous avez peu de chance de vous accomplir à titre personnel.
Celui qui sacrifie sa liberté pour plus de sécurité non seulement vivra dans la peur de perdre sa sécurité mais ne sera que rarement heureux. Mieux vaut intégrer une dose de risque dans sa vie, c’est ce qui en fait toute la magie, la grandeur et la force de vie.
Bon courage à tous, et bonne réflexion, car, et c’est la dernière idée que je vous soumets, il y a l’entrepreneuriat choisi, mais il y a aussi celui qui est subi par exemple après un licenciement et l’impossibilité de retrouver un emploi, il faut bien trouver une solution ! Dans bien des cas, il est possible de transformer un problème en opportunité. Il n’y a pas de fatalité. Au bout de chemin, la liberté!
En attendant mes chers amis, préparez-vous, il est déjà trop tard !
Charles SANNAT
Source Le Point