Jean Christophe Bataille
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Je suis le chroniqueur économique et financier : http://futures-trading.fr/
Mes faits d'armes : avoir conseillé d'investir largement sur le marché boursier en mars 2009 alors que le CAC 40 était à 2500 et avoir prévu le délitement actuel des monnaies.
J'anticipe une sortie de la crise actuelle par la stagflation."
Le combat Weidmann – Draghi a pour principal enjeu la politique de la France.
Audience de l'article : 1831 lecturesSi nous rajoutons à cela la bataille juridique en cours auprès de la cour de justice européenne, nous ne pouvons pas, pour l’instant, prendre le pari risqué de l’annonce d’un Quantitative Easing européen le 22 janvier. Cet éventuel retard a des effets planétaires car on oublie souvent de dire que l’Europe génère un PIB supérieur à celui des USA et à celui de la Chine. Une poussée déflationniste en Europe exporterait nécessairement une contraction monétaire vers les autres continents. L’appréciation du dollar s’en trouverait automatiquement affectée puisque cette évolution retarderait la hausse des taux américains.
C’est pour ces raisons fondamentales que j’ai mis en pause le swing short EUR USD lors du franchissement à la hausse de l’oblique descendante de la paire en base journalière, ce qui fige le compte Futures en cash à un niveau de 52 fois le montant initial de cette année. Si nous gardons un énorme potentiel de plus-value sur ce trade, nous ne pourrons le poursuivre que lorsque la situation politique sera plus claire. Nous gardons le doigt sur la gâchette short en espérant un dénouement rapide pour reprendre position, mais on ne peut exclure le risque d’une lutte âpre et prolongée.
Mario Draghi l’a bien précisé lors de sa dernière conférence de presse, tous les pays d’Europe seraient d’accord pour mettre en place des mesures non conventionnelles sur la dette souveraine si l’inflation devenait trop basse. En revanche, il a été beaucoup plus flou sur la date de mise en œuvre de telles mesures. Le ton a donc évolué et certains pays refusent désormais catégoriquement de supporter le laxisme budgétaire de la France, de l’Italie et d’autres pays. Cette intransigeance à bien sur été ressentie par les marchés qui, par certains signes, comme l’arrêt de la chute de l’euro ou la montée des CDS sur la dette de la Grèce, témoignent du débat qui est en train de se développer.
Je n’ai aucun doute sur le bien fondé d’un Quantitative Easing européen pour hausser les perspectives d’inflation européennes à long terme et désendetter le continent. Mais j’ai, comme les allemands, la conviction que les pays du Sud doivent mettre en place des réformes douloureuses pour rétablir un fonctionnement budgétaire sain. Connaissant le monde politique, je sais combien les habitudes prises en France sont délétères pour nos grands équilibres, tant au niveau national qu’au niveau des collectivités territoriales. La nouvelle baisse programmée des dotations globales de fonctionnement vers les territoires montre toutefois que l’état français commence à prendre la mesure de l’étendue des dégâts budgétaires causés par la décentralisation. Les socialistes, empêtrés dans leur doctrine politique issue de la lutte des classes et des combats désuets du XXe siècle devront revoir leur copie face à la détérioration de la situation financière du pays. Les pseudo-élites de gauche commencent plus ou moins à comprendre comment fonctionnent les rouages de l’économie de marché. Montebourg fait un stage à l’INSEAD, Valls et Macron ont été mis en place, c’est un signe des temps !
Le début de mandat des socialistes, rendu catastrophique par la décision de faire croître la masse salariale dans certains secteurs de la fonction publique, et celle d’augmenter notre fiscalité déjà très lourde, a conduit à une récession. Alors bien sur, les récessions sont bien supportées en France car les amortisseurs sociaux évitent une bonne partie de la souffrance imposée aux populations dans les pays plus libéraux durant les baisses cycliques d’activité. Mais les faits sont là. Notre pays est englué dans une fiscalité qui freine désormais fortement la croissance et nous risquons, dans le même temps, d’être confrontés à une révolte populaire majeure si le débit du robinet social est diminué dans les proportions nécessaires. Les dirigeants européens savent que le niveau d’acceptation des réformes par la population dépend bien sur du niveau de compréhension de la crise mais aussi de l’urgence qu’il y aurait à les appliquer. On l’a bien vu, l’Espagne et le Portugal se sont pliés à des mesures drastiques car ils n’ont pas eu d’autres choix.
Les allemands sont donc tentés de faire retarder l’application des mesures non conventionnelles de politique monétaire en passant des accords avec une grande partie des pays d’Europe pour mettre la France devant ses contradictions. Il suffirait d’une simple montée des taux d’intérêts dans le contexte d’une inflation quasi négative comme l’ont vécue l’Espagne et le Portugal pour augmenter l’acceptabilité des réformes. On peut se demander si la montée des CDS grecs ne préfigure pas ce mouvement. Si les mesures prises par la France sont insuffisantes, le Quantitative Easing européen risque d’être retardé par tous les moyens possibles et d’être diminué en volume. Lorsqu’on voit les syndicats français prêts à défiler dans la rue contre le travail du dimanche, on ne peut être qu’en accord avec les allemands. La France aurait besoin d’être mise sous tutelle européenne pour sortir de ses vieux démons, apprendre ce qu’est la vertu budgétaire et cesser de s’asseoir sur une dette que nous ne pourrons pas faire payer aux générations futures.
Bonne semaine !