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Jérôme Verlaine

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Les gros poissons et vous

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D’un côté, il y a les banques, les caisses de pensions, les assurances, les hedge funds. De l’autre il y a vous. C’est David contre Goliath. Le jeu est inégal. Ils ont les moyens, les tuyaux et les facilités. Vous pas. La ségrégation commence très rapidement. Connectez-vous sur un site qui propose des produits financiers et regardez ce qu’il se passe. La première chose que l’on vous demande, avant même votre pays, c’est si vous êtes un institutionnel ou un particulier.

 Si vous fouillez un peu, vous verrez qu’ils ont accès à plus de produits et même que certains produits, pourtant pratiquement identiques, offrent une meilleure performance pour les « institutionnalisés ». Mais ce n’est pas tout. Ils ont aussi des personnes bien placées, aux sources de l’information, ou alors des milliers d’yeux, qui braquent en permanence et en temps réel les flux de news et les cotations boursières. Vous ne pouvez pas rivaliser avec eux. Pire, les plus gros poissons sont des faiseurs de marché. Ils sont capables d’orienter les cours. Ils génèrent de tels volumes que leurs prises de position ne passent pas inaperçues et sont répliquées par leurs confrères. Ou alors ils émettent des objectifs ou des ratings sur des titres qui peuvent influencer leur prix. L’exemple récent de la dévaluation du rating US par S&P, même si elle est justifiée, pose de multiples questions : qui est derrière cet établissement, quels sont leurs intérêts, quels sont leurs clients, y a-t-il conflit d’intérêts, délits d’initiés ?

 

Le petit épargnant arrive en bout de chaîne. Il achète des fonds auprès des « pros », prend position sur la base de leur recommandations ou entretient les gestionnaires de sa caisse de prévoyance. Il se fait niquer dans tous les cas. On vous cache des informations, on vous impute des frais, on vous vole de la rentabilité.

 

Quelle est la solution ? Il y a deux possibilités. La première, c’est de faire le mouton et de jouer dans la cour des grands. C’est l’argument des chartistes, des stratégies de momentum, des chandeliers japonais… puisque de toute façon il nous manque des informations, autant en faire abstraction et ne se focaliser que sur les seules qui soient connues identiquement par tous : le cours et le volume. On joue sur la tendance, on suit les mouvements massifs engendrés par les grands acteurs du marché. Ca marche très bien, jusqu’à ce que ces derniers décident de changer d’opinion. Vous êtes le valet convié par le seigneur à manger les miettes tombées de sa table. Vous avez une maîtrise apparente de ce que vous faites, vous saisissez des ordres stop, mais finalement c’est un type au-dessus de vous qui va influencer les cours au point de déclencher cet ordre. Malgré tout, si le repas du gros poisson est copieux, les miettes c’est toujours bon à prendre. Cette méthode permet donc à de nombreux traders d’obtenir de jolis résultats.

 

La deuxième possibilité, c’est tout simplement de jouer dans une ligue différente. Vous vous mesurez à des adversaires qui ont les mêmes infos que vous, les mêmes coûts et surtout l’impossibilité de manipuler le marché. L’avantage, c’est que lorsque les institutionnels s’intéresseront à votre cour de jeu, vous les aurez précédés et bénéficierez avant tout le monde de leur force de frappe. Ce sera d’ailleurs le moment d’aller voir ailleurs. L’autre avantage, c’est que lorsqu’ils ne sont pas encore arrivés, vous êtes incroyablement zen. Les perturbations conjoncturelles, les paniques du marché, ça vous passe dessus ou presque. Vous trouverez ces aires de repos auprès de petites capitalisations peu suivies et/ou dans des secteurs qui sont peu attractifs, peu techniques, peu cycliques et dans des niches régionales ou nationales. Cherchez-les dans la vie de tous les jours, quels sont les biens que vous consommez régulièrement ? Sont-ils cotés en bourse ? Font-ils souvent parler d’eux dans les médias, principalement financiers ? Sont-ils suivis par beaucoup d’analystes ? Ecoutez aussi vos proches, qu’est-ce qu’ils aiment, que consomment-ils, que font-ils ? On parle souvent (trop ?) du succès du iPhone, mais regardez aussi ailleurs, comme dans votre frigo par exemple. On cherche notre bonheur souvent beaucoup trop loin, alors qu’il est juste là sous nos yeux. Et ça ce n’est pas seulement valable pour la bourse.

 

On peut aussi jouer dans une ligue différente en changeant simplement son horizon temporel. Sur le très long terme, les mammouths ne parviennent pas à manipuler les cours et à tirer usage d’informations en primeur. Le cours de l’action s’approche plus de la valeur intrinsèque de la société quand on élargit la durée de l’investissement. Ainsi, on peut miser sur les mêmes chevaux que les grands acteurs du marché, mais sur des courses de longueurs différentes. Ils se focaliseront sur les résultats trimestriels (bénéfices), alors que vous chercherez l’endurance, la durabilité, avec des critères tels que la croissance moyenne des bénéfices et/ou du dividende, le rendement moyen des capitaux propres sur plusieurs années, le nombre d’années consécutives d’augmentation du dividende, etc. Cherchez des « tortues », pas des coups d’éclat, mais une progression régulière, même en cas d’orage. L’avantage de cette stratégie c’est qu’elle permet d’acheter à bon compte des sociétés de qualité, lorsque le marché est mal en point. Tandis que les gros poissons liquident leurs positions, apeurés par la fin du monde qui s’approche et les résultats qu’ils doivent obtenir, vous la jouez contrarian et achetez des titres bradés. En quelque sorte ils sont obligés de vous vendre à bon prix ces actions et c’est vous qui menez la danse.

 

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