H16
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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !
J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...
Taxations en folie
Audience de l'article : 2148 lecturesJ’ai reçu un paquet de contributions sous diverses formes. J’ai conservé quelques textes (qui sont lisibles en PDF dans la suite) et j’en ai sélectionné un pour ce mois-ci. Il sera accompagné d’une vidéo et de quelques vignettes. Les auteurs se reconnaîtront. En substance, les gains (dont le total est de 150€) se partageront de la façon suivante : le texte gagne 90€, la vidéo 40€ et les vignettes 20€.
Les gagnants se connaissent, ils peuvent me renvoyer leur adresse (ou coordonnées bancaires) pour que je leur fasse parvenir le montant du gain.
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Aujourd’hui à l’école, on a eu le cours d’histoire. J’aime pas trop l’histoire parce qu’il y a plein de dates à retenir pour les leçons mais on y apprend de chouettes choses comme les chevaliers au Moyen Age ou le roi qui se prenait pour le soleil. La maitresse nous a dit de prendre nos livres et elle a accroché au tableau une drôle d’image. Il y avait plein de gens avec des piques et des bonnets rouges et un gros château et même qu’il y avait plein de fumée. Et la maitresse nous a dit qu’on allait étudier la Révolution Française. « La France était gouvernée par un tyran » il a dit Maixent « même qu’il y avait trop d’impôts et que les gens ne mangeaient pas à leur faim. » Alceste, qui est un bon gros copain qui mange tout le temps, a fait une drôle de tête. Il a sorti aussitôt un gros sandwich de son cartable et a mordu dedans.
« Oui » a dit Agnan, « on payait la taille, la dime et la gabelle. » « C’est exact » a répondu la maitresse en lui souriant. Agnan était tout content, mais c’est le chouchou de la maitresse et le premier de la classe. « Cafard » a dit Eudes en le bousculant. Mais la maitresse l’a vu et elle lui a donné à copier cent fois « je ne dois pas bousculer mon camarade alors qu’il participe gentiment en classe ». Et puis elle a continué : « La France était en crise, c’est pourquoi le peuple s’est soulevé et a renversé le roi et son gouvernement. On ne voulait plus payer d’impôts qui enrichissaient les aristocrates. Alors on a aboli les privilèges pour que chaque homme soit l’égal de l’autre. »Elle a ensuite parlé des Droits de l’Homme et du Citoyen comme quoi, on était tous libres et égaux en droits, que comme ça il n’y avait plus de jalousie vu qu’on était tous pareils.
Nous on était bien contents de savoir que le peuple s’était libéré de la tyrannie et des impôts pour rendre le monde meilleur et pour que tout le monde mange à sa faim, ce qui a bien soulagé Alceste qui finissait son sandwich. « Et maintenant », Joachim a demandé, « on paye encore des impôts ? ». « Idiot ! » il a dit Clotaire, « la maitresse a dit que le peuple s’en était libéré ; donc on en paye plus ! »
Et là, la maitresse nous a tous étonnés quand elle a dit qu’on en payait toujours ! « Hé oui, les enfants » elle a dit, « la grande avancée de la révolution fut de mettre tout le monde égal face à l’impôt. D’ailleurs il est normal de participer à la vie en société par une contribution financière ».
Nous on ne comprenait plus très bien quand Rufus a demandé quels impôts on payait. La maitresse a eu l’air drôlement embêtée : « Hé bien, hé bien » elle a dit, « cela dépend. Vous avez les impôts directs comme les impôts fonciers, locaux, l’impôt sur le revenu et les impôts indirects comme la TVA ou les droits de douane.»
« C’est tout ? » il a demandé Alceste la bouche pleine. « Non », elle a dit la maitresse, « il y en a d’autres. » « Oui comme l’ISF », il a crié Geoffroy. Le papa de Geoffroy est riche et il lui achète plein de jouets et de déguisements. Parfois, Geoffroy arrive en classe déguisé et ça lui plaît pas trop à la maitresse. « Mon papa qui est chef d’entreprise paye cet impôt et plein d’autres parce qu’il a une société et il dit qu’il en marre de payer pour ceux qui n’en fichent pas une rame ! » « Il a intérêt à payer ton père » a lancé Rufus. « Sinon mon papa va lui mettre des tas de contraventions et le mettre en prison ! » Rufus, il se croit tout permis parce que son papa est policier. « Et puis ton père, il est riche » il a dit Maixent à Geoffroy. « Alors, il peut bien payer tes déguisements débiles et aussi payer pour ceux qui n’ont pas grand chose ! »
Là Geoffroy, ça lui a pas plu. « P’têt’ que si ton père travaillait soixante heures par semaine comme mon papa au lieu de pointer régulièrement au chômage et à ouvrir le bec pour les allocations payées par ceux qui travaillent, il serait moins fainéant et aurait de quoi te laver les genoux ! » il a crié à Maixent. Alors là, ça été terrible. Maixent s’est jeté sur Geoffroy et ils ont commencé à se battre. Il faut dire qu’il l’avait bien cherché Geoffroy ; Maixent a toujours les genoux sales. Eudes en a profité pour donner un coup de poing à Clotaire. Du coup, on s’est tous levés et on criait comme si nous aussi on prenait la Bastille. C’était marrant. La maitresse nous a hurlé de nous taire, que c’était une honte, qu’on se comportait comme des sauvages et qu’on finirait tous au bagne. Et elle a mis Maixent et Geoffroy au piquet. « De toutes façons » a soufflé Maixent à Geoffroy, « bientôt ton père sera taxé à 75 % parce qu’il est riche et ce sera bien fait, na ! »
Heureusement que la maitresse n’a pas entendu sinon il était bon pour revenir en retenue jeudi.
« Ben alors » j’ai dit, « pourquoi on a fait la révolution si c’est pour payer plus d’impôts qu’avant ? » La maitresse est partie dans une longue explication comme quoi, la vie moderne était plus complexe, qu’on avait plus de choses et que pour que ça tourne, l’argent était nécessaire, comme se faire soigner à l’hôpital gratuitement et même aller à l’école et s’instruire sans que ça ruine les parents. « Donc si je vous suis bien, mademoiselle » a dit Agnan, « rien n’empêche de créer d’autres impôts pour financer d’autres aspects de la vie moderne ? » Il y a eu un grand silence dans la classe. La maîtresse a regardé Agnan avec des yeux ronds et la cloche a sonné et la maitresse nous a tous mis dehors plus vite que d’habitude.
En rentrant le soir à la maison, papa était dans le jardin. « Te voilà, mon bonhomme » il a dit. « Comment était l’école ? » et là, je lui ai raconté le cours d’histoire que je n’avais pas compris. Papa a souri et il m’a dit que l’impôt était la marque de la république française, à cause de l’état providence qui nécessitait un flux rentrant d’argent à distribuer de plus en plus important sans retour sur investissement, à tel point que parfois l’on payait des impôts sur les impôts et que tout partait dans le tonneau des Danaïdes. Moi je continuais à rien comprendre, surtout l’histoire du tonneau quand monsieur Blédurt est arrivé. Monsieur Blédurt, c’est notre voisin et papa et lui ils aiment bien se taquiner. « Mon pauvre ami », il a dit, « tu embrouilles ton fils avec des pseudo-explications. » « Mêle toi de ce qui te regardes, Blédurt, on t’a pas sonné » a dit papa.
Mais monsieur Blédurt a continué : « D’après l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme, une contribution financière calculée selon les facultés de chacun est requise pour le bon fonctionnement du pays. Donc, les impôts sont là pour financer l’école gratuite, les soins médicaux gratuits, les allocations familiales, l’aide au logement, les bons de vacances, les allocations chômage…»
« Parlons-en des allocations chômage » a dit papa. « C’est pour aider ceux qui ont le malheur de perdre leur travail et qui en cherchent vraiment et pas pour entretenir des paresseux comme toi ! ». « Moi paresseux ! » a crié monsieur Blédurt. ». « Oui toi » a répondu papa. « Tu passes ta journée à épier tes voisins et tu interviens alors qu’on t’a rien demandé ! Moi je gagne 500 francs de trop par mois et je n’ai droit à rien ; pas de bons de vacances, pas d’aide pour me loger avec ma famille. Je paye plein pot sur le revenu, le foncier et on me prend encore sur mes sous pour subventionner je ne sais quelle association bidon dit d’ « utilité publique » ou pour financer le train de vie du député ou du conseiller régional. Et on me dit que l’état en faillite a encore besoin de plus d’argent. Alors demain, ce sera quoi ? Les allocations familiales imposées voire sucrées, 75 % parce que je gagne à la sueur de mon front trop d’argent, l’essence à 20 francs du litre, le timbre à 10 francs et mon épargne que j’arrive difficilement à préserver, on va me la taxer aussi, quand ce ne sera pas directement sur mon compte courant ?»
« Mais oui » il a crié Blédurt, « tu n’es qu’un pauvre nanti qui refuse d’aider ceux qui n’ont pas d’argent et de contribuer au bon fonctionnement de la république!». « La république, elle peut aller voir ailleurs si j’y suis ! Surtout quand elle vit sur le dos de la moitié de la population qui paye quand l’autre ne paye pas et que les fortunes et les cerveaux s’exilent loin de ce pays gangrené jusqu’à l’os! ». Et là, monsieur Blédurt a sauté par dessus la haie et a lancé à papa : « Viens me le redire si t’es un homme ! Ah ça ira, les aristos à la lanterne ! ».
Et ils se sont battus. Et là Maman est sorti précipitamment de la maison. Elle les a séparés en disant que c’était une honte de faire ça devant le petit, quel bel exemple ils montraient.
Moi je suis rentré à la maison en me disant que finalement, c’était peut-être plus simple le temps où on ne payait que la taille, la dime et la gabelle.
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