H16
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Presse française : subventions, TVA réduite, avantages fiscaux et indépendance bidon
Audience de l'article : 1368 lecturesL’affaire est, il faut bien l’admettre, assez croquignolette : le site d’Edwy Plenel (et pour un montant plus faible, celui de Daniel Schneidermann, Arrêt Sur Images) vient donc de se faire notifier un redressement fiscal salé, car depuis sa création, Mediapart a appliqué une TVA super réduite à 2,1%, qui s’applique normalement à la presse papier. Pour le fisc cependant, il n’y avait aucune base légale pour agir ainsi, ce qui entraîne une sous-déclaration de la TVA qui aurait dû être à taux plein (19,6% puis 20%), et ce jusqu’à fin janvier 2014, le parlement ayant adopté le 27 février 2014 une loi pour abaisser officiellement la TVA sur la presse en ligne à 2,1%, afin de régler le problème.
Bilan, Edwy doit une ardoise de plus de 4 millions d’euros à Bercy pour avoir choisi unilatéralement son taux de TVA, plus vite que la musique.
Le constat est donc simple : tant que la loi fiscale imposait une TVA à taux plein, il n’y avait pas matière à discussions. Il y a bien eu fraude fiscale, d’ailleurs clairement affichée par le patron de presse qui a donc, après moult recours, perdu dans sa tentative d’échapper à l’impôt. Usant à présent de la relative notoriété de son organe, le preux Edwy fait savoir à tous l’injustice qui lui est faite, et déballe quelques arguments particulièrement croustillants dont certains sont d’ailleurs analysés par Pierre Schweitzer dans un récent article de Contrepoints dont je vous recommande la lecture.
À ces remarques, on se doit d’ajouter que les mélopées lacrymales du Plenel en plein redressement fiscal sur le mode « Nous ne sommes pas subventionnés » sont particulièrement grotesques, l’estimation des émoluments publics reçus par Mediapart étant facilement disponible et détaillés dans l’article de Corto ici : à 700.000 euros d’argent public, peut-on encore parler d’une absence totale (juré craché) de subventions ?
Mais voilà : pour Edwy, pour Daniel, ces petits arrangements fiscaux se justifient amplement puisque, comprenez-vous, « l’information n’est pas une marchandise comme les autres ».
Voilà une position bien étonnante puisqu’elle revient à demander que les entreprises qui traitent de l’information bénéficient d’un taux de TVA plus favorable. Plenel et Schneidermann, en défenseurs d’une fiscalité favorable à Google, voilà qui ne manque pas de sel, vous l’admettrez. Et de façon moins décalée, retrouver nos éternels chevaliers blancs de l’État, du juste impôt et de la nécessaire lutte contre toute optimisation fiscale même légale, ainsi épinglés pour une pratique qu’ils n’auraient pas tolérée d’Apple, d’Amazon ou d’Uber, cela vous pose un patron de presse, fut-il numérique !
Malgré tout, ce serait aller un peu trop vite en besogne que de conclure en la seule hypocrisie d’un Edwy tout chiffonné par un contrôle fiscal. En effet, cette affaire, démasquant assez bien les tartuffes du siècle, ne doit pas faire oublier que la presse, en France, est systématiquement l’objet de toutes sortes de pressions. Elle est bien lointaine, l’idée même d’une presse totalement libre et non-inféodée d’une façon ou d’une autre au pouvoir en place, de façon indirecte via le capitalisme de connivence ou de façon bien plus directe grâce aux subventions publiques largement distribuées par un ministère trop richement doté.
Pendant qu’Edwy et Daniel pataugent dans leurs comptes d’apothicaires et leurs mauvais arguments fiscaux, on apprend en effet que Fleur Pellerin, celle qui, justement, distribue les subventions par le truchement de son maroquin de la Culture & de la Communication, envisage très sérieusement de sucrer les facilités consenties jusqu’à présent à quelques titres de presse dont Valeurs Actuelles et Minute.
La petite Fleur, décidément très Charlie et jugeant anormal que certains titres ne bénéficient pas des aides à la presse, a lancé une réforme destinée à élargir l’attribution de ces subsides ce qui permettrait à Charlie Hebdo ou Le Monde Diplomatique d’en croquer. Parallèlement, elle en profiterait pour assujettir cette distribution d’argent des autres à « une condition qui est l’absence de condamnation pénale pour incitation à la haine raciale », ce qui permettrait ainsi d’éliminer des bénéficiaires des titres comme Valeurs Actuelles, Minute ou Rivarol.
Coïncidence malheureuse, ces titres ne sont franchement pas favorables au pouvoir socialiste en place. Le hasard ministériel fait bien les choses, parfois. Or, vous noterez que dans cette presse qui n’a pas hésité à relayer les éditos enflammés du brave Edwy n’a guère évoqué cette nouvelle disposition dans les attributions des enveloppes. Personne ne semble en effet s’étonner des déclarations de Fleur Pellerin, et personne n’y dénonce la belle incohérence : d’un côté, on explique distribuer l’argent public pour assurer la pluralité de la presse, de l’autre, on impose des critères qui aboutissent à éliminer tout un pan de cette presse qui ne pense pas comme il faut.
Décidément, que ce soit pour la presse ou pour les autres, il est bien difficile d’admettre que les petits arrangements avec l’État sont toujours préjudiciables à ceux qui les passent, l’État ayant au final la raison du plus fort. Chaque subvention crée ainsi une nouvelle laisse entre le subsidié et l’État. Quant aux problèmes de TVA d’Edwy & Daniel, il montre surtout qu’on ne peut pas truander le fisc impunément, même lorsqu’on est dans le Camp du Bien.
Ce qui se passe actuellement est à la fois parfaitement logique et très inquiétant : quoi de plus logique en effet que le levier financier soit utilisé dès que le pouvoir en place se sent menacé ? Quoi de plus inquiétant qu’il le soit sans que toute la presse s’en émeuve ? Du reste, la torpeur de cette presse devant telle nouvelle n’est-elle pas la preuve irréfutable que la gangrène des subventions a déjà atteint tous les organes vitaux et les centres de réflexion ?
Si toutes ces affaires montrent bien une chose, c’est que l’État choisit ses minions, et les paye. Mediapart, Arrêt Sur Images et tous les autres organes, numériques ou non, reçoivent des subventions, vivent d’abonnements généreusement souscrits par des collectivités, bénéficient d’abattements, de TVA rabotée et leurs journalistes ont, eux aussi, leur petite niche fiscale bien douillette. La mauvaise qualité de la presse française, son audience tous les jours plus faible, la nullité permanente de son recul critique vis-à-vis du pouvoir, son aspect consanguin justifient amplement que ces subventions disparaissent, que la TVA soit enfin alignée pour tous les organes (numériques ou non) sur le taux normal, et que les abattements et autres niches journalistiques disparaissent.
Débarrassés de ces prébendes, confrontés à un vrai marché concurrentiel et à la nécessité de fournir une information de qualité pour laquelle les consommateurs seront réellement prêts à payer, les journalistes et les médias de presse ne pourront qu’y gagner en probité, en éthique et en qualité et apureront enfin leur métier de tous les passe-plats et pisse-copies qui y trainent mollement.
Tant que ce ne sera pas le cas, ils s’enfonceront dans la médiocrité et ce sera bien fait pour eux.
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