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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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[Redite] La mémoire médiatique

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Billet paru initialement le 07.03.2007

En 2007, j’établissais le constat qu’internet apportait une mémoire là où la presse n’apportait qu’un instantané, et en déduisait qu’un changement de paradigme serait à l’œuvre dans les années à venir, en modifiant de façon profonde le rapport des individus à l’information, à la presse et aux médias. 10 ans plus tard, le constat reste le même et le début de cette révolution est déjà en place : en 10 ans, les gens se sont habitués à rechercher ce qui se dit, à comparer, à étalonner leurs informations en fonction de leurs préférences, de leur ressenti, de leurs biais mais aussi en usant de leur esprit critique. Le bilan est sans appel : la confiance dans la presse et les politiciens s’est effondrée partout dans le monde, et tout indique que la presse telle qu’on la connaît vit ses dernières années.


L’humain a, soyons honnêtes, une mémoire assez médiocre. Ou, disons plus précisément, très sélective. Allez comprendre pourquoi, l’homme par exemple retient beaucoup plus facilement les numéros de téléphone des jolies femmes que celui de sa belle-mère ; la femme, quant à elle, mémorise bien mieux les aléas conjugaux de Tom Cruche ou Brav Pittr que les trajets routiers exceptionnels ou les résultats de foot. Pour aider – enfin – les femmes à se rappeler des performances des équipes sportives et retrouver – enfin – les clés des hommes, les inventeurs de tous les âges se sont escrimés sur des techniques diverses et variées pour conserver et reproduire l’information. Grâce à quoi, la politique ne sera jamais plus la même…

On reconnaît un insondable crétin quand, le nez mis dans le caca, ce dernier ne se démonte pas et utilise tous les moyens possibles, dont une mauvaise foi en béton armé précontraint, pour nier l’évidence et ne pas reconnaître ses fautes.

Au fur et à mesure que l’humanité à cheminé sur le sentier périlleux des technologies de l’information, la chasse au crétin est donc devenue de moins en moins compliquée. Par réaction et grâce aux merveilleux mécanismes d’adaptation que la nature leur a donné, les crétins se sont progressivement mis à niveau pour que leur repérage n’en soit pas trop aisé. Mais à chaque nouvelle avancée technologique marquante, il est devenu de plus en plus difficile au crétin de passer au travers des mailles du filet de détection.

Ainsi, avant l’ère de l’écrit, n’importe quel guignol se lançant dans la politique de l’époque pouvait faire valoir n’importe quel argument et prétendre son contraire quelques jours plus tard. Encore plus simple : la mémoire étant ce qu’elle est, le guignol politicien de Néanderthal pouvait par exemple faire valoir que si son plan de relance de l’activité économique de chasse du bison avait lamentablement foiré, c’est essentiellement parce que – et il nous avait prévenu dans son discours, rappelez-vous – des éléments météos capricieux avaient favorisé la migration du bétail bien au-delà des zones de chasses de la tribu et non par sa décision – discutable mais mis en débat et acceptée, rappelez-vous, autour du feu dans la caverne, y’a gnagna jours – de munir les guerriers de flèches à pointes de calcaire (taillées par son frère et – très bien – rétribué en conséquence) au lieu des pointes silex pourtant éprouvées jusqu’alors. Bien malin, à l’époque, celui qui se rappelait effectivement ce qui avait été dit ou décidé.

Les hommes de l’époque ont probablement dû se faire entuber généreusement un certain nombre de fois jusqu’à ce qu’un petit malin décide de graver dans le marbre, presque littéralement, les décisions importantes qui étaient prises, pour pouvoir, le cas échéant, ressortir les tablettes et les balancer à la tronche du menteur. Ok, je sais, au début, ce n’était pas du marbre, mais plutôt de la terre cuite, et le but était surtout de compter les têtes de bétail et donc d’assurer que la richesse des uns et des autres était correctement évaluée (eh oui : même loin dans le temps, les petits malins qui voulaient échapper au fisc de l’époque devaient faire bien attention à leurs déclarations – et je n’évoquerai pas les pitreries de Marie-Ségolène ou Nicolas pour illustrer mon propos).

Lorsque la presse est apparue, elle a permis deux choses assez fondamentales : augmenter de façon exponentielle la distribution du message initial d’une part, et, d’autre part, permettre une transmission plus fiable du contenu du message en lui-même.

En augmentant ainsi le nombre de personnes touchées, le message d’un homme politique pouvait mobiliser plus de gens à la fois, et permettre ainsi à des idées nouvelles de trouver preneur. On peut facilement admettre que la révolution de la presse aura été le terreau qui permit le siècle des Lumières et ses avancées notables en sciences et en politique. Le libéralisme, ne crachons pas dans la soupe, a beaucoup bénéficié de cette merveilleuse invention.

En outre, la presse aura permis de fixer le message sur un support. L’homme politique s’est donc vu poursuivi, timidement d’abord puis de façon systématique, par ses écrits de jeunesse ou ses dérapages écrits. Il est devenu plus difficile pour lui de prétendre n’avoir pas écrit telle ou telle chose alors que, précisément, l’archive devenait possible. Habilement, il s’est adapté.

Il a alors laissé le soin aux autres (journalistes par exemple) de rapporter ses discours. Dès lors, il regagnait un peu d’espace pour laisser libre cours à ses mensonges et ses triturations de la réalité pour favoriser son maintien ou son accession au pouvoir : il est maintenant courant qu’un homme politique accuse la presse d’avoir tronqué son discours, ou d’avoir sorti de son contexte les saillies qui auraient été mises en exergue…



L’arrivée de la presse et son utilisation pour disséminer les idées aura coïncidé avec l’arrivée au pouvoir d’hommes politiques certainement plus malins dans l’art délicat du « Je n’ai jamais dit ceci » voire du « Je n’ai jamais écrit cela ».

Avec l’arrivée de la radio, le politique passe dans le domaine de l’instantané. Sa diction se devait d’être bonne, et ses tiques de langages devaient disparaître. Pire : la radio permettant une inter-activité plus ou moins forte avec l’auditeur, le politique a dû, là encore, s’adapter et faire encore plus attention à ses mots : le sens de la formule est devenu primordial. L’oral étant plus marqué dans l’émotionnel là où l’écrit appelle plus au rationnel, le discours s’est progressivement vidé de profondeur, de sens, pour être plus rhétorique et moins politique. Le mensonge pouvant s’entendre plus facilement, il aura été plus camouflé.

La télé aura marqué une grande étape supplémentaire. On se souviendra du débat entre Nixon et Kennedy qui débuta la montée en puissance de ce médium pour transmettre les idées et pipeauter le votant. Le débat d’idées fut balayé devant les postures, les mimiques et les comportements. Depuis, les débats politique qui se succédèrent à la télévision furent tous axés sur l’image que le politique pouvait donner, bien avant le fond du discours lui-même.

En clair, l’homo politicus aura été obligé, pendant ces derniers siècles, de s’habituer à donner toujours plus le change, et empiler les méthodes, pour conserver sa crédibilité.

Mais jusqu’à présent, une caractéristique surnageait : 
– les discours écrits ne sont guère archivés que par les journalistes eux-mêmes, et encore. Rares sont les citoyens qui se donnent la peine d’aller vérifier les discours passés. L’histoire est un perpétuel oubli à ce niveau.
– les bandes radiophoniques, elles aussi archivées, ne sont que peu réécoutées et ne sont finalement accédées que par des spécialistes. Là encore, le citoyen lambda fait rarement des recherches dans les discours radios passés.
– la télévision nous propose, de façon plus notable, des bandes d’archives, notamment sur les événements importants (ou, plutôt, que ceux qui tiennent les archives ont jugé importants). Parfois, nous avons droit à une rediffusion d’un débat intéressant, ou de quelque document d’époque. Mais force est de constater que le citoyen lambda (toujours lui) est là encore tributaire du bon vouloir du médium.

En clair, les média proposés sont de plus en plus efficaces à retranscrire la dimension humaine d’un politique (son visage, son timbre de voix, ses postures, son discours, ses manies), mais ces média ne proposent que rarement un moyen simple d’aller interroger le passé, de confronter les discours actuels avec ceux d’outre-tombe, ou, pire, de renvoyer à la figure des menteurs leurs petits arrangements avec la réalité.

La situation, cependant, est en train de changer rapidement. Si rapidement, en fait, que la plupart des politiques n’en sont pas encore au courant, et que, pour la première fois dans l’histoire, les retours d’odeurs des Bullshits Galactiques qu’ils nous pondent régulièrement vont être particulièrement violents.

Cette révolution, c’est la numérisation et la mise à disposition d’espace de stockage à volonté, via internet. Non seulement, n’importe qui peut venir stocker des données, c’est-à-dire enregistrer pour la postérité un morceau de vérité, mais en plus cet espace est-il accessible par n’importe qui, et, mieux encore, on peut le passer au crible de critères permettant une recherche efficace, et de trouver une aiguille politique bien pointue dans une meule de foin médiatique.

Chaque personne qui s’exprimera publiquement, en utilisant la force médiatique de la télé par exemple, devra maintenant faire preuve d’une précaution accrue.

Déjà, un Laurent Ruquier aura eut à pâtir de ce retour de bâton : on ne peut plus affirmer, dans un univers où, si les gens ne se souviennent pas, les archives internet, elles, ont une excellente mémoire, qu’on ne soutient personne…

Noel Mamere

Déjà, un Mamère se retrouve dans la délicate position de menteur éhonté, sans la moindre vergogne. Mieux – internet est sans pitié – : on peut même retrouver sa réponse gênée, mal fichue et dégoulinant d’hypocrisie sournoise. Et ce qu’il y a de jouissif, dans cette histoire, ce n’est pas tant d’avoir attrapé le menteur la langue ailleurs que dans sa poche. Non. C’est le fait de savoir que la casserole de Mamère est maintenant présente sur des racks de serveurs, sauvegardée régulièrement, vue par des millions d’internautes qui se sont tordus les côtes en voyant le pauvre dinosaure se débattre dans ses explications tordues. C’est le fait de savoir que maintenant, on pourra lui renvoyer dans les gencives, à chaque fois que nécessaire, que « Non, môssieu le petit doigt en l’air de l’écologie, vous n’êtes pas toujours en vélo, vous aussi vous prenez régulièrement l’avion, vous aussi, vous polluez, comme tout le monde, et pire, vous, vous mentez. »


Comme je le disais au début, on reconnaît un crétin à sa posture quand on le met devant ses mensonges, ses contradictions, ses errements logiques, ses sottises. Je crois que nous allons découvrir beaucoup de crétins dans les prochaines années. D’après Lincoln, « aucun homme n’a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge ». Maintenant, avec internet, il va devenir facile, voire jouissif, de renvoyer les menteurs et les pipoteurs à leurs mensonges.
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