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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Plug Vendôme

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Certains y voyaient un sapin vert stylisé, d’autres un bouchon anal gigantesque. Paul McCarthy, le grRrand artiste connu de tous (mais si !) a récidivé en installant, sur la place Vendôme à Paris, une de ses œuvres provocantes pour le plus grand plaisir du Tout Paris Intellectuel frémissant à l’idée d’un vrai débat sur la place de l’art contemporain dans la cité.

le plug anal de la place vendômeIl fallait bien ça. Le monde parisien attendait à l’évidence une telle aventure artistique depuis des lustres, et la mobilisation d’un peu d’argent du contribuable parisien pour permettre à un artiste de faire sa publicité ne doit pas remettre en question le message essentiel qu’il tente ici de faire passer : la place Vendôme avec un gros bidule vert au milieu, c’est tout de même vachement chouette. Et puis, si le bidule peut, en plus, choquer le bourgeois, c’est encore mieux.

Car ici, entendons-nous bien, le but n’est pas autre que celui de choquer. Certains, touchant de naïveté, font semblant de croire que l’objet ne serait qu’un sapin et l’artiste malicieux n’aurait qu’un peu joué sur l’ambiguïté, tout au plus. Ce serait oublier un peu vite que l' »artiste » est un habitué du scatologique, du tendancieux ou de l’outrage ouvertement affiché. On se rappellera ses crottes de chien volantes, par exemple, qui ne défrayèrent pas assez la chronique pour en faire un artiste aussi mondialement connu que d’autres comme Koons ou Murakami qui ont eu, eux, l’honneur d’aller faire leurs bouffonneries dans les lieux les plus touristiques du monde, Versailles par exemple, et obtenir ainsi une exposition suffisante pour accroître grandement leur notoriété et, conséquemment, leurs prix de revente.
crotte de chien volante, par Paul McCarthyEt quand je parle de bouffonneries, croyez bien que je n’exagère pas. Difficile en effet de voir autre chose qu’une représentation clownesque dans les « performances » auxquelles se livrent ces individus : à ce titre, celles de Paul McCarthy sont presque caricaturales dans leur recherche obstinée de la provocation, celle qu’un enfant de quelques années entreprendrait pour obtenir un peu de cette attention dont il est dépourvu et qu’il se croit en droit de réclamer, haut et fort, poings fermés et yeux pleins de larmes, parce que, parce que c’est comme ça, la société lui doit cette attention, merdalors.



Bref, l’espèce étrange de débat qui s’est rapidement installée à l’arrivée de la sculpture gonflable, pour déterminer ce qui se trouvait sur la place Vendôme n’a pas vraiment lieu d’être, et aucun doute ne doit subsister : il s’agit bien d’un objet sexuel d’une taille gigantesque, exposé au milieu d’une place centenaire. En cela, nous pouvons donc être certains qu’il s’agit bien d’art contemporain, et donc comptant pour rien puisqu’il respecte les trois critères habituellement assemblés pour se classer ainsi :

  • cela doit occuper beaucoup d’espace,
  • cela doit coûter un gros paquet de pognon, préférablement public,
  • cela doit faire tout ce qu’il faut pour choquer.
Mission parfaitement remplie, donc : les réseaux sociaux bruissent, les journalistes scribouillent, les photographes photographient, les critiques d’art s’époumonent, les conservateurs hurlent au scandale pendant que les progressistes crient au génie, et les blogueurs (moi compris) bloguent. Paul McCarthy est heureux : on parle de lui. L’enfant de cinq ans a l’attention qu’il réclamait.

Entendons-nous bien. Ici, Je ne remets pas en cause l’éventuel talent de l’individu. Apparemment, il maîtrise par exemple assez bien les levées de fonds nécessaires à réaliser ses bidules, ce qui demande un évident savoir-faire en matière de négociations financières, en placement produit, en marketing, ou, plus prosaïquement, dans l’embobinage de riches gogos qui pourront larguer de gros chèques. L’ascenseur est facile à renvoyer puisque le coût des installations, lorsqu’elles sont financées par un riche mécène collectionneur et fan de l' »artiste », est compensé par l’accroissement sensible des prix des pièces du collectionneur grâce à la médiatisation obtenue. De ce point de vue, l’opération peut même être très rentable, et le gogo ne pas en être un du tout. Bien joué.

On ne peut pas non plus retirer à Paul McCarthy une bonne expertise du gonflage de gros ballons (expertise sans doute pas aussi pointue que nos politiciens en général, mais suffisante pour en vivre, à l’évidence). Bien sûr, cette expertise n’atteint pas le même niveau de subtilité que celle qui permet par exemple de manipuler de gros morceaux d’acier rouillé comme un Bernar Venet jadis à Versailles.

Mais tout de même, quelques questions se posent, et certainement pas sur la nature de l’objet (dont, personnellement, je me fous pas mal).

La première est celle de savoir pourquoi l’art, depuis quelques années, se doit ainsi de choquer. Les « artistes » ou, plus exactement, les auteurs de ces (contre-)performances expliqueront que l’art contemporain doit absolument remettre tout en question, et poser des questions est bien, parfois, prendre le risque de choquer. Je note cependant que dans un monde où le choc (des photos, des sons, des opinions, que sais-je) n’est jamais beaucoup plus loin qu’à un clic de souris, leurs performances se suivent et se ressemblent de plus en plus. Le choc devient de plus en plus mou, la réaction relevant plus de l’agacement de ces répétitions oiseuses que d’une quelconque réflexion que serait censé provoquer ce fameux choc. Accessoirement, il devient beaucoup plus difficile pour ces artistes, pourtant généreusement subventionnés par des services publics avides de dépenser l’argent du contribuable en happenings médiatiquement bien visibles, d’émerveiller, de faire rire ou d’enchanter les foules. Pour ces artistes, la recherche de spectacles, de sculptures, de « performances » qui permettraient au peuple d’échapper vraiment à son quotidien, de le transporter ailleurs, ne semble plus à l’ordre du jour.

L’autre question vient du lieu où ces joyeuses représentations sont disposées. Que ce soit Versailles, la place Vendôme ou d’autres endroits (encore qu’ici, devant Bercy me semblait plus à-propos), il apparaît régulièrement que ces endroits, publics par nature, se coltinent ces œuvres d’un goût … disons « ouvert à débat », sans que le public ne soit préalablement consulté, à commencer par celui qui vit directement alentour. Il est en effet assez improbable que le peuple parisien fut consulté pour savoir s’il goûtait la présence de ces sculptures gonflables. La question pourrait paraître anodine, mais elle dévoile un autre aspect : n’importe qui ne peut pas, à l’évidence, installer tout et n’importe quoi au milieu d’une place publique. Dans le cas qui nous occupe, une autorisation fut demandée, et obtenue. Qui décide ? Pourquoi, à la mairie de Paris, a-t-on opté pour Paul McCarthy plutôt qu’un autre ? Le gros coup de pouce (ou de plug anal, selon le point de vue) à l’artiste est si peu anodin qu’il n’est pas impensable d’imaginer un retour d’ascenseur pour celui qui l’a autorisé. Est-ce vraiment l’égalité alors qu’il existe sans doute d’autres artistes, aussi bons ou aussi mauvais que McCarthy, qui rêveraient d’exposer ainsi leurs « œuvres » sur cette place ? Est-ce justice que de choisir cet artiste-ci plutôt que celui-là ? Et surtout, est-ce normal qu’un tiers choisisse tout court, au nom du service public ?
art contemporainFinalement, le scandale n’est pas tant dans la forme de la structure gonflable choisie par son auteur, ni sa couleur, ni son ambiguïté dont, il faut bien le dire, on se fiche un peu. Il est plutôt dans l’existence même de cette possibilité offerte à certains, happy few arbitrairement choisis et désignés par ceux qui savent, ceux qui pensent et ceux qui décident pour les autres, d’aller prendre possession d’un lieu public et d’imposer à tous (dans tous les sens du terme « imposer ») une certaine vision de l’art, cette vision si particulière où le but recherché est avant tout de faire un investissement spéculatif sur le choc et la couverture médiatique, pendant qu’apporter une nouvelle interprétation du monde, but possible de l’art, est largement oublié en chemin.

Parisiens, Français, avec ce genre de démonstrations, on se moque de vous. On choisit ce que vous devez voir et connaître, on choisit pour vous ce qui doit vous choquer. On choisit ceux de ces artistes qui seront renommés, et ceux qui seront oubliés. On favorise une clique, sans vous demander votre avis, et, à la fin, on vous présente la facture.
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