Il y a quelques temps de cela, alors que nous étions tous encore enfouis dans les heures les plus sombres du sarkozysme, on nous proposait l’établissement d’un nouvel indice plus fiable et surtout plus favorable à la France que le très discutable PIB. S’il est largement acquis que ce dernier indice soit, en effet, issu d’un calcul discutable et que son utilisation relève souvent plus du jardinage que de la statistique, le nouvel indice proposé, le Bonheur Intérieur Brut, m’avait à l’époque doucement fait rigoler. Cela n’avait pas empêché certains de produire l’indice en question, et d’obtenir pour la France un résultat … médiocre.
Faisant donc fi de ces indices encombrants et pas assez joyeux, l’INSEE s’est mise en tête de bricoler un nouvel indice, celui du « bien-être ressenti » qui est probablement, en terme de précision et d’utilité statistique, à mi-chemin entre le jmetâtomètre et l’analyse de tendance sur le Smiley d’Humeur du Jour qu’on pourrait proposer comme application Facebook. Après avoir interrogé des Français et fait tourner de puissants calculateurs, doimouillographes et autres statisticiens chevronnés, l’Institut National en déduit que, je cite le palpitant article de Libération qui n’en rate pas une dans sa propagande citoyenne et festive :
7% des Français évaluent leur vie entre 0 et 4/10. A l’inverse, 13% d’entre eux se mettent des bonnes notes, 9 ou 10. La moyenne des notes est de 6,8/10, contre 7/10 en 2010 : «Une différence de rien du tout», commente Stéfan Lollivier, l’un des auteurs de l’étude.Bien évidemment, l’Institut ne s’est pas arrêté là puisqu’il pousse la puissance de son analyse jusqu’à expliquer que, je cite toujours :
Les personnes en manque de lien social, amical comme familial, sont celles qui notent le plus sévèrement leur vie, entre 0 et 4/10.Eh oui : quand ça va mal, ça ne va pas bien et réciproquement, ce qui permet à l’étude d’aller encore plus loin en notant que l’argent ne fait pas toujours le bonheur, le travail non plus, et qu’après la pluie le beau temps (même si c’est un peu extrapolé, je vous l’accorde). C’est aussi ça, la puissance informatique au service de la statistique et de questions de sondage finement ouvragées.
Pendant que l’institut français appelait au téléphone M’ame Michu et Robert Chombier pour mesurer leur degré de bonheur ressenti au niveau du vécu et du temps qui passe, trois instituts, le Cato Institute, le Fraser Institute, et le Liberales Institut, construisaient un indice de liberté humaine sur des bases statistiques un chouilla plus solides, comme je vous laisse le juger par l’article qui en est fait dans Contrepoints. En première analyse, on se rend compte que la France se classe alors en 33ème position, ce qui est tout sauf brillant et finalement parfaitement en ligne avec les autres indices qui tendent à prouver que ce qui fut le Phare de l’Humanité Triomphante n’est plus qu’un pays parmi tant d’autres, dans le ventre mou d’une mondialisation qui profite honteusement à ceux qui ne restent pas les deux pieds dans le même sabot et arrêtent de pleurnicher sur des droits acquis à grands coups de dettes sur les générations futures.
Maintenant, certains m’objecteront que je vais un peu vite en besogne en comparant les travaux de l’Insee, qui portent donc sur le Bonheur (si tant est que le bricolage statistique sur une question floue puisse être taxé de « travail »), et les travaux des autres instituts, sur la liberté ceux-là.
Et là, je sors un intéressant petit graphique qui m’a été fourni par l’un de mes lecteurs (ML) que je remercie au passage ; ce graphique affiche en nuage la liberté économique d’un côté et le bonheur de l’autre (rang de bien-être, selon le Gallup). Il serait intéressant de refaire le même graphique avec le nouvel indice, plus complet, de liberté humaine (et pas seulement économique), mais je crois raisonnable de penser qu’on obtiendra sensiblement le même résultat : plus on est libre, mieux on se porte.