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Jacques SAPIR

Jacques SAPIR

Diplômé de l'IEPP en 1976, a soutenu un Doctorat de 3ème cycle sur l'organisation du travail en URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980) puis un Doctorat d'État en économie, consacré aux cycles d'investissements dans l'économie soviétique (Paris-X, 1986).
A enseigné la macroéconomie et l’économie financière à l'Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à l'ENSAE (1989-1996) avant d’entrer à l’ École des Hautes Études en Sciences Sociales en 1990. Il y est Directeur d’Études depuis 1996 et dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS). Il a aussi enseigné en Russie au Haut Collège d'Économie (1993-2000) et à l’Ecole d’Économie de Moscou depuis 2005.

Il dirige le groupe de recherche IRSES à la FMSH, et co-organise avec l'Institut de Prévision de l'Economie Nationale (IPEN-ASR) le séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie.

L’interdépendance des décisions, 20 ans après (III)

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La troisième partie de l’étude de 1996 portant sur l’interdépendance des décisions

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III. Relectures de l’interdépendance des niveaux de décision et de leurs conséquences

Des éléments que l’on vient d’évoquer, on peut déduire qu’il est temps de s’affranchir d’un certain nombre de barrières héritées du cadre théorique standard, et en particulier des hypothèses d’individualisme méthodologique et d’utilitarisme individualiste. Mais, dire ce qu’il ne faut pas faire n’est qu’une bien maigre indication compte tenu de l’importance de la question. Pour tenter d’illustrer ce que pourrait être (et devrait être) à mon sens une démarche régulationniste cohérente en ce point, on va proposer au lecteur de divaguer, comme l’on dit d’un fleuve qui sort de son lit habituel pour recouvrir de nouvelles terres. Ces dernières ne sont d’ailleurs point tout à fait inconnues, même si on concède qu’elles peuvent ne pas être familières aux lecteurs, et en particulier aux mangeurs de biscottes beurrées.

III.1. Institutions financières et convention de « contrainte de budget lâche » dans le système soviétique traditionnel.

Pour tenter d’illustrer les précédentes réflexions, on propose ici un détour par l’ancien système soviétique. On prend pour cible ici l’un des grands classiques et de la littérature « soviétologique » et d’une économie de type hétérodoxe, l’ouvrage de J. Kornaï consacré à l’économie de la pénurie (Kornaï, 1984). Le cœur de cet ouvrage repose sur l’opposition entre système contraint par la demande (ce qui correspond alors à la « contrainte de budget dure ») et système contraint par les ressources (correspondant à la « contrainte de budget lâche »). La notion de contrainte de budget lâche a obtenu un succès immense. On peut considérer que la notion proposée par Kornaï, et qui a en un sens recouvert d’autres thèses de son ouvrage, avait un double statut. La contrainte lâche pouvait signifier un ensemble de normes ou d’objets institutionnels aboutissant au résultat de l’impossibilité de faillite d’une entreprise de type soviétique; on peut alors raisonnablement parler d’institution. En même temps, Kornaï, qui insiste à très juste titre sur les incertitudes endogènes du système de type soviétique présente aussi cette contrainte lâche comme une connaissance partagée par tous permettant d’accorder les comportements des agents, à la fois dans des relations horizontales et verticales; Il serait alors tout aussi justifié de considérer que le relâchement de la contrainte fait ici convention. Dès les premières lignes de l’ouvrage, J. Kornaï précise son propos: « …les contraintes budgétaires de l’entreprise socialiste traditionnelle sont lâches. Si elle travaille à perte, cela ne conduit pas encore à une véritable banqueroute, c’est à dire la cessation des activités. L’entreprise, d’une manière ou d’une autre, sera aidée; elle obtient un crédit supplémentaire, ou bien on réduit ses impôts, ou elle reçoit une subvention, ou encore on augmente le prix de vente, et, finalement, elle survit aux difficultés financières.[1] »

Si on considère cette contrainte comme une convention, elle peut s’entendre de deux manières. Soit il s’agit de dire que les responsables d’une entreprise de type soviétique sont dégagés de tout risque de sanction. Or ceci était notoirement faux. Même si le mode d’administration de la sanction n’était pas prioritairement financier, encore que des mauvais résultats pouvaient donner lieu à des suspensions de salaires et de primes (Berliner, 1952), et que la dimension financière était loin d’être absente du comportement du responsable, il y avait bien un système de sanctions, parfois très brutales. Soit on considère que pour tout responsable engagé dans des opérations de production, il y a une assurance de recevoir en temps utile les liquidités nécessaires aux opérations. Mais tel était le cas, alors on ne comprend plus pourquoi les entreprises ont à augmenter illégalement leurs prix (car de ce point de vue la formulation de Kornaï est trompeuse, la décision est dans la majorité des cas illégale et décentralisée[2]), à retarder des paiements (avec le développement récurrent des pratiques illégales de crédit interentreprises[3]), à négocier des crédits supplémentaires avec la GOSBANK. L’obtention des liquidités nécessaires a été, pour la plupart des entreprises soviétiques, un résultat ex-post, et non une assurance ex-ante, qui impliquait la mise en oeuvre de stratégies tant dans la gestion de l’organisation que dans ses relations avec les organisations voisines (dans le cas du crédit interentreprises) ou encore dans ses relations avec des organisations hiérarchiquement supérieures (ministères, Banque centrale). Ces stratégies étaient diversifiées, et donnaient naissance à des compétences particulières, soit en matière de négociation (et en URSS comme ailleurs les petits cadeaux entretenaient les amitiés[4]), soit en matière d’organisation de la production vers des produits sur lesquels le contrôle central était plus souple. A considérer la contrainte de budget lâche comme une convention ex-ante, c’est l’ensemble du phénomène de différenciation des compétences entre les entreprises soviétiques que l’on fait disparaître. On est donc conduit à appréhender le problème de la contrainte lâche non point comme une convention, mais comme une description générale d’un ensemble d’institutions déterminant à la fois des comportements et des modes de représentation de la réalité.

Ce système d’institutions n’est pas apparu immédiatement en URSS. Il est en fait contemporain du tournant vers l’industrialisation accélérée (Sapir, 1995c; Hutchings, 1984). On assiste, entre 1929 et 1931, à une réorganisation fondamentale. Cette réorganisation affecte aussi les circuits de financement, et en particulier l’ensemble du système budgétaire (Hutchings, 1983). Or, la mise de système correspond aussi à une volonté de contrôler les responsables de l’industrie. Il y a ici un coup de force fondateur, constitué par un des premiers procès staliniens, le procès de Shakty (du nom de la ville où il se déroula en 1928), et qui amorça une campagne de répression contre les cadres de l’administration des entreprises (Kuromiya, 1988). Cette répression fut bien moins meurtrière que celle des années trente, et elle fut de courte durée. Dès novembre 1930, les « spécialistes bourgeois » commençaient à être réhabilités. Mais, elle permit au groupe politique rassemblé autour de Staline d’imposer sa vision du cadre institutionnel de l’économie, dans un contexte qui avait été marqué dans le passé par des débats importants. Ce coup de force visant les directeurs et responsables, avait eu son précédant, dans une politique d’érosion progressive des capacités de résistance ouvrière entamé en 1925-1926, et culminant avec l’adoption de la « journée de 7h » en 1927 (Sapir, 1980).

Le contexte créé par ce double coup de force a conduit à l’émergence de nouveaux comportements, où l’on retrouve le marchandage et la négociation dans les lignes d’interdépendance verticale, et d’autres formes de négociation, aboutissant à des structures informelles en réseau suivant les lignes d’interdépendance latérale (Zaleski, 1984, Andrle, 1976, B. Moore, 1956; Granick, 1954, Berliner, 1952). Ces différentes pratiques suggèrent alors plusieurs remarques.

Quand prédomine l’interdépendance verticale (ou hiérarchique), marchandage et négociation sont à la fois le produit d’un rapport des forces, mais aussi un instrument pour faire évoluer ce rapport des forces. En fait, plus que d’un « rapport », terme qui suggère une vision statique et unidimensionnelle des positions de force et de faiblesse des agents, il serait plus judicieux d’employer la notion de « corrélation des forces », que l’on retrouve dans la pensée militaire soviétique (Sapir, 1988, 1996). Entre le directeur d’une entreprise et ses supérieurs hiérarchiques, l’interaction autour de la notion de discipline financière se joue en même temps dans plusieurs dimensions, le politique et l’économique, l’explicite et l’implicite, le financier et le productif. La grande différence dans une relation hiérarchique est que le Principal peut toujours imposer une modification de la règle alors que l’agent lui doit pour aboutir au même résultat la subvertir. Chaque accord est tout à la fois l’explicitation d’une configuration momentanée de cette corrélation des forces et la base de départ d’une nouvelle évolution dynamique dans laquelle les anticipations des agents se heurtent comme elles s’emmêlent. Chaque accord est aussi l’occasion de révisions des perceptions de la part des agents, soit qu’il soit accepté et conçu comme base de stabilité, ou au contraire qu’il soit perçu comme inacceptable et devant être amendé ou révoqué.

Quand prédominent au contraire les interdépendances latérales, la négociation change de statut et devient un instrument d’acquisition de nouvelles capacités à travers la mise en place de réciprocités. Ceci n’exclut pas nécessairement la compétition. Deux entreprises qui peuvent être fortement complémentaires dans des stratégies de contournement de mesures visant à assurer la discipline financière peuvent dans le même temps être en concurrence dans l’attribution de priorités. Dans ce cas, ce sont les évaluations des plages de stabilité potentielle qui deviennent déterminante. La concurrence ne l’emportera que si le gain qu’elle peut engendrer est plus stable dans le cadre de l’horizon pertinent pour l’agent que le gain espéré des comportements de réciprocité. En fait, cette comparaison est implicite. Les agents ne peuvent calculer au sens propre du terme l’ampleur ou la stabilité des gains. Ils réagissent avant tout en réaction à des surprises, bonnes ou mauvaises, qu’ils rencontrent dans le déploiement de leurs stratégies. La minimisation du risque de mauvaise surprise, à travers des prises de responsabilité réciproques et la mise en place de lieux communs aux acteurs, est un facteur important de stabilisation des formes d’interdépendance latérale. Les « conseils de directeurs », qu’ils aient été officiels ou non, qu’ils se soient manifestés sous la forme de réunions institutionnalisées ou de réunions informelles, ont été et restent un élément clé de cette interdépendance.

La notion de contrainte de budget lâche renvoie ainsi à des processus multiformes de gestion des diverses formes d’interdépendance à l’intérieur d’un cadre institutionnel donné. Qu’il y ait eu en fin de compte beaucoup de non-intentionnel est évident. Mais il n’y a rien eu de spontané.

III.2.L’armée en campagne et les deux dimensions de l’interdépendance de décision.

Le commandement des armées modernes nous fournit aussi un autre terrain d’investigation de la gestion des interdépendances. Les armées modernes sont à la fois des systèmes complexes et des systèmes hiérarchisés. Les limites des capacités de tout cerveau, fut-il collectif comme un État major[5], à traiter l’information implique une déconcentration de la décision (van Creveld, 1985). L’émergence d’unités relativement autonomes caractérise les armées depuis le début du XIXème siècle. Ces unités peuvent être considérées comme de: « …grands systèmes autonomes, car elles présentent (…) un nombre comparativement important d’éléments constitutifs, une complexité de la structure, une variété des interactions possibles tant entre les éléments qui les composent qu’entre ces éléments et l’environnement extérieur, la complexité des problèmes à résoudre, une nature hautement dynamique et une capacité à remplir des fonctions nouvelles (non prévues à l’origine), la présence de critères multiples d’évaluation des résultats des opérations du système.[6]« 

Or, non seulement se pose le problème de l’interdépendance verticale, sous la forme du contrôle de l’exécution du plan stratégique, mais de plus il faut que l’interdépendance latérale soit assurée. À l’oublier c’est Blucher qui survient quand on attend Grouchy. La solution historiquement adoptée a été triple (van Creveld, 1985). D’une part les moyens de conception et d’élaboration des plans se sont formidablement renforcés en deux siècles. En même temps, les états-majors se sont dotés de l’équivalent de télescopes informationnels permettant non pas de suivre les mouvements simultanés de toutes les unités, mais d’acquérir rapidement les informations au point critique. Enfin, un effort permanent a été consacré au développement des moyens de communication. Pourtant, ces différents moyens ont suscité à chaque fois des pathologies particulières, qui sont autant de métaphores de paradigmes économiques.

  1. La planification rigide. Le premier danger qui guette le général en campagne est constitué par un plan trop complexe et par là trop rigide. L’énorme développement des capacités de communication avec la généralisation du télégraphe et du téléphone, eu début du XXème siècle a favorisé l’idée d’une planification globale des opérations. Le passage à la radio a accentué le problème, et l’a couplé au désir de préserver le secret (les émissions radio sont détectables et potentiellement décryptables). La tendance du commandement a été de chercher à tout prévoir. Ceci correspond à la métaphore économique de la planification centralisée à moyen terme sous hypothèse d’un environnement stationnaire. Durant la première guerre mondiale, l’échec des offensives allemandes (en 1916 à Verdun en particulier) ou alliées (sur la Somme) fut largement dû à l’incapacité d’innover sur le terrain. Durant la seconde guerre mondiale le commandement japonais se révéla incapable à prendre en compte des modifications de la situation, en raison de la complexité et de l’exhaustivité même des plans qu’il avait établis (Morison, 1989a).
  2. La pathologie informationnelle. Ce terme a été imaginé par Martin van Creveld pour décrire le second danger qui réside dans un usage immodéré des moyens de communication (van Creveld, 1985). Pour éviter la planification rigide, l’État Major laisse ouvert un certain nombre d’options tactiques, mais se réserve le choix en dernière instance sur la base d’une collecte globale de l’information. La métaphore économique est ici clairement celle d’un système d’équilibre général qui fonctionnerait en temps réel et chercherait à obtenir des prix d’équilibres par des itérations ultra-rapides. L’exemple achevé de cette dérive réside dans le comportement de l’armée américaine au Vietnam où nombre de décisions tactiques devaient être prises directement au Pentagone, les télécommunications par satellites étant censées assurer une quasi-instantanéité de l’information. Le résultat fut la saturation des capacités d’analyse par les volumes d’information ainsi engendrés. Si la décision, contrairement aux exemples précédents, était flexible, les délais d’ajustements devenaient incompatibles avec une efficacité de cette décision.
  3. Le chaos organisé. Pour tenter d’éviter et la planification rigide et l’engorgement par excès d’information, une solution a été élaborée dans le cadre de l’armée israélienne qui consiste à organiser les forces en fonction de leurs objectifs, et à les laisser libre dans ce cadre d’opérer à leur guise, un système qualifié par ses auteurs de « chaos organisé » (van Creveld, 1985, pp. 193-197). Ce mode d’organisation correspond assez bien à la métaphore du marché chez Hayek ou von Mises, ou un ordre supérieur prend naissance spontanément dans des désordres locaux. Ce système peut bien fonctionner fondamentalement en raison de deux facteurs. Tout d’abord une doctrine unifiée qui assure que les différents commandants envisagent une situation de la même manière. On aboutit ainsi à la condition hayekienne d’un équilibre dynamique, soit la convergence des anticipations. Le second facteur consiste en une discussion franche entre les responsables de l’État Major et les principaux responsables sur le terrain, qui homogénéise les perceptions et permet d’aboutir à une coordination souple (Luttwak et Horowitz, 1975). Un tel système peut cependant entrer en crise sous certaines conditions. Si l’État Major perd le contact avec ses subordonnés, ces derniers peuvent être tenté d’aller au-delà des objectifs prévus, ce qui arriva en 1956 (van Creveld, 1985). On peut alors considérer qu’il y a un défaut dans l’interdépendance verticale. Si les conditions de controverse ne sont plus réunies, soit en raison d’un excès de poids de l’État Major, soit du fait de l’ouverture d’un écart dans les perceptions (par exemple en raison de problèmes de génération), l’initiative des grandes unités n’est plus équilibrée par un cadre général. L’interdépendance latérale cesse d’être maîtrisée et des incohérences majeures peuvent survenir, comme ce fut le cas lors de la guerre de 1973 au Moyen-Orient (dite « guerre d’octobre »), lors des premiers jours de combat (van Creveld, 1985; Herzog, 1975; Sherman, 1973).
Ces exemples mettent en évidence quelques leçons du problème de l’interdépendance des niveaux de décision. En premier lieu, une prévision complète ex-ante ou sur la base d’un traitement en temps réel des informations est impossible. Le choix ne peut se faire sur la base du calcul mais de règles heuristiques, ce qui est très exactement ce que dit Herbert A. Simon (Simon, 1978). Ces règles heuristiques proviennent de choix discrets faits par les agents. La décision est donc à la base du traitement de l’information. Face à la multiplication des signaux qu’il faut décoder pour chercher de l’information, unedécision quant aux règles d’arrêt s’impose. En second lieu, la capacité à réagir à la surprise repose sur la combinaison d’une action discrétionnaire, certes employée avec retenue, mais disponible en cas d’urgence, et d’une convergence des représentations de l’environnement. En troisième lieu, même dans des cadres strictement hiérarchiques, la présence et la préservation d’espaces de libre controverse est la condition et de l’efficacité de l’action discrétionnaire et de la convergence des représentations.

Contrairement à l’argument invoqué par J. Revel, les institutions « pensent ». Il faut bien sur s’entendre sur le sens des mots. Cette « pensée » n’est pas réductible à un simple « discours » de l’institution, encore que l’émergence d’un langage propre à une collectivité contribue à la convergence des représentations et à l’émergence de représentations communes. Mais il faut admettre l’existence des phénomènes d’élaboration collective, qui sont induits par la nature procédurale de la connaissance et l’existence au sein d’organisations appelées à développer un haut niveau de spécialisation interne de très fortes complémentarités (Sapir, 1996). Dans ces conditions, l’émergence même du discours propre à l’organisation, la constitution de ses codes de fonctionnement, de ses normes et de l’ensemble de ses instruments d’interface avec l’environnement externe, acquièrent une dynamique propre qui échappe non seulement au contrôle des individus, mais souvent même à leur conscience.

III.3. Pour ne pas conclure.

A défaut de fournir une théorie complète de l’interdépendance des niveaux de décision, les éléments qui viennent d’être présentés permettent de déblayer le terrain pour des recherches futures. Tout d’abord, on est désormais en mesure de réfuter deux idées clés des approches traditionnelles dans ce domaine que ce soit l’origine dite « spontanée » de la convention ou l’existence d’un comportement opportuniste comme caractéristique générale des hiérarchies.

Une conclusion logique des développements qui précèdent est, en effet, que l’on ne peut tenir pour acquis le comportement opportuniste, qui est à la base de la vision des néo-institutionnalistes. L’opportunisme suppose un « comportement par calcul » permanent qui n’est pas compatible avec l’idée de limites des capacités de traitement de l’information par les individus. On lui opposera l’asymétrie des capacités de traitement de l’information, asymétrie qui joue en faveur de la structure collective et non de l’individu, et la notion de construction procédurale et collective des préférences, qui met en lumière l’importance du mode de fonctionnement des organisations, et fondamentalement de la démocratie non comme liberté de vote mais comme combinaison de la liberté de controverse et de la responsabilité du décideur devant les exécutants. Ce point est essentiel. Il assure le retour depuis la théorie économique vers le monde du politique car la notion de responsabilité implique celle, décisive mais appelant d’autres réflexions, de souveraineté.

Il faut ajouter la nécessité de modifier notre perception du temps. La diffusion des décisions et de leurs effets à travers des processus séquentiels doit remettre en mémoire l’effet Cantillon, cher par ailleurs à l’école autrichienne, et l’importance que Cantillon accordait au temps et à son épaisseur dans la genèse de l’incertitude (Cantillon, 1952). Les chaînes temporelles à travers lesquelles s’écoulent décisions et effets sont la matérialisation des différentes interdépendances des niveaux de décision, dans une économie décentralisée. Mais, si l’on suit Cantillon, alors il convient de prendre note de ce que cette interdépendance cache une inégalité. Dans l’économie du XVIIIème siècle, Cantillon notait que l’assurance de revenu que procure la propriété foncière créait une asymétrie décisionnelle, car elle permettait au propriétaire, face à l’entrepreneur, de toujours trouver une issue individuelle au problème de l’incertitude, en faisant défection et en se repliant sur ses capacités propres. Aujourd’hui, on dira que c’est le contrôle de la liquidité qui confère le même pouvoir de défection hors du jeu économique, et donc d’issue individuelle socialement néfaste, au financier et au banquier. Sur ce point, on adhère à la remarque de G. Shackle qui regrettait que Keynes n’ait pas repris à son compte la démarche de Cantillon pour fournir une explication plus cohérente du lien entre incertitude et liquidité (Shackle, 1988)[7]. Il y a là une piste dont l’intérêt est considérable pour fonder une cohérence entre une macroéconomie et une microéconomie, basées l’une et l’autre sur l’incertitude, l’interdépendance et le risque de défection.

De ce qui vient d’être avancé, il y a enfin deux idées qui méritent d’être retenues. La première est que la Théorie de la Régulation ne peut tendre à la cohérence de son programme de recherches sur la question des interdépendances de niveaux de décision qu’en abordant de front la question des bases du choix des individus. Les travaux de psychologie expérimentale qui sont cités ici laissent percevoir des réponses qui sont expérimentalement fondées et qui rompent avec les apories métaphysiques que charrie l’individualisme méthodologique. C’est le retour non de la « science » mais de la méthode scientifique dans la théorie économique. Et ce retour est nécessaire si nous voulons trouver un point d’accord commun. Ceci n’entraîne pas qu’il faille bannir le terme de convention du vocabulaire, ni que, sous réserve d’en préciser le contexte et la définition, la notion de convention ne puisse être fort utile. Ainsi son rôle dans des stratégies de justification d’agents devant défendre en controverses ex-post des décisions antérieures est à l’évidence important (Dow, 1995). C’est dans ce contexte qu’il faut par exemple lire la phrase de Keynes où il explique que la comparaison entre le taux d’intérêt et l’efficacité marginale du capital ne constitue pas un calcul rationnel sur lequel la décision d’investissement devrait être basée, mais une procédure « qui nous sauve la face en tant qu’hommes économiques rationnels« [8]. Le lien entre le taux d’intérêt et l’efficacité marginale du capital est bien une convention car, comme l’a démontré G. Shackle, il est impossible de comparer ex-ante une variable qui ne sera connue que ex-post (Shackle, 1988, pp. 104-123). Mais, le fait que ce lien soit supposé permettre une décision justifie ex-post cette dernière si elle est contestée au vue de ses résultats. Ce à quoi on est confronté est un discours de la forme « j’ai pris, de l’avis général, la meilleure décision possible compte tenu des éléments dont je disposais ». C’est donc un discours en justification et non un argument analytique. Il faut remarquer ici que pour faire convention, le lien a du être présenté par une autorité légitime. Le discours des économistes professionnels, et en particuliers des universitaires, dévoile alors son statut, celui d’instance de légitimation de conventions demandées par les agents. Et, si demain, une partie des porte-paroles de la profession, à la suite d’une crise particulièrement grave de l’économie réelle, déclarait doctement que c’est la stabilité de la demande future qui détermine l’investissement, il est probable que pourrait se créer une nouvelle convention.

Comme le montre cet exemple, la convention est un élément important, en particulier dans un problème d’interdépendance latérale. Mais, la tentative pour faire de cette notion un cadre général pour penser les problèmes de coordination doit, elle, être abandonnée. D’une part parce que la mise en cohérence ex-post de décisions prises séparément ex-ante ne se réduit pas à un problème de coordination et encore moins de coordination volontaire. D’autre part du fait que les formes prises par cette dernière sont multiples et ne peuvent être saisies hors de leur contexte, sauf à supposer une indépendance des décisions par rapport au contexte, thèse justement qui ne résiste pas à l’expérimentation. Enfin, parce qu’il y a une dynamique du conflit qui est à la source de toute institution, et que l’on retrouve cette dynamique, sous des formes certes différentes, dans le processus de constitution et de généralisation des conventions.

La question des interdépendances est bien une question centrale en économie, mais pas seulement en économie. On a vu que, pour en mesurer les diverses implications, il a fallu avoir recours à la psychologie expérimentale, à l’histoire, à la sociologie et à la stratégie. La raison en est simple. Les interdépendances de décision sont au cœur des mécanismes de pouvoir, et celui-ci est central que ce soit en politique, en stratégie ou encore en économie. C’est ce qui explique la similitude des processus et la capacité à utiliser des exemples venant de ces différentes disciplines.

Il en résulte que la démarche qui consiste à penser les interdépendances latérales comme assimilables à une succession de couples d’agents autonomes est fondamentalement a-historique. Il faut ainsi cesser d’opposer conflit et négociation, comme on opposerait guerre et paix. Les stratégies des agents se déploient dans l’affrontement comme dans la négociation, parce que les conflits, même s’ils peuvent être mis en sourdine dans certain cas, ne sont pas éteints par un accord, mais par une satisfaction. La notion de compromis, que l’on veut présenter comme fondatrice d’un rapprochement possible entre Théorie de la Régulation et École des Conventions est par trop susceptible d’une interprétation angélique (Favereau, 1995). Si on reprend maintenant l’exemple de la mise en place de l’ensemble des éléments qui ont conduit à ce que Kornaï a appelé la contrainte de budget lâche, ceci est non seulement évident mais parfaitement revendiqué. Staline, au moins, n’ajoutait pas l’hypocrisie à ses multiples crimes. Prononçant en mai 1935 un discours devant de futurs officiers de l’Armée Rouge, il avait présenté ainsi son attitude des années précédentes: « Il est vrai qu’en cours de route il nous a fallu endommager les côtes à certains de ces camarades . Mais on n’y peut rien. Je dois avouer que, pour ma part, j’ai mis là aussi la main à la pâte.[9] »

Toute argumentation visant à faire disparaître le conflit au nom d’une rationalité postulée apparaît alors comme suspecte. La Théorie de la Régulation pourrait alors se présenter comme un retournement de la démarche traditionnelle de l’économie politique où l’analyse économique est induite par des fondements politiques (Myrdal 1954). Elle intégrerait dès lors des analyses politiques, en particulier sur le rôle de la démocratie, ses formes et moyens d’exercice et l’importance de l’organisation collective, déduites de ses fondements économiques. On pourrait alors renverser la formule et penser le rôle des éléments économiques dans le développement d’une théorie de l’organisation politique.

Notes

[1] Kornaï, 1984, p. 30.

[2] Pour une discussion de ce problème et de son ampleur, Sapir, 1989, 1995b.

[3] Hutchings, 1984; Sapir, 1989.

[4] Un exemple classique est ainsi présenté par J. Berliner: « For example, a textile firm will ordinarily favour an order placed by a military customer over one by another customer. but if the other customer happens to produce ball bearings which the textil firm desperately needs, an informal transaction may be arranged in which the ball bearing producer’s order for textiles is quietly placed ahead of that of the military customer. the ball bearing producer, of course, then accepts an unplanned order by a textile firm for delivery of ball bearing » (Berliner, 1952, p. 360).

La formule russe « nado est’ ZIS » qui se traduit littéralement, il faut une ZIS (une voiture de luxe de l’époque soviétique) mais où ZIS signifie en fait znakomstvo i svjazy , soit des contacts et des relations.

[5] Significativement, l’une des ouvrages fondateurs de la pensée militaire soviétique a pour titre « le cerveau de l’armée »: Shaposhnikov, 1929.

[6] Ivanov et alii, 1977, p. 16.

[7] La citation de Shackle est la suivante : « When knowledge seems especially elusive, we desire money rather than specialised, vulnerable assets. We sell the assets, their prices fall and it becomes no longer worthwhile to produce them, no longer worthwhile to invest, to give employment. Had Keynes attended to Cantillon, he could have freed himself from the proposition that an employer will always offer a wage equal to marginal product of value of his body of employed people. For since he must employ people first and sell their product later, he cannot know for sure what their marginal product is going to be », Shackle, 1988, p.43.

[8] Keynes, 1973, p. 114.

[9] Discours aux élèves des écoles techniques d’application de l’Armée Rouge,Pravda , 6 mai 1935, p.1.

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