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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

« L'avenir radieux que vous n'aurez pas... »

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Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Suite à mon article intitulé « De la civilisation à la vicilisation », j’ai reçu un courrier abondant et je vous remercie, chacune et chacun, de vos réflexions qui en alimentant la mienne peuvent servir je l’espère modestement à faire avancer celles du plus grand nombre sur ces sujets complexes.

Nous parlons bien ici d’un sujet complexe. Le « logement » au sens large est très structurant pour l’avenir d’un pays. L’habitat c’est un choix collectif et sous contrainte, c’est également une vision du futur, et une projection sur l’avenir car comme nous le montrent nos villes et nos anciens, on ne construit pas pour 5 ans mais pour des siècles, on façonne notre paysage, notre terre, nous la modelons.

Le logement d’aujourd’hui doit nous aider à préparer et à façonner le monde de demain, notre monde. Locataire comme propriétaire, riche comme pauvre, nous sommes tous concernés directement par ces problématiques, par le logement ou son absence. Rêve pour beaucoup, cauchemar de pauvreté pour d’autres de plus en plus nombreux, évolution du monde et de la société, bâtir le logement de demain, construire nos villes de demain, c’est avant tout inventer notre futur commun.

Alors oui, c’est un sujet très complexe et de très nombreux défis nous attendent tant le logement tient une place cardinale dans les systèmes économiques (et aussi dans les crises). Nos choix d’organisation impactent directement notre société dans son ensemble et son fonctionnement.

Si je suis convaincu que l’avenir n’appartient plus aux villes tentaculaires, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de ville du tout puisque comme me l’ont fait remarquer de nombreux lecteurs, les villes étaient préexistantes à la révolution industrielle. C’est vrai et ce n’est pas incompatible. Une ville qui décroît n’est pas forcément une ville qui disparaît, même si certaines ne deviendront que de vastes champs de ruine parce que devenues tout simplement inhabitables, comme c’est le cas par exemple pour Las Vegas qui ne tient qu’avec une débauche d’énergie. Notre monde est rempli de citées disparues, désertées ou englouties car ainsi sont les « organismes vivants », ils vivent, grandissent, vieillissent et meurent. D’autres survivent et s’adaptent parce qu’ils le peuvent à leur environnement. Historiquement, la « sélection naturelle » est un principe vieux comme notre planète, qu’il nous plaise ou non, telle n’est pas la question.

Je suis convaincu que les solutions à la crise que nous traversons existent, qu’elles sont somme toute assez faciles à cerner et beaucoup plus difficiles pour ne pas dire impossibles à mettre en œuvre.

Capitalisme circulaire (écoconception, recyclage, réparation, upgrade et un gâchis minimal), re-ruralisation de notre pays en se réappropriant l’ensemble de nos territoires, économie d’énergie parfaitement possible y compris sur les véhicules, puisque la société MDI de Marseille a revendu un brevet sur la voiture à air comprimé à TATA Motors (le plus gros constructeur indien) dont le pauvre directeur général a trouvé la mort malencontreusement en tombant accidentellement de la fenêtre de sa chambre d’hôtel au 17e étage alors que cette dernière était fermée à clef à 48 heures du lancement de la première voiture à air comprimé de grande série… qui donc ne consomme pas une goutte d’essence… (Raison pour laquelle je vous parle d’impossibilité.) Décroissance, même si cela ne plaît pas à tous les amoureux de shopping, qui ne rime cependant pas avec pauvreté mais avec simplicité volontaire et retour aux choses simples.

Au bout du compte, l’alternative est assez simple à comprendre. Soit nous partagerons tous le peu qui reste en en prenant soin et nous pourrons vivre dignement, soit nous nous entre-tuerons pour la dernière goutte de pétrole, chemin que nous prenons sans conteste possible depuis maintenant 13 ans et les attentats du 11 septembre 2001 avec des guerres sans merci qui ravagent le monde, des guerres de l’énergie. Tel est leur nom.

Je laisse donc la place au témoignage de notre camarade.

Le témoignage

Je reviens vers vous puisque, ayant participé à l’élaboration du programme de F. Hollande sur le sujet de la rénovation thermique du bâtiment, j’ai en quelque sorte fait partie des « quelques esprits éclairés qui glosent doctement autour d’idées fumeuses ». Je le dis sans le prendre mal puisque je suis en partie d’accord avec ça.

Étant donné que ce n’est plus un secret pour personne, je vous joins en PJ, le résumé du résumé que j’ai fourni en tant que contribution à Marie Hélène AUBERT qui a dirigé le pôle Environnement Développement Durable et Énergie de la campagne de FH.

Conclusion technique :

- Si nous ne diminuons pas notre consommation d’énergie nous finançons les pays dans lesquels nous achetons notre énergie (et nous appauvrissons d’autant).

- Si nous voulons diminuer notre conso, le logement est la cible la plus facile (en étant caricatural, faire des km à énergie 0, je ne sais pas faire autrement qu’avec un cheval et encore il lui faut quand même du foin).

- Les incitations, c’est très bien et consensuel mais sur un programme de travaux de cette ampleur, c’est insuffisant et ça ne marche pas (assez vite). Il faut 40 à 50 ans pour reconstruire une ville avec des bâtiments neufs au rythme actuel. Autant ne rien faire vu les échéances auxquelles nous faisons face.

- Pour ce qui est des écoquartiers, ils sont censés être des figures de proue pour tester ce qui marche et ce qui ne marche pas. À mon avis, c’est bien de le faire mais cela ne résoudra pas le problème de fond.
Le problème de fond c’est la rénovation énergétique des logements existants. Pour les villes nouvelles, je suis assez sceptique sur la capacité de l’État pour organiser ce type de migration.
Bien que l’idée est séduisante, je ne vois pas comment la mettre en œuvre « en vrai ».

- Enfin, les politiques dites de renouvellement urbain (on casse les cités pour reconstruire du neuf un peu plus performant) ne servent à rien et coûtent énormément d’argent.
Le problème ce ne sont pas les immeubles avec des hautes tours. Il paraît que Manhattan est très agréable à vivre.
Le problème de fond des cités, c’est le chômage. On n’empile pas des gens sans boulots sans qu’une « économie » ne se crée d’elle-même. J’en sais quelque chose car je travail dans le monde des bailleurs sociaux et pilote ce type de programme.

Bref, techniquement, il faut pas confondre enjeux énergétiques et « politique de la ville » (terme que je ne comprends pas bien dans le fond, puisqu’il n’y a pas de continuité de la politique à l’échelle de 20 ans ou 30 ans).

Conclusion personnelle sur la politique :
On m’a demandé de faire partie de ce pôle de campagne, avec réunion à l’Assemblée nationale et tout le tintouin, sur recommandation d’un élu que je ne connaissais pas (mais lui oui, visiblement).
J’ai été très déçu car je m’attendais à rencontrer des experts et des hauts fonctionnaires calés sur ces sujets. Malheureusement, même si je reconnais volontiers qu’il y a des gens beaucoup plus intelligents que moi à Paris (nous étions chapeautés par une polytechnicienne), il n’y a eu aucune ambition long terme ou vue stratégique.

On nous a demandé des chiffres macro sans rentrer dans les « détails » et tout ce que nous avons eu en mesure de long terme c’est une phrase au discours du Bourget qui promettait « 1 million de logements thermiquement efficaces ». Le pôle a d’ailleurs été mis au courant pendant le discours du Bourget puisque nous travaillons sur des fiches le samedi soir précédent (2 jours ou 3 jours avant).
Sachant qu’en tant que technicien, je ne sais pas ce qu’est un logement « thermiquement efficace » (neuf ? ancien ? quelle consommation ? quel financement ? … ), j’ai été déçu car je savais bien que le candidat non plus n’en savait pas tellement plus.
En réalité, le plan c’était quelque chose du genre 500 000 logements neufs et 500 000 réhabilitations en gros (sur quel rythme et à quelle échéance, cela reste un mystère).
Bon, de toute façon, comme rien n’a été prévu, rien ne se fera je pense (ou si peu).

Bref, j’ai été très déçu.

J’ai eu le sentiment que l’on cherchait plus à faire des petites mesurettes plutôt que poser des grands enjeux.
Par exemple, nous n’avons jamais mis en face d’une consommation nationale les objectifs à atteindre dans chaque secteur de l’économie pour arriver au fameux facteur 4.

Pourtant, nous y arriverons par la force des choses même si nous n’assumons pas de faire des choix assumés.

Mais attention à bien situer des enjeux et ne pas les jeter avec l’eau du bain politique.
Quant à l’avenir des villes, je pense qu’il ne fait pas bon habiter en banlieue à long terme.
Ni à la ville, ni à la campagne, ce seront sûrement les premières zones à se paupériser plus vite que la moyenne. De toute façon, ce n’est même pas une prédiction puisque cela a déjà commencé.

Sur cette note d’espoir et d’optimisme, bonne journée tout de même.

Lançons le débat !

Oui notre camarade contrarien, que je ne peux pas nommer pour des raisons évidentes que vous comprendrez mais son témoignage est à prendre en compte sans réserve, a raison sur de nombreux points.

La politique de la ville actuelle et menée depuis plusieurs années maintenant avec l’ANRU est la rénovation urbaine qui consiste à dépenser des dizaines de milliards d’euros pour exploser des tours forts laides mais parfaitement habitables pour faire de l’habitat plus petit mais dans lequel on « stocke » les mêmes gens portant les mêmes problèmes et les mêmes difficultés. Dix ans après et des milliards plus tard, aucun des enjeux de la vie de nos banlieues n’a été réglé. Pire, l’ensemble des problèmes se sont aggravés et le constat est le bon. Le problème n’est pas la hauteur des tours mais l’absence de perspectives économiques. C’est une évidence et pourtant nous continuons à laisser rentrer sur notre territoire des centaines de milliers de nouveaux étrangers chaque année à qui nous n’avons rien à proposer si ce n’est un enterrement de première dans des citées moisies.

Deuxième sujet abordé ou plutôt évoqué, la compétence de nos élites et l’absence de vision. Évidemment, il ne s’agit pas d’être fort en math ou pas. On peut être très fort en math sans pour autant faire des étincelles. L’intelligence est une chose complexe et ne peut se limiter à des concours aussi difficiles soient-ils. Il y a donc un problème de suffisance de ces gens qui se pensent très supérieurs certes mais manquent cruellement d’intelligence pratique, de bon sens et de sens des réalités, sont dépositaire d’une pensée conventionnelle, gère une « carrière » (où l’on doit plaire au sérail) et où l’absence de créativité (et donc de prise de risque) est patente.

Nous sommes donc dirigés par des forts en math qui ont décidé de s’asseoir sur toutes leurs capacités au profit de leurs ambitions personnelles. Ils sont donc condamnés à prendre les plus mauvaises décisions, ce qu’ils font avec une grande constance depuis 40 ans maintenant.

De façon encore plus générale, nos dirigeants et c’est le cas de l’administration PS actuelle, ne travaillent pas. Ils sont de gros, gras et grands paresseux passant plus de temps à ripailler et à occuper le temps médiatique pour exister qu’à lire un dossier. Ils réfléchissent peu ou pas, alors que vous exprimez une vision il ne faut pas se leurrer, il est indispensable de réfléchir très longuement aux différents sujets. Diriger c’est travailler.

Le problème énergétique est soulevé par notre camarade qui explique que l’on ne sait pas se déplacer sans consommer de carburant à part le cheval et que donc il faut économiser l’énergie sur les bâtiments. Certes, sauf que l’on sait se déplacer sans carburant. Qu’il s’agisse des véhicules électriques ou encore des voitures à air comprimé (technologie française), cela fonctionne et fort bien, d’ailleurs faire le plein d’une voiture à air comprimé nécessite juste à la place de pompes à essence d’installer un simple compresseur de chez Leroy Merlin à 100 euros… et ne prend pas plus de temps que de remplir votre réservoir de gasoil. Non, la question c’est pourquoi ne veut-on pas utiliser l’ensemble de ces nouvelles techniques issues de millénaires de recherche, d’acquisition de compétences et de connaissance de l’espèce humaine ?

La réponse est simple. Ne pas déplaire aux lobbies et maintenir les niveaux de taxation. Comment taxer l’air à la place de l’essence ? Comment taxer l’énergie solaire ou celle du vent ? La TIPP, qui est la taxe sur les produits pétroliers, rapporte beaucoup plus que la TVA ou encore l’impôt sur le revenu et c’est pareil dans tous les pays. Les entreprises comme EDF ou GDF ne veulent surtout pas que nous économisions trop car elles veulent gagner de l’argent. Soit, mais cela va plus loin, avec un parc de 60 réacteurs nucléaires, EDF est condamné à gagner de l’argent pour entretenir à très grand frais désormais un parc vieillissant si l’on ne veut pas prendre de risques inconsidérés… Alors que faire ? Économiser mais pas trop ! Un peu mais pas passionnément !

C’est évidemment la même chose avec les engrais et les producteurs de pesticides, avec les laboratoires pharmaceutiques, entreprises privées mais dont les bénéfices ne proviennent que des fonds publics à travers les remboursements de la sécu dont nous bénéficions. Aux USA… les labos vivent des assurances privées. Dans tous les cas, les gens n’achètent pas leur médicament, quand ils doivent les payer ils ne se soignent pas ! La réalité c’est que le système d’assurance soit privé ou public au bout du compte, ce sont les gens qui paient soit une assurance soit une couverture sociale à travers des impôts… mais personne n’achète vraiment son médicament. Les enjeux sont tels des médecins aux labos que l’ensemble du système est vicié.

Toujours la même sclérose si l’on prend le sujet du complexe militaro-industriel qui a besoin de guerres pour faire tourner les usines, le lobby agricole qui doit recevoir des subventions pour cultiver surtout pas bio et soi-disant nous garantir des rendements nécessaires… nous pourrions produire totalement différemment, mais les semenciers veulent que nous achetions des semences tous les jours… pas que nous les fassions nous-mêmes !

Complètement figés, nous sommes condamnés à mourir !

Bloqués par des lobbies et un degré de corruption rarement atteint, nous sommes en plein dans les problématiques d’effondrement des sociétés complexes et je vous invite à relire cet édito pour ceux qui ne l’auraient pas déjà lu.

Alors oui un monde bien meilleur, bien plus juste, bien plus humain, bien plus écologiste est parfaitement possible sans parler d’utopie. Nous avons les technologies et les savoirs nécessaires. Le problème c’est qu’une telle société signifie la fin des rentes centenaires pour nos très riches milliardaires planétaires. Ils détiennent le pouvoir financier et politique et il ne faut pas compter sur eux pour se tirer une balle dans le porte-monnaie.

Ils ne feront donc rien pour régler les problèmes, ils en sont par définition la cause.

Leur capacité de nuisance ne pourra être annihilée qu’après qu’ils aient perdu le pouvoir.

Le pouvoir, ils le perdront de deux façons différentes possibles.

Soit sous le poids de la complexité et de la crise le système actuel s’effondre de lui-même, soit nous l’aidons un peu et suite à une révolution tous ces parasites sont mis à la porte !

Dans tous les cas, nous arrivons au bout du bout d’un système et d’un modèle et la fin ne sera pas heureuse. Pourtant un avenir presque radieux est possible pour notre pays et l’humanité. Mais dans ce monde… la consommation et donc l’argent devrait tenir une place moindre. Et là, non seulement ce n’est pas gagné, mais c’est presque perdu, pour notre plus grand malheur à tous.

Préparez-vous et restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Charles SANNAT

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.
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