H16
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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !
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Du kung-fu, des dinosaures, des Valkyries ? Une autre façon de faire des films
Audience de l'article : 1506 lecturesComment, vous ne connaissez pas ce film ? Pourtant, vous devriez, puisqu’il illustre à lui tout seul une autre façon de faire du cinéma. Bon, certes, je vous accorde que ce n’est peut-être pas, pour le moment, le film le plus connu qui soit, mais même si, finalement, vous n’êtes pas un fan de kung-fu et de Valkyries, permettez-moi de vous présenter un peu le contexte.
L’aventure Kung Fury commence en 2012 lorsque David Sandberg, un réalisateur suédois spécialisé dans les films publicitaires et vidéos musicales, plaque son emploi pour se lancer dans l’écriture et la production de son propre film, Kung Fury. Il dépense dans un premier temps 5000 dollars pour réaliser avec ses amis les premières images d’une bande annonce. Malheureusement, la tâche qu’il s’est assignée semble hors de portée. Entre ses fonds rikikis et la nécessité de recourir massivement aux effets spéciaux, notamment pour gérer un lieu de tournage (la Suède) particulièrement éloignée du lieu scripté de l’action (Miami), les fonds viennent très vite à manquer.
En Décembre 2013, Sandberg ouvre une campagne Kickstarter, invitant tous ceux qui le veulent à participer dans son projet en l’échange de différents produits (depuis le t-shirt jusqu’à un rôle dans le film à venir en passant par des posters dédicacés), et met en ligne, histoire de donner un aperçu de ce qu’il entend faire, une bande annonce de la réalisation à venir.
La vidéo plaît grandement et le succès est très rapidement au rendez-vous. Sur les 200.000 dollars que Sandberg s’est fixé comme but, il en récolte plus de 600.000 (pour plus de 17.000 soutiens, soit 35 dollars en moyenne par soutien). Si cette somme ne suffira pas pour un long métrage, le court est, lui, à sa portée. Il se lance et y passera l’année 2014.
En chemin, son projet aura retenu l’attention : ainsi, alors que le court métrage sera présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes, des producteurs américains envisagent à présent, en fonction de la réception du court métrage, d’en produire un long.
Indépendamment de la valeur cinématographique intrinsèque de Kung Fury, qu’on le trouve bon ou mauvais, son existence prouve qu’un autre type de cinéma est possible. Oh, je ne parle pas d’un autre genre cinématographique puisqu’en l’occurrence, le film en question revisite essentiellement les canons des années 80 en matière de film d’action, d’aventure et d’humour décalé. Non, ici, il s’agit de la façon dont on peut construire un film et en particulier le « nerf de la guerre », son financement : avec ce genre d’initiative, Kung Fury montre qu’on peut créer un spectacle cinématographique complet, professionnel, et surtout rentable en faisant intervenir directement le public, en l’impliquant en amont, à la création, et non plus en aval, à la projection.
Comme toute révolution fondamentale, les débuts sont modestes. Ils passent presque inaperçus dans le « monde réel » et pour les personnes pour lesquelles internet n’est qu’un médium de diffusion comme la télé ou la radio. À vrai dire, les grands studios voient essentiellement dans ce mode de financement un intéressant gadget, facultatif, permettant de faire émerger, éventuellement, un nouveau réalisateur. Mais plus fondamentalement, ce que ces studios ne voient probablement pas, c’est que ce mode spécifique de participation du public entraîne un renversement de la notion de droit d’auteur, de diffusion et de copie.
Ainsi, Kung Fury sera disponible gratuitement, à son lancement, sur Youtube, et c’est logique : l’opération « Kung Fury » est déjà équilibrée comptablement parlant, et à sa sortie, toute nouvelle recette est essentiellement un bonus. En effet, les participants au financement recherchaient autre chose qu’un retour sur investissement sous forme financière. Depuis la présence de son nom dans un des éléments du film, en passant par un t-shirt promotionnel ou un rôle plus ou moins important dans l’histoire elle-même, ceux qui ont mis quelque argent dans le projet n’ont pas tous, loin s’en faut, misé sur un rendement financier.
Oh, bien sûr, l’avenir de ce genre de montage participatif pour des films comprendra aussi des investisseurs très intéressés au rendement, c’est même une certitude et c’est une des raisons qui a poussé l’industrie du cinéma aux sommets actuels. Simplement, ce que Kung Fury démontre est qu’on peut aussi construire un film sans subvention étatique, sans investisseur cherchant d’abord un rendement, mais avant tout avec une base de fans et de personnes intéressées non par le résultat financier mais avant tout par le résultat artistique.
Autrement dit, Kung Fury réintroduit le mécénat pour le cinéma en utilisant habilement les facilités offertes par la révolution numérique : toucher un très vaste public à un coût extrêmement modeste. Certes, ce projet n’est bien sûr pas le tout premier exemple de mécénat dans le cinéma, ni même le premier utilisant la force de frappe « internet », mais on peut espérer que son exemple suffisamment médiatisé donnera à d’autres équipes l’envie de se lancer.
En clair, ceci veut dire d’une part que le mode de financement des films peut encore évoluer (et loin du crony capitalism, en particulier), et d’autre part, que les recettes assises sur les droits d’auteurs ne sont pas, au contraire des lamentations répétées des majors du secteurs, fondamentales pour garantir l’existence même de ces productions : Kung Fury est la démonstration par l’exemple que ce qui fonde l’existence de l’art (cinématographique ici) n’est pas la reconnaissance du droit d’auteur, ou l’assurance d’une rémunération postérieure à la création, mais avant tout le désir émis par certains de voir l’œuvre se concrétiser, en usant de leurs finances éventuellement et même à fonds perdus le cas échéant.
Voilà qui devrait largement faire méditer ceux qui persistent encore à croire indépassable les modèles d’affaires actuels de la culture, ou l’impossibilité d’aller au-delà des lois actuelles sur le droit d’auteur…
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