Georges Kaplan
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Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui pense pour l’essentiel s’inscrire dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps en publiant des articles sur son blog http://ordrespontane.blogspot.com/
Chacun pour soi
Audience de l'article : 1810 lectures15 janvier 2010, trois jours après le séisme meurtrier qui avait ravagé Haïti, les opérateurs de téléphonie mobile français s’était inspirés de l’opération organisée aux États-Unis par mGive et la Croix Rouge (« Text HAITI to 90999 ») qui permettait aux américains de donner $10 avec un simple SMS. Alors que nos opérateurs nationaux lançaient leur propre collecte à raison d’un euro le SMS, mGiveannonçait sur son blog avoir déjà franchit le cap des $8,5 millions de donations.
J’ai envoyé quelques SMS.
Oh, n’allez pas croire que je m’en vante. Au regard de mes revenus de l’époque, ces quelques euros ne représentaient pas grand chose. C’était une petite somme ; une goutte d’eau qui ne tarderait pas à rejoindre le fleuve des dons privés qui se déversait du monde entier sur l’île meurtrie. Si tout le monde fait comme moi, me disais-je, ce seront des millions d’euros qui viendront de France. Je n’ai aucun mérite ; j’ai fais ce qu’il fallait ; assez pour ne pas avoir honte de moi, trop peu pour en éprouver une quelconque fierté. Là n’est donc pas mon propos.
Ce qui m’a marqué ce jour-là, c’est la réaction d’une de mes voisines, nous l’appellerons Caroline, quand je lui ai fait part de l’opération. « Avec les impôts qu’on paye, me dit-elle, c’est à l’État de faire des dons. »
Les bras m’en sont tombés. Il faut que je précise ici que Caroline est réellement une femme formidable ; le cœur sur la main, toujours prête à donner un coup de main et à se plier en quatre pour distribuer du bonheur autour d’elle. Caroline elle a une âme d’enfant ; c’est une épouse aimante, une mère extraordinaire et – ma femme en est témoin – une amie des plus fidèles. C’est vraiment quelqu’un de bien. Mais ce jour-là, à ma plus grande surprise, elle estimait que le montant des impôts qu’on lui réclamait au titre, notamment, de lasolidarité la dégageait de tout devoir moral vis-à-vis des haïtiens.
Dans les jours qui ont suivit, j’ai tendu l’oreille. Alors que la presse internationale célébrait ce gigantesque mouvement de générosité qui, de Tiger Woods (3 millions à lui seul) à Starbucks, avait permit de collecter des centaines de millions de dollars en quelques jours, il y avait, dans notre presse hexagonale et dans les commentaires que l’on pouvait lire sur internet, une sorte de mépris arrogant teinté de méfiance ; on fustigeait l’hégémonie américaine dans les opérations de secours, on suspectait les ONG de malversations, on accusait les gros donateurs de vouloir se donner bonne conscience.
En fait, on se cherchait une bonne raison pour ne surtout pas donner de sa propre poche : c’est à l’État de s’occuper de solidarité, c’est à l’État de distribuer des dons et, de préférence, en faisant payer ceux qui en ont les moyens, c'est-à-dire les autres. De fait, quelques semaines après le séisme, l’opération française avait permit de collecter un peu plus d’un million d’euros… là où celle de mGive dépassait allègrement les 37 millions de dollars : rapportés au nombre d’habitants, les dons américains se sont finalement révélés cinq fois et demi plus élevés que ceux des français.
Et voilà, au-delà des grands discours et des mots ronflants, le véritable visage de ce que nous appelons solidarité. La triste vérité, c’est qu’à force de collectivisme, nous sommes devenus un peuple profondément égoïste ; un peuple qui a remplacé l’empathie, la générosité et la solidarité véritable par un simulacre sordide de justice sociale qui n’a pas d’autre objet que d’organiser le pillage de ceux qui produisent au profit de ceux qui réclament.