Les exemples se multiplient et ne rassurent pas.
Dans le monde de l’art, un récent rapport montre une augmentation inquiétante du nombre d’artistes tués ainsi qu’une augmentation des actes de censure. Le rapport étant mondial, je tiens tout de suite à préciser qu’il ne s’agit pas de l’abomination habituelle du turbolibéralisme débridé qui vise à priver de revenus l’un ou l’autre artiste sursubventionné français puisqu’on parle ici de vraie censure, de vrais artistes poursuivis et, au final, de vrais morts.
Si l’on reste en France, la violence est heureusement moins présente, mais on retrouve toujours cette forme plus ou moins subtile de censure, le cas récent du groupe Eagle of Death Metal venant ici à point nommé pour illustrer mon propos : si, bien sûr, les organisateurs d’un concert ou d’un festival ont tout à fait le droit de déprogrammer un groupe qui ne leur plairait plus, on ne peut s’empêcher de noter les raisons, parfaitement idéologiques, qui poussent au retrait de ce groupe spécifique, un peu comme si les organisateurs découvraient subitement que le leader ne tient pas un discours assez Charlie-compatible pour eux. Oh. Zut.
Bien évidemment, si les tentatives d’étouffement d’un discours qu’on n’aime pas ne prenaient que cette tournure en France, le pays serait exemplaire puisqu’alors, chacun pourrait pratiquement s’exprimer comme il l’entend. Malheureusement, on en est loin comme je le notais en introduction en parlant de Facebook.
Ainsi, à l’instar d’une Arabie Saoudite qui, il y a une semaine, a décidé de couper net la messagerie interne de Facebook, la France semble ne pas s’embarrasser de droits de l’Homme et autres chartes encombrantes lorsqu’il s’agit d’aller censurer l’un ou l’autre contenu sur le réseau social, au point de devenir le principal acteur de cette censure. Pour une fois que la France est très loin devant les autres pays, ce n’est malheureusement pas pour un fait très glorieux.
En réalité, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette censure n’est pas du tout un comportement déviant de la part du gouvernement ou des petits kapos du Camp du Bien qui se caractérisent justement par l’utilisation assez massive de ces procédés visant à étouffer toute pensée dissidente : c’est un comportement assumé, délibéré, voulu. Et pire que tout, c’est que cette censure, trop fréquemment actée par le gouvernement, n’est pas un comportement spécifique à ce dernier mais est maintenant ancré dans d’autres institutions publiques, à commencer par les organisations syndicales devenues mafieuses.
Cet aspect délibéré et parfaitement assumé trouve d’ailleurs son illustration pas plus tard qu’hier, jeudi 26 mai 2016, où tout le pays a pu assister, en grandeur réelle, à une censure de fait par un groupement d’intérêts particuliers, par l’utilisation de la force, sans que l’État ne soit intervenu d’une façon ou d’une autre (pour favoriser ou empêcher cette censure). On apprend en effet qu’après que plusieurs titres ont refusé de publier en pleine page une vibrante tribune de Philippe Martinez, l’inénarrable secrétaire général à la stalinienne moustache, la CGT a intégralement bloqué la parution des quotidiens nationaux à l’exception bien sûr de l’Humanité qui s’est gracieusement plié à ses injonctions (et qui n’a absolument rien à faire de ses lecteurs, puisque cette rédaction est payée par le contribuable).
Non, je n’enjolive pas les faits, je n’exagère pas : la CGT a imposé la publication d’une tribune de Martinez, sous menace d’empêcher la parution papier des journaux. Ceux qui ont refusés (la presse nationale, essentiellement) n’ont donc pas pu paraître. Dans un pays qui se gargarise de son respect des droits fondamentaux, de sa liberté d’expression et du respect des individus, voilà qui est particulièrement intéressant et qui ne peut déclencher que la consternation de la part des observateurs réguliers de notre vie sociale à la française.
En outre, on aurait pu s’attendre au déclenchement d’un scandale national, avec des éditos enflammés, des prises de parole des politiciens pour fustiger cette prise de contrôle de la presse par la CGT, cette dénonciation d’un comportement digne d’une mafia. Il n’en fut rien.
Côté politicien, chacun aura compris que le but n’est surtout pas de cogner sur la CGT. En paralysant le pays, le syndicat savonne la planche d’un gouvernement qu’une bonne partie de la gauche ne peut plus encaisser et que la droite a tout intérêt à asticoter autant que possible, ce qui explique pourquoi, actuellement, tous ses ténors, lorsqu’ils s’expriment (et encore le font-ils fort timidement), se contentent de s’emporter contre un gouvernement qui fait n’importe quoi, n’importe comment, qui est impuissant et dépassé. Sur la CGT, rien à dire, c’est du velours.
Côté presse, toute dénonciation un peu trop virulente entraînera d’autres disparition des kiosques de leurs numéros. Pour la façade, quelques protestations, molles, seront émises, mais en définitive, tout le monde sait fort bien ce qui se trame ici, et nous sommes en France après tout : la CGT, qui n’est en réalité qu’assez peu concernée par la Loi Travail tant ses militants sont très majoritairement dans le public, fait simplement de la retape publicitaire pour gagner quelques nouveaux adhérents qui, jusqu’à présent, allaient à la concurrence, et les dommages collatéraux qu’elle commet dans son Happening Barbecue sont, à la limite, « de bonne guerre ». Rien de grave, circulez, il n’y a rien à voir.
Pourtant, cette nouvelle démonstration de toute la nuisibilité de la CGT suffirait, dans n’importe quel pays ayant les pieds sur terres, les yeux en face des trous et deux onces de bon sens, à signer sa dissolution et l’envoi de la bande de malfrats qu’elle représente devant les tribunaux de la République. Si l’on devait ajouter à ce dernier forfait lamentable toutes les veuleries, toutes les bassesses, tous les détournements, tous les petits arrangements mafieux dont la centrale est une habituée, ce mouvement criminel aurait été dissous depuis des décennies, avant même qu’il ne se lance dans le recel, le trafic d’alcool ou d’arme comme il en a fait l’expérience ensuite. Dans un pays normal dirigé par un président normal qui dissout les milices d’extrême-droite, les coteries mafieuses d’extrême-gauche seraient aussi dissoutes, CGT en premier.Et plus à propos, la décontraction qui entoure cette censure scandaleuse (et pour tout dire, typiquement soviétique) et le reste des comportements de censeurs qu’on observe partout dans le pays indiquent malheureusement que le peuple français, ses élites, ses dirigeants, sa classe jacassante jusqu’au moindre ouvrier ont complètement perdu le sens des valeurs. Tous les jours des exemples me parviennent de faits divers scandaleux, de comportements consternants passés au rang d’habitudes par lâcheté, jm’enfoutisme ou résignation. Chaque jour amène son lot d’abandon de l’un ou l’autre des principes qui firent, jadis, la grandeur de ce pays.
Aujourd’hui, qu’un droit aussi fondamental que celui de s’exprimer, librement, ait ainsi disparu dans le brouhaha des bienpensances, dans le silence de l’auto-censure, ou dans la censure active des nervis syndicalistes indique mieux que tout autre signe que ce pays n’a plus aucune limite idéologique et qu’il s’apprête donc, psychologiquement, à tout accepter même et surtout le pire parce qu’il ne s’est plus fixé aucune limite au-delà de laquelle il peut se dire qu’enfin, trop, c’est trop.
Ce pays est foutu.