Oui, c’est écrit : le décret numéro 2015-650 du 10 juin 2015 relatif aux modalités de mise en œuvre du dispositif d’encadrement du niveau de certains loyers a été publié au Journal Officiel le vendredi 12 juin. Dès lors, à partir du premier août prochain, la capitale française va faire l’expérience inédite et excitante d’encadrer par la loi les loyers en vigueur dans 80 quartiers, sur la base de prix médians fixés selon le type de logement et leur année de construction. Et alors que l’excitation d’une telle nouvelle n’a même pas encore atteint tous les propriétaires, sachez qu’ils recevront dans les semaines qui viennent les limites de loyers autorisées dans leur quartier.
Ces limites seront établies avec doigté et finesse par le truchement subtil de l’Observatoire des loyers à Paris (OLAP) qui définira à la place du propriétaire ce qu’il est convenable de faire ou pas avec son bien : concrètement, à chaque renouvellement d’un bail, le loyer ne pourra dépasser de plus de 20% le niveau médian du quartier calculé par l’Observatoire. Bien sûr, lorsqu’un« niveau de confort supérieur » du bien sera constaté, un complément pourra toutefois être autorisé, mais devra être justifié par le formulaire approprié correctement rempli en trois exemplaires, tamponné par les services compétents, et signé avec le sang du propriétaire (ou d’un chaton libéral, ça marche aussi).Pour que personne ne s’y perde avec ces histoires de quartiers de référence ou de loyer médian, et comme il se doit avec ce gouvernement de
Comme on le voit, décidément, ça ne chôme pas du côté d’Âne Hidalgo et de son équipe municipale de choc ! Devant le problème d’une pénurie de logement directement liée à une législation foisonnante, des contraintes municipales, préfectorales, régionales et nationales en matière d’urbanisme, d’écologie ou de sécurité, la maire de Paris a immédiatement jugé bon d’ajouter un morceau de législation foisonnante avec des contraintes municipales.
Ce qu’il y a d’intéressant dans la démarche est que si elle paraît précipitée, il n’en est rien : cela fait des années que les socialistes parisiens (et dans une autre mesure, lillois) se tâtent la couenne pour savoir si, oui ou non, ils vont imposer un contrôle des loyers à leur juridiction. Cette réflexion dure même depuis si longtemps qu’il y a déjà eu un certain nombre d’articles expliquant exactement pourquoi cette idée est du plus haut débile.
Déjà, en 2007, mon confrère Vincent Bénard, spécialiste de la question immobilière, expliquait en détail pourquoi le blocage (et par extension, le contrôle) des loyers était une bêtise sans nom. À cette époque, les socialistes du moment (assumés comme Hamon ou honteux comme Boutin) défendaient ce blocage devant la flambée des cours, dont on sait qu’elle camouflait mal une bulle spéculative dont une bonne partie du monde ne s’est pas remise encore aujourd’hui. Et dans son article, Bénard revient sur l’histoire du contrôle des loyers en France depuis 1914, en constatant, faits à l’appui, que « les résultats de ce contrôle à finalité sociale furent… socialement désastreux. » En fait, le contrôle des loyers pendant cette période a largement contribué à la pénurie de logements ou à leur non-entretien, ce qui aura provoqué une destruction nette à peu près équivalente à un bombardement. Comme le souligne Bénard en reprenant les propos de l’économiste suédois Assar Lindbeck, qui fut président du comité Nobel d’économie : »
Après les bombes incendiaires, le contrôle des loyers est le plus sûr moyen de raser une ville. »Dès 2007, la conclusion est sans appel : l’histoire condamne absolument toute forme de contrôle des loyers.
Et si le temps s’est écoulé depuis lors, cela n’a pas empêché la question de revenir dans l’actualité, lancinante et obstinée, accompagnée par des articles expliquant pourquoi, justement, cette idée était stupide et délétère. En 2013, on en trouvera même dans des parutions pourtant peu suspectes de faire allégeance au Grand Kapital Apatride Mangeur d’Enfants Pauvres, et dont les conclusions ne laissent absolument aucun doute sur l’aspect néfaste du contrôle des loyers lorsqu’on y cite une étude de l’OCDE publiée en 2011 :
« L’imposition de loyers artificiellement bas réduit la quantité et la qualité des logements disponibles : elle crée une demande excessive à ces conditions avantageuses, décourage les nouvelles constructions, retarde l’entretien nécessaire du parc existant, nourrit des pratiques du marché noir et favorise la corruption. »Réduire la quantité et la qualité des logements, découragement des nouvelles constructions, retardement de l’entretien du parc, marché noir, corruption ? Franchement, on croirait voir le décryptage du programme électoral de l’équipe municipale actuellement en poste.
Finalement, peu importe qu’on connaisse déjà les résultats calamiteux qu’on obtiendra inévitablement de cette expérience foireuse. Peu importe que quelques articles du passé précisaient déjà depuis un moment l’absurdité de la mesure. Peu importe que d’autres articles expliquent, actuellement, comment d’autres capitales tentent de sortirde cet abominable contrôle des loyers qui fait beaucoup plus de mal que de bien.
Peu importe tout cela : cette idée, parfaitement ridicule, a été réclamée et ardemment poussée par à peu près tout le monde. Cette idée nocive est donc mise en place et accélérera la décrépitude parisienne : certains applaudissaient déjà la muséification de la ville ? Elle va s’accélérer. Paris devenait grise ? Elle va l’être tous les jours un peu plus, un peu plus vite. Mieux encore, les gens avaient jusqu’alors du mal à s’y loger ? Cela va devenir impossible !
Y’a pas à dire : vu comme ça, youpi, le socialisme, c’est magique™ !