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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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« Vers la fin de la politique monétaire japonaise ! Les QE ne relancent pas l’économie »

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Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Comme vous allez le découvrir aujourd’hui, le « père » de la politique monétaire japonaise pour le moins accommodante ces derniers temps a presque avoué que cela ne servait plus à grand-chose de continuer à imprimer autant de billets en yen que ce qu’ils faisaient jusqu’à présent. Mais avant, tordons le cou à une idée totalement et particulièrement répandue consistant à dire qu’imprimer de la nouvelle monnaie à partir de rien sert à relancer la croissance.

Imprimer des billets ne sert pas à relancer la croissance mais à masquer l’insolvabilité

Au Japon, aux USA et prochainement en Europe, les banques centrales partout dans le monde sont à la manœuvre pour « relancer la croissance », en tout cas c’est ce que l’on vous explique. Imprimer des billets pour racheter des actifs qui ont déjà été financés n’a jamais et ne provoquera jamais une once de croissance supplémentaire. Cela permet en revanche de masquer l’insolvabilité ou d’éviter l’insolvabilité de certains acteurs économiques majeurs, qu’il s’agisse de banques ou même d’États.

En rachetant massivement les créances immobilières pourries des grandes banques américaines, la FED, la banque centrale des USA, n’a pas relancé la croissance directement. Elle a évité la faillite des banques en prenant à sa charge des dettes moisies qui pesaient dans le bilan des banques. En allégeant cette charge pour les banques, elle leur a permis indirectement de poursuivre leur travail de prêts… et donc les banques ont pu continuer bon an, mal an à financer plus ou moins l’économie.

Au Japon, le problème est un peu différent. Il ne s’agit pas de relancer l’économie, il s’agit de faire face au vieillissement de la population nippone qui a besoin de son épargne pour boucler ses fins de mois de plus en plus difficiles. Du coup, les Japonais « désépargnent » mais cela veut dire qu’ils revendent par exemple des obligations de l’État japonais que personne en face n’est en mesure de racheter… Il faut donc que la banque centrale japonaise se mette en face pour assurer la contrepartie afin d’éviter qu’apparaisse au grand jour l’absence d’acheteur d’obligations japonaises et que tout le monde soit conscient de la faillite généralisée ainsi que, au passage, tous les épargnants soient ruinés.

En Europe, nous sommes confrontés à un problème tout aussi complexe. Croissance anémique certes, mais qui ne sera pas relancée par le QE de 500 à 600 milliards d’euros que l’on nous promet pour jeudi. Non, si encore nous dépensions ces sous-là dans de grands travaux… Là, évidemment, cela irait directement dans l’économie mais ce n’est pas ce que la BCE va faire. La BCE va « racheter » des obligations d’États. En clair, la Banque centrale européenne va racheter de la vieille dette française, italienne ou espagnole, mais en rachetant de la vieille dette on n’injecte pas un centime dans l’économie réelle puisque cette vieille dette a déjà été financée et que les épargnants en sont détenteurs via par exemple leurs contrats d’assurance vie fonds euros.

Alors si la BCE fait cela, c’est que comme au Japon il se pose une question de solvabilité des assureurs vie, un problème de « contrepartie » et qu’il faut qu’il y ait des acheteurs pour que votre épargne conserve sa valeur.

Là encore, il s’agit donc d’éviter l’insolvabilité. D’ailleurs, aux USA, la croissance bat de l’aile et les pertes sur l’industrie du gaz de schiste s’accumulent, de même que celles liées à l’appréciation sans précédent du franc suisse. Il est donc de moins en moins probable que la FED augmente, comme elle tente de nous le faire croire, ses taux d’intérêt… À ce rythme, il y a même plus de chance qu’elle lance un nouveau QE, le QE4 par exemple ! Là, à nouveau, il faudra bien éponger les nouvelles pertes et masquer les nouvelles insolvabilités. Du reste, les bénéfices des banques US sont très nettement orientés à la baisse, et quelle baisse !!

Jusqu’où les banques centrales peuvent-elles aller avant la catastrophe ? Je ne sais pas !

La réponse est simple : je n’en sais rien. Je n’en sais rien et celui qui vous dira qu’il sait est un menteur car nous ne sommes jamais allés jusque-là ! Nous sommes rentrés depuis bien longtemps en « terra economica incognita » ! Mais ce n’est pas une raison pour s’avouer vaincu et ne pas tenter d’y voir plus clair à défaut d’avoir une certitude absolue.

La Banque centrale Suisse nous a bien montré depuis quelques jours que les moyens d’une banque centrale ne sont pas illimités. En réalité, ils sont théoriquement illimités mais dans les faits, il arrive un moment où la quantité de monnaie créée est telle que plus personne ne veut de votre monnaie ou que, dans le cas de la Suisse, tout le monde veut votre monnaie fuyant les autres… D’où l’appréciation de 40 % en une journée de la monnaie suisse, ce qui est un record absolu.

Au Japon, chaque impression de nouveau billet fait baisser un peu plus la valeur du yen, rendant plus cher les importations, et comme le Japon est une île qui importe beaucoup de produits, eh bien le panier de la ménagère coûte de plus en plus cher. Hélas, les salaires n’augmentent pas plus. Résultat, l’appauvrissement est généralisé. C’est sans doute la raison pour laquelle le principal artisan de cette politique monétaire expansive a déclaré qu’il n’était pas forcément utile d’en rajouter encore plus cette année… Et c’est la première fois que l’on peut noter un tel changement de discours au Japon.

Ainsi, selon l’agence Reuters, « la Banque du Japon n’a pas besoin d’assouplir plus cette année la politique monétaire à moins que l’économie soit frappée par un choc externe grave » et c’est dit par Kozo Yamamoto, l’un des principaux experts sur la politique monétaire du Parti libéral-démocrate de M. Abe.

Que se passe-t-il ?

Encore une fois, je ne sais pas. J’ai la désagréable impression que les banques centrales cherchent à en finir avec leur interventionnisme monétaire mais si elles le font alors l’économie va reprendre sa pente naturelle vers la récession et la déflation.

Intuitivement, je dirais que c’est désormais au tour de la BCE d’imprimer pour soutenir le système dans sa globalité. Racheter pour 50 milliards d’euros d’obligations comme les rumeurs le disent chaque mois, cela ne servira même pas à faire baisser les taux d’emprunt qui sont déjà proches de zéro et même négatifs pour la France et l’Allemagne sur des durées courtes… Alors pour quoi faire ? Cela ne sert presque plus à rien. Les stimuli monétaires n’ont plus qu’une utilité marginale.

Pourtant, l’effondrement systémique n’est pour le moment de l’intérêt de personne mais tout cela pourrait bien vite changer, et d’ailleurs 2015 sera avant tout l’année de la géopolitique plus que celle de l’économie et ce sont les décisions politiques ou les non-décisions politiques qui primeront sur l’économie. Pourtant sans bien comprendre ni savoir ce qu’il se passe pour le moment, imperceptiblement, les banques centrales semblent changer considérablement leurs politiques monétaires.

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

Charles SANNAT


Source dépêche Reuters sur le Japon
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