H16
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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !
J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...
Tiens, d’après la presse, être libéral serait presque hype…
Audience de l'article : 1147 lecturesLe début fut timide dans l’improbable production gauchiste, les Inrocks, dont la prétention musicale a depuis fort longtemps été abandonnée au profit de la propagande boboïde éco-consciente et politiquement fidèle (fidèle, comme dans Castro). Le libéral assumé que je suis y apprenait, surpris, l’arrivée de Christophe Carron à la co-rédaction en chef du Grand Journal de Canal+, après avoir occupé le poste de chef de rédaction à la Grande Édition sur la même chaîne. Ce Carron-ci (à ne pas confondre avec Aymeric Caron, la hyène herbivore) a une curiosité qui justifie à elle seule le petit article des Inrocks : il entretient un intérêt très prononcé pour les libertariens, voire serait lui-même de la bâtisse. Dans le monde respectable du journalisme français, ce nouveau genre un peu grotesque attire forcément l’attention, et le petit blog gauchiste jadis consacré à la musique ne pouvait donc pas louper l’occasion de nous entretenir des vices de ce nouveau co-rédac’ chef.C’était début septembre et on pensait que ce serait tout. Il n’en fut rien.
Rapidement, Libération, le Titanic éditorial au flanc déchiré par l’iceberg de la réalité capitalistique et d’une audience tous les jours plus maigre, prenait la relève et tentait de couvrir les bruits gargouillés de son avachissement dans l’eau froide du néant journalistique en faisant paraître à son tour un article complet sur les libertariens, et présentait l’étrange courant politique en feignant de découvrir son infiltration dans la pop-culture (sans toutefois parvenir à s’affranchir complètement de son biais tendrement étatiste, visible dans quelques unes des piques au raz des pâquerettes saupoudrées le long du billet).
La surprise fit place à la stupéfaction lorsqu’ensuite se succédèrent à un rythme rapide un article sur l’Express expliquant que les libéraux perceraient en politique (diable !), un article des Échos découvrant une majorité de Français prête à prendre un tournant libéral, et un numéro complet de l’Expansion décidé à traiter des nouveaux libéraux.
Bien sûr, même si dans ces différents médias, les journalistes tentent l’explication de texte libérale avec leurs gros doigts gourds d’étatistes plus ou moins assumés, et même si, en conséquence, les traits brossés sont souvent caricaturaux, flous ou mal cadrés, il n’en reste pas moins que cette quasi-déferlante d’articles sur une tendance libérale qui poindrait dans le paysage politique est intéressante.
En réalité, elle ne fait que suivre le courant général imposé par les saillies de certains dirigeants politiques, Emmanuel Macron en tête, lorsqu’il rappelait récemment que le libéralisme est une valeur de gauche, faisant s’étrangler à la fois les dinosaures les plus calcifiés de son parti et toute la petite intelligentsia scribouillarde du Paris Qui Sait.
De fil en aiguille, on en retrouve même des articles hors de France constatant le regain d’intérêt pour le libéralisme, comme ici en Allemagne, et, plus général, ici aux États-Unis.
Eh oui ! Tout comme le notait Philippe Fabry dans une série d’articles sur Contrepoints, le libéralisme semble revenir, doucement mais sûrement, sur l’échiquier politique, et par le côté gauche.
Et la raison de l’apparition de ces articles dans une presse normalement diamétralement opposée aux idées libérales est assez simple : les journalistes vendent du papier (ou, de nos jours, du clic) et ils ont donc besoin de « buzz », de déclencher un intérêt chez leurs lecteurs. Or, de nos jours, présenter un rebelle contre la société qui serait anti-capitaliste, anti-libéral, c’est prendre le risque évident de partager les audiences en chute libre des Inrocks et de Libération parce que d’une part, se réclamer anti-système, c’est ce que tout le monde fait et que se réclamer de l’antilibéralisme, c’est ce que tout le monde crie à tue-tête. Il n’y a pas à tortiller : se distinguer nécessite un positionnement différent.Tant sur la forme que le fond, pour la presse, parler des libéraux est un bonus rafraîchissant en ces périodes de lectorat difficile.
Sur la forme, les médias ont en effet l’impératif, lorsqu’ils doivent intéresser, de changer leur fusil d’épaule et d’apporter une petite touche subversive ; or, en matière de subversion pas trop violente, quoi de mieux que ces nouveaux punks avec ou sans chiens, que ces nouveaux réfractaires aux partis en place, que ces insoumis aux syndicats installés, que ces écorchés vifs de la politique ? En plus, ils ont le bon goût d’être à la fois peu nombreux, précisément parce que marginalisés par toute la presse, et généralement présentable en interview, sur les plateaux télés ou dans les pages glacées des magazines, dans un mix bien marketable de gendre idéal et de poil-à-gratter polémique.
Sur le fond, il y a au moins deux bonnes raisons à évoquer maintenant les libéraux. D’une part, ils ne représentent effectivement aucun risque réel (on est loin des groupements fascistes). Au pire, quelques pirouettes rhétoriques, et le libertarien invité sur un plateau, le libéral humaniste sera ridiculisé avec gentillesse et on pourra reprendre le cours normal de ses activités. À ce titre, Libé ne se mouille pas et réduit le libéralisme à une petite tendance pop sympatoche, un fun culturel mais surtout pas trop politique, là où l’Expansion se fait violence et va interroger des réformistes très modérés voire conservateurs, au business compatible avec l’État social, histoire de tenter une approche de substitution pour la social-démocratie en train de crever de vieillesse…
D’autre part, leurs idées détonent vraiment sur le consensus général. Ainsi, à part sur les questions d’immigration, les différences entre un Jean-Luc Mélenchon et une Marine Le Pen sont très vite balayées. Quant aux politiques des partis dits de droite et de gauche, elles sont toutes si semblables que les observateurs sont bien en peine de distinguer la sociale-démocratie de Hollande de la démocratie-sociale de Sarkozy, de Juppé ou de Bayrou. Dès lors, la position libérale tranche sur à peu près tous les sujets, soit en ne permettant pas un classement facile à droite ou à gauche, soit en étant diamétralement opposée à toutes les positions traditionnelles du spectre politique français actuel.
Maintenant, à lire ces articles récents, il faut convenir que le retour des libéraux dans les petits papiers de la presse n’est pas pour aujourd’hui. Entre le choix unilatéral de ses représentants (franchement discutable) et la présentation plus que moyenne qui en est faite, on ne peut pas dire qu’on soit proche d’une lune de miel.
En fait, ces récents articles en disent bien plus long sur l’état général de décrépitude de la politique et de la presse française que sur l’existence (réelle ou fantasmée) de libéraux en France, et de leur fantasmagorique infiltration un peu partout. Dès lors, la bonne nouvelle, c’est que la presse, sentant les affres de l’agonie s’approcher, ayant bien du mal à proposer des idées et des points de vue « neufs » sur les questions économiques ou politiques, se résout à donner un peu la parole aux libéraux.
La mauvaise, c’est qu’il n’y a plus guère, chez les journalistes, l’équipement idéologique et la culture politique minimale pour analyser les informations qui leur parviennent en retour.
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