Allons, l’âme légère, observer la nature. Ce monde où, à l’exception des vaches qui pètent et trouent la couche d’ozone, tout n’est que calme, bonheur et volupté.
Mon père, en 1955, a bâti une maison sur un terrain en l’état de garrigue. Quelques chênes rabougris, du romarin, des ronces, pas d’eau, des merles et des grives à la saison, de rares tortues, des lézards et des scorpions.
La trace ancienne de l’homme, d’une culture de la vigne en terrasse, murs et plans de vignes sous forme de simples vestiges, et des amandiers. Important les amandiers. Certains, greffés, donnant de délicieuses amandes, d’autres, sauvages, ne produisant que des amandes amères. Tous, magnifique éclosion de fleurs en Février et Mars.
Entreprenant, mon père a défriché et planté, ses voisins ont fait de même.
L’eau a jailli, par milliers de mètres cubes, du débordement des fosses septiques. Pins sylvestres et autres résineux, plantes d’agrément, et même gazon pour les plus optimistes, se sont substitués à la garrigue. C’est vert, c’est beau, c’est riche.
Le monde animal a suivi l’évolution. Sont arrivés, entre autres, les pies, les palombes sédentaires, les chenilles processionnelles et les écureuils.
Devant la fenêtre de ma salle de séjour un amandier greffé, au delà une dizaine de pins formant une mini forêt.
Cet amandier donne des “Princesses”, délicieuses, plusieurs kilos par an, que nous dégustions avec un immense plaisir tout au long de l’année, d’abord fraîches puis plus tard sèches.
La mini forêt a accueilli plusieurs familles d’écureuils.
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Les premières années qui ont suivi leur arrivée nous avons partagé, à notre corps défendant, la récolte d’amandes. Puis, ils ont commencé leur récolte alors que les amandes, pas encore mures, n’étaient que gélatine, amputant la notre ne laissant que les amandes les moins accessibles.
Flattés et rassurés sans doute par notre mine béate face à leur beauté et à leur ballets aériens dans notre mini forêt, ils ne sont plus farouches, ou nettement moins. Au point, l’année dernière, d’avoir récolté prématurément toutes les amandes, ne nous en laissant que quatre.
Cette année, c’est le pompon. Au moment où j’écris ce billet, les écureuils ont dévoré toutes les fleurs, ne laissant même pas à l’amandier le temps de produire un semblant d’amande. Une véritable catastrophe écologique, vous en conviendrez.
Nous n’aurons pas d’amande, mais eux non plus. Ah, la nature…. Quel bordel.
Bercy est une immense cage à écureuil.
La beauté physique et aérienne en moins, les agents de Bercy sont des écureuils. Ils n’hésitent pas à dévorer les fleurs de l’arbre économique avant même que celui-ci ait pu donner des fruits.
Bercy est à l’état de nature, Bercy est animal, la réflexion de l’homme n’a pas plus cours à Bercy que dans mon amandier.
Quand je pense que l’écureuil est le symbole de la banque chérie des français… Je rêve.
En France
Comme chez moi, chez nous tous la récente transformation de l’état de misère naturel, endémique, des siècles passés en richesse globale, grâce au travail de quelques-uns, a généré l’avènement généralisé de l’homme-écureuil.
La France, comme le reste du monde, n’avait connu au cours des siècles passés que vie difficile, travail, abnégation, maladies et morts prématurées. Puis, soudain, une réussite incroyable a complètement transformé notre vie.
Quelle est la part de hasard et la part de mérite dans ce résultat ? C’est assez difficile à dire.
Mais, ce qui est certain, c’est que ce changement de notre environnement a profondément modifié la psychologie de la majorité des habitants de ce pays. La plus grande part s’est indéniablement transformée en écureuils dévastateurs, certes au charme ravageur, mais dévastateurs.
Nous n’aurons plus d’amande, plus de fleur, notre avenir sera fait de branches nues et pathétiques, jusqu’à ce que la misère reprenne le dessus, chassant vers d’autres cieux, vers d’autres paradis, les écureuils, ne nous laissant que la gestion du sinistre dont ils portent la responsabilité : “Pourtant que la montagne est belle, comment peut-on s’imaginer…”
Bien cordialement. H. Dumas