Henri Dumas
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Libéral convaincu, je tire des expériences de ma vie une philosophie et des propositions.
Le tout sans prétention de vérité.
Mon blog : www.temoignagefiscal.com
La justice tuyau de poêle
Audience de l'article : 2173 lecturesAh bon ? Bizarre, bizarre. ”Moi, j’ai dit bizarre, comme c’est bizarre”
Hier, j’étais au Tribunal Administratif de Montpellier
L’affaire qui a été évoquée est simple, je l’ai déjà expliquée. Lors d’un contrôle fiscal, il est essentiel que l’on puisse filmer le débat oral et contradictoire.
Le dossier qui arrive devant le tribunal concerne ce point. Le premier jour du contrôle objet du contentieux, j’accueille les deux agents chargés de ce contrôle en compagnie d’un huissier de justice pour que soit bien noté que je filmerai le contrôle et que cela se fera en protégeant le droit à l’image des contrôleurs, ils seront filmés de dos.
Pourquoi je veux filmer le débat oral et contradictoire
Au fil de mes contrôles fiscaux je me suis aperçu que l’absence de preuve de la façon dont s’est déroulé ce débat est un gros problème. En effet, c’est là que se noue le désaccord s’il en est.
La façon dont sont abordés les arguments, aussi bien ceux du fisc que ceux du contribuable, à ce moment précis, est essentielle. Or, il ne reste rien de ce débat, si ce n’est le résumé qu’en fait le contrôleur, dont j’ai rapporté précédemment, spécifiquement sur ce contrôle, la preuve qu’il peut être falsifié par le contrôleur.
En réalité, le débat oral et contradictoire est au contrôle fiscal ce que la garde à vue est à l’enquête pénale, un moment clef.
Toute la suite contentieuse du contrôle fiscal sera issue de ce débat oral et contradictoire.
La procédure qui arrive devant le TA, hier.
Lors de leur venue chez moi, pour ce contrôle fiscal, le 3 Mars 2011, les contrôleurs sont restés cinq minutes, comme l’atteste le constat de l’huissier.
Ils sont repartis en indiquant qu’ils refusaient d’être filmés. De tout cela ils ont conclu que c’est moi qui ai fait opposition au contrôle fiscal, alors que ce sont eux qui ont quitté les lieux, de leur propre chef.
Le différent est de taille. Le dossier est par ailleurs peu volumineux. Je suis le demandeur, ma requête vise exclusivement mon droit à la preuve, à l’égalité des armes devant la justice, donc mon droit à filmer le débat oral et contradictoire. Je réfute l’idée d’une opposition à contrôle fiscal de ma part. L’administration n’a pas répondu à mon dernier mémoire, la Chambre du TA a pourtant quand même inscrit l’affaire au rôle.
L’enjeu est essentiel, sa dimension nationale. Le Tribunal Administratif va le brouiller volontairement.
D’abord le rapporteur du gouvernement
Cet acteur de la pièce qui se joue au tribunal est un fantôme. Il est le reste d’une époque où il s’appelait le Commissaire du Gouvernement, où il parlait en dernier, où le Tribunal Administratif avait la quasi obligation de suivre ses conclusions, où, tribunal d’exception, celui-ci rendait une justice de complaisance au bénéfice de l’Etat.
La Cour Européenne a mis de l’ordre dans cette justice stalinienne en pointant du doigt ce fonctionnement invraisemblable. Enfin…
Depuis, sous sa contrainte, notre Commissaire du Gouvernement s’appelle le Rapporteur Public. Il ne représente ni le gouvernement, ni le tribunal, il ne représente que lui-même et sa grande sagesse, son immense compétence… Encore enfin…
Il présente toujours ses conclusions à l’audience, mais on peut parler après lui, voire déposer une note en délibéré, et il doit donner sa position, c’est-à-dire “l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter”, avant l’audience.
Dans la vraie réalité, rien n’a changé. Tout ça c’est du pipeau.
Donc, le 18 Février, deux jours avant l’audience, le Rapporteur Public fait part, sur SAGACE (sorte de résumé sur le net des actes de procédure, réservé aux parties), de sa position : “Rejet au fond”.
Il y a deux lectures possibles de ce “sens synthétique des conclusions du RP”:
- Son esprit de synthèse est hors du commun, deux mots !!!
- C’est du “foutage de gueule”.
Penchant pour la deuxième hypothèse, je demande immédiatement, par une note écrite, que me soient transmises, dans le cadre de la communication élargie, les conclusions de Monsieur le Rapporteur du Gouvernement. Aucun retour.
Arrive donc l’audience.
Il faut savoir que la procédure au Tribunal Administratif est écrite, sauf les conclusions de ce fantôme, le rapporteur public, qui, lui, s’exprime oralement. Pas vraiment “fairplay”.
Il égraine en général une suite dense d’arrêts du Conseil d’Etat, d’articles de codes, que nul ne peut vérifier, puisque rien n’est noté et que les paroles, c’est bien connu, s’envolent. Il peut faire le “kéké” sans risque d’être contré.
En ce qui concerne cette affaire, le Rapporteur Public se conduit comme à son habitude, avec deux framboises de plus sur le gâteau :
- Il jure ses grands dieux qu’en mettant “Rejet sur le fond” sur SAGACE il a rempli ses obligations, donc pas de communication de ses conclusions.
- Et pour cause. Il les lit, ce n’est qu’un tissu de mensonges. On comprend alors pourquoi il ne souhaite pas les communiquer….
Que faire ? Rien. C’est ça la justice administrative de ce beau pays.
Le Tribunal lui-même
Un peu secouée par ma virulente réaction aux mensonges et aux attaques ad hominem du rapporteur public, la Présidente me demande : “Vous demandez-bien la remise d’un redressement ?”
J’en reste sur le cul. D’autant qu’elle ne me parait pas perverse lorsqu’elle me pose sa question, bien au contraire.
Je comprends alors ce que je n’avais jamais compris jusqu’ici. Les magistrats se foutent des affaires fiscales. Ils considèrent que le problème qui leur est présenté a déjà été analysé par le fisc, qu’il n’est donc pas à discuter. Un point c’est tout.
Toute la fureur qui se dégage de mon intervention a réveillé la magistrate, qui s’informe du but de tout ce bruit…
Je lui explique que l’annulation du redressement n’est qu’une conséquence, pas mon objectif qui est beaucoup plus large, à dimension nationale, puisqu’il vise le droit à la preuve, le droit de filmer le débat oral et contradictoire. Ce à quoi elle me répond : “La SCI Mirabeau (la société en cause), aurait une importance nationale ?”.
Me voilà obligé de préciser : “Madame La Présidente, c’est vous qui allez juger, c’est votre jugement qui aura une portée nationale, pas la SCI Mirabeau”….
Je ne sais pas ce qu’il va advenir de cette procédure, j’ignore si La Présidente va saisir, comme je me suis permis de le lui suggérer, le Conseil d’Etat pour un avis de droit avant de prendre son jugement. “Inch Allah”.
Conclusions
J’ai au moins appris une chose hier au TA de Montpellier. Je sais aujourd’hui pourquoi toute procédure fiscale présentée devant les tribunaux administratifs finit par un échec.
Les deux raisons sont les suivantes :
– Le rapporteur public roule exclusivement pour ses potes du fisc, sans vergogne et sans possibilité de le contrer.
– Les magistrats considèrent que le fisc a seul la compétence pour juger de ce qui lui est dû. Ils ne se penchent pas sur les dossiers. En auraient-ils les compétences ?
C’est donc sans espoir, comme tous ceux qui en ont fait les frais le savent. Est-ce cela la justice ? Pas pour moi.
Les contrôles fiscaux et leurs suites contentieuses sont donc bien un espace de non droit. Il ne peut pas y avoir de paix sociale et de consentement à l’impôt dans ces conditions.
Bien cordialement. H. Dumas
1 Commentaire
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dimanche, 23 février 2014 11:01
Posté par
tartemolle
Henri, une histoire complètement en phase avec ce pays... Le fisc est tout puissant et contre l’État, en cas de problème, le citoyen ordinaire n’a pas la moindre chance. L’État, qui a créé son propre droit administratif, est à la fois juge et partie contre ses propres citoyens ! Une monstruosité philosophique !
Les VRAIS problèmes de la France, pays foutu comme le dit H16:
http://www.lepoint.fr/economie/se-reconnaitre-liberal-serait-ce-un-gros-mot-12-02-2014-1790761_28.php