Décidément, la réforme de la société à grand coups de pelles (éventuellement dans la nuque) de la joyeuse équipe socialiste actuellement au pouvoir n’en finit pas de prendre des proportions qui auraient été difficiles à imaginer avant les élections : le vote sur le mariage homosexuel à peine refroidi, le Groupement Socialiste Républicain d’Intervention Sociétal frappe à nouveau et s’attaque une fois de plus à l’éducation.
On le savait déjà : quand il n’est pastaraudé par les questions sexuelles à l’école, Vincent Peillon aime fourrer son nez dans les cerveaux des autres, de préférence lorsqu’ils sont jeunes ; c’est plus facile, ils n’ont pas encore eu le temps de trop s’attacher à leur parent-1 et parent-2, qui pourraient avoir pour eux une autre éducation que celle, républicaine, laïque et sucrée que Peillon entend leur fournir. Et pour parvenir à ses fins, le gars Vincent dispose d’une méthode de choix : comme il est patron de l’Éducation Nationale, l’usine à fabriquer des citoyens, il lui suffit de proposer son Code Moral Officiel pour qu’immédiatement la grosse machine se mette en route.
Et en ce début de semaine, il nous a donc gentiment précisé les modalités d’application de son Patch Citoyen. L’idée de ce patch est de faire passer une microdose continue de Morale Républicaine de façon indolore, afin d’éliminer les dernières résistances anti-étatiques que pourraient développer des écoliers un peu trop enclins à se servir de leur libre-arbitre. Bien évidemment, ce n’est pas présenté comme ça. Le packaging a été scrupuleusement pensé : on va mettre en place de la morale laïque. Et qu’est-ce que c’est donc ?
La morale laïque est un ensemble de connaissances et de réflexions sur les valeurs, les principes et les règles qui permettent, dans la République, de vivre ensemble selon notre idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. Cela doit être aussi une mise en pratique de ces valeurs et de ces règles.Ah, de la réflexion, des principes, des règles, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, le tout pour permettre un vivre-ensemble toujours plus vitaminé ! Que du bonheur en tube, à déguster dès le plus jeune âge, pour se constituer une colonne vertébrale solide, avec une épine dorsale bien pleine, un bulbe rachidien tout frais et tout rose (évidemment) mais surtout pas de cerveau (parfaitement inutile pour marcher en cadence). Le vivre-ensemble, c’est cette machine étatique formidable qui permet à une France apaisée de discuter calmement de sujets sociétaux sans se mettre sur la figure.
Et c’est bien de dissolution de cerveau dans ce vivre-ensemble douillet dont on parle : ici, le passé de Vincent Peillon parle pour lui puisqu’il a largement démontré, dans ses productions littéraires, dans ses interviews, ses discours et sa pratique politique que le but de l’Éducation Nationale était bien de
Avec le résultat contrasté que nous pouvons voir, d’ailleurs : on parle régulièrement de faire du bon gros citoyen bien solide, bien rangé, bien moral, bien vivrensemblesque, mais en attendant, on oublie un peu de lui apprendre à lire, écrire et parler correctement ; à chaque réforme scolaire, le niveau scolaire baisse. Même Le Monde est obligé de le reconnaître, si ce n’est dans ses articles de plus en plus approximatifs et à l’orthographe créative, au moins dans les dernières études PISA ou PIRLS, démontrant en cela que l’introduction effrénée de nouvelles matières rigolotes n’arrange pas les charges horaires des gamins, et que les fondamentales, elles, sont de plus en plus réduites à la portion congrue. N’y voyez pas là le moindre hasard : c’est parfaitement logique (normal, dirait certain président). À force de réduire les exigences, de viser l’égalité quitte à abaisser les niveaux, les moyennes s’effondrent avec les résultats, et bientôt, toute une génération de professeurs arrivent en classe, formés à saupoudrer un peu de de grammaire, d’orthographe, de lecture et de calcul sur des semaines vertes, de sport ou poterie éco-consciente. À la seconde génération, il devient difficile de revenir en arrière. À la troisième, les idées se font floues et mal cadrées ; tout est dans tout et réciproquement. À la quatrième génération, tout se vaut, les méchants sont libéraux, les gentils socialistes, et Grok et Gnurk ont du mal à manipuler des concepts un peu subtils. La lecture, trop ennuyeuse, est de toute façon oubliée. Les peintures rupestres sont coef. 5 au baccalauréat. Souligne le mot pomme de terre et discutes-en avec ton voisin, etc…
Mais sans même tomber dans la caricature facile, on ne se demande pas bien longtemps pourquoi, après les changements de rythmes scolaires, le petit père Peillon s’est entiché de cette nouvelle marotte morale : il fallait trouver un moyen d’endoctriner, son poste lui ouvre cette possibilité sur un plateau d’argent. Soyons bien clair : la morale n’est pas une affaire d’instruction, domaine dans lequel devraient être strictement cantonnés l’école et les professeurs. La morale est, précisément, affaire personnelle et familiale. Et c’est parce qu’elle est du ressort des parents qu’il est extrêmement dangereux de la laisser à l’école. D’une part, l’uniformisation des esprits pose de grave problème d’adaptabilité à un monde en changement de plus en plus rapide. D’autre part, chaque tâche retirée aux parents les déresponsabilise un peu plus. La France, en l’état actuel, n’a pas besoin de plus d’enfants aux parents irresponsables, mais exactement du contraire. En cela, le projet de Peillon est non seulement une cautère débile sur une jambe de bois gigantesque (celle des myriades d’options et d’aménagements de cours divers qui sont autant de trous dans les matières fondamentales), mais la morale laïque à la Peillon est une nouvelle façon de produire toujours plus de parents déconnectés de leur progéniture.
Mais surtout, on voit mal comment cette morale pourra résoudre les problèmes structurels graves de certaines zones d’éducation prioritaires. On n’image pas non plus l’intérêt de ce patch citoyen bisou-compatible dans la recherche d’emploi, dans l’acquisition des technologies modernes, dans la formation opérationnelle aux métiers de demain. En bref, on est, exactement comme pour le mariage homosexuel ou les petites poussées urticantes de Najat Vallaud-Belkacem sur la parité, dans le cosmétique sociétal fumoïde : ça occupe des journalistes, c’est intellectuel, c’est philosophique, c’est tout ce qu’on veut, mais c’est surtout un magnifique paquet de foutaises enrobées dans le traditionnel marketing politique, et ça ne résout absolument rien des problèmes que les Français rêvent de voir traités.
Le Vincent, il est gentil avec sa jolie morale laïque. Mais pour le problème des élèves illettrés, des diplômes qui ne valent plus rien, des jeunes sans formation, sans emploi et sans avenir, le brave gars, il n’a rien en rayon.