La loi Macron, je voulais la qualifier de vaste plaisanterie mais finalement, à ma réflexion, ce n’est peut-être pas tout à fait vrai ni aussi simple.
Rassurez-vous, cette loi ne va créer aucun emploi et l’on ne sauvera pas la France en ayant des actes d’huissier un poil moins cher, plus d’avocats, plus de notaires (on parle de centaines, pas de millions) ou encore quelques pharmaciens supplémentaires.
J’étais donc tout près à dénoncer cette nouvelle ineptie gouvernementale et mamamouchesque quand, pris par un accès de travail (oublié par de trop nombreux commentateurs), je me suis dit, tiens, entre la poire et le fromage allons lire tout ce texte, histoire d’avoir un vrai avis sur la question (toujours commencer par les lire les documents, qu’il s’agisse de statistiques économiques ou de nouvelles législations, l’enfer se cachant évidemment dans les détails).
Que des notaires conduisent des bus d’avocats le dimanche pour faire le tour des pharmacies ne changera rien en terme macro-économique !
Il ne s’agit pas d’être contre sans argumenter. D’ailleurs, en soi, je ne suis contre rien, bien au contraire ! Simplement, de façon macro-économique, rien de ce qui n’est dans cette loi sera de nature à relancer l’activité économique de façon importante. Que cela crée à la marge quelques postes dans quelques études de jeunes notaires, je n’en doute pas un seul instant, mais nous ne ferons pas une France de notaires ! Ni d’avocats d’ailleurs et encore moins une France de chauffeurs de bus aux moteurs diesel au moment même où la mairesse de Paris souhaite éradiquer la pollution dans sa ville (qui est réelle, soit dit en passant).
Pendant que vous êtes occupés (et moi le premier quand je tombe dans les panneaux, ce qui peut évidemment m’arriver nul n’étant parfait) à gloser à l’infini sur le passage de 5 à 12 dimanches travaillés dans l’année (ce qui encore une fois ne va pas vraiment créer de travail dit durable et à plein-temps, 7 jours de travail de plus dans l’année ce n’est juste rien du tout pour un chômeur chômant les 358 autres jours), il se trame d’autres choses dans cette loi infiniment plus passionnante que ces vétilles qui nous occupent !
Privatisations massives et réduction sans précédent du droit syndical !
Présentée comme cela, c’est déjà une loi nettement moins sexy. Ne vous méprenez pas sur mes propos. Je pense que le syndicalisme français est pathétique, mauvais, sans vision, stupide, dépassé et… corrompu ! Je pense que les syndicats ont été à l’origine de plus d’un massacre sur l’emploi, MAIS, et ce « mais » est immense, le droit syndical, les tribunaux des prud’hommes et les syndicats (qu’on les aime ou pas) sont l’ultime rempart démocratique face à l’offensive sans précédent du totalitarisme marchand et c’est dans ce sens que l’affaire Lepaon de la CGT est en tout point dramatique pour les sans-dents-illettrés-
Je vais donc ci-après citer le document du ministère de l’Économie lui-même, dont vous trouverez la source en annexe. C’est un festival pour satisfaire en réalité les exigences ultralibérales de l’Europe au détriment du peuple français, le tout habillé par une hypocrisie dont seuls les socialistes et leur maîtrise de la novlangue ont le secret.
Dynamiser la gestion active des participations de l’État (page 41)
« Permettre à l’État de financer ses priorités grâce à une gestion active de ses participations, c’est-à-dire grâce à la cession de participations… »
Pour faire passer la pillule, le message positif pour les forces de prôôgrèès (comprendre la gôche) est le suivant : « L’intervention en fonds propres de l’État au profit des entreprises françaises est légitime et constitue un outil de politique économique que le Gouvernement entend mobiliser. » Il faut comprendre par là que cette loi permettrait en fait les nationalisations… Bonne nouvelle, on pourrait enfin nationaliser ces vilains banquiers ! Eh bien non, rassurez-vous et vite. Point d’inquiétude.
« Ouvrir le capital de certaines entreprises publiques. L’ouverture du capital de certaines entreprises permettra à l’État de dégager des ressources financières pour le désendettement et pour le réinvestissement dans des secteurs porteurs de développement économique, tout en faisant entrer au capital des entreprises des actionnaires ayant un projet industriel permettant de développer l’activité, l’investissement et l’emploi… »
La traduction contrarienne est la suivante : permettre de privatiser massivement nos derniers bijoux de famille payés avec l’argent du peuple et généralement de plusieurs générations de Français. Revendre ces entreprises à des « actionnaires » souvent américains qui se financeraient avec la planche à billets de l’oncle Sam. Habiller le tout en disant « porteur d’un projet industriel » ce qui veut dire « souhaitant démanteler la société pour gagner le plus de fric possible ». C’est beau la gôche Macron. J’adore.
On a même la liste des boîtes concernées (c’est trop mignon). Par exemple les sociétés aéroportuaires de Lyon et de Nice Côte d’Azur… Ce sont les prochains aéroports qui seront vendus. Vous avez aimé la vente de Toulouse aux Chinois ? Vous allez adorer celle de Nice et Lyon… aux Chinois ou aux Américains. On a déjà le nom de l’acheteur mais on ne vous le dira pas !!
Sinon, on va aussi vendre GDF-Suez… gazier de tout le pays. Préparez-vous, vous allez vous faire libéraliser ! C’est bien de se faire libéraliser. Nous on va payer plus cher et vous, vous allez perdre votre boulot ! Potager, poêle à bois et PEBC (plan épargne boîtes de conserve) de rigueur !!
Réformer la justice du travail (page 47)
Rendre la justice prud’homale plus rapide, plus simple, plus lisible et plus efficace, car elle est aujourd’hui une épreuve pour trop de salariés et de dirigeants de PME… Ha, comment ne pas être d’accord !!
« La loi pour la croissance et l’activité réformera la justice prud’homale, pour la rendre plus simple, plus rapide, plus prévisible et plus efficace… » Vu comme cela, on pourrait croire que tout va mieux que bien mais rendre une justice plus prévisible, il n’y a qu’un seul moyen pour cela : la mise en place de barèmes et non plus de l’appréciation au cas par cas d’une situation par un juge…
« Les délais seront considérablement raccourcis et encadrés dès la phase de conciliation – le bureau de jugement en formation restreinte devra ainsi statuer sous trois mois ; par ailleurs, la procédure pourra être notablement accélérée, en allant directement de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel… » Allez hop ! tout le monde devant le juge pro qui fera de l’abattage selon un barème fixé d’avance pour être prévisible et n’y revenez plus…
« Le regroupement des contentieux sera mis en œuvre, lorsqu’il est de l’intérêt d’une bonne justice que des litiges pendants devant plusieurs conseils des prud’hommes situés dans le ressort d’une même cour d’appel soient jugés ensemble… » Ben oui quoi, multiplier les contentieux cela coûte cher au grand capital, on va donc regrouper toutes les procédures en une seule. Le patron aura un seul avocat mais nous, les sans-dents, nous devront avoir chacun le nôtre, et puis le jugement sera global selon un barème… Et hop ! ni vu ni connu le sans-dents a encore quelques dents en moins… C’est beau le prôôôgrèès à la sauce socialo. J’adore.
Renforcer la protection des procédures collectives (c’est l’un de mes passages préférés, à lire page 49)
« Tout mettre en œuvre pour permettre la poursuite de l’activité des entreprises en difficulté, de manière à sauvegarder le plus d’emplois possible. Rationaliser le traitement par la justice commerciale des dossiers concernant les plus grosses entreprises… » Évidemment, comment être contre le fait de sauver le soldat Ryan, ou le soldat entreprise et ses emplois ? Je suis pour… mais je lis le texte (un sale défaut appris à l’école de la République où les maîtres nous disaient et répétaient de bien lire le sujet) et là je tombe ni plus ni moins de ma chaise (heureusement que je ne suis pas très haut, je me serais fait mal sinon).
« Le projet de loi pour la croissance et l’activité donne la possibilité au juge, en ultime recours, d’obliger la vente des actions des personnes qui contrôlent une entreprise en difficulté au profit de personnes présentant un plan crédible de sauvetage de l’entreprise et de maintien d’emplois… »
Obliger la vente d’actions, hahahahahahahahahaha cela porte juste un nom : celui de vol en bande organisé. Je vous explique, vous êtes par exemple la Banque Orman Socks – comme je ne peux pas risquer un procès avec la banque Goldman Sachs qui est beaucoup plus riche que moi, vous comprendrez bien que je ne peux pas la prendre pour exemple – donc la banque Orman Socks veut racheter une boîte qui se porte mal, super, le propriétaire veut pas vendre (c’est son droit aussi de tout perdre mais pas forcément son intérêt). Le juge va forcer le propriétaire à revendre ses actions à la banque en lui indiquant en plus le prix… Je pense que je vais postuler à un boulot de juge aux redressements judiciaires parce qu’il va y avoir un paquet de fric à se faire si on est gentil et bienveillant avec les banques… En Grèce, ils ont fait passer aussi ce genre de loi permettant la légalisation de la spoliation. Patrons, sachez que vous n’avez pas intérêt à être en difficulté car les charognes rôdent et vont désormais avoir les outils légaux pour nous dépouiller… Hallucinant !
Évidemment ce n’est pas pour voler certains au profit des autres, non, on est dirigé par de gentils socialos, c’est pour not’bien ma brave dame, vous comprenez, il faut sauver l’emploi hahahahahahahahahahaha…
Requalifier le délit d’entrave (page 51)
« Conformément à l’annonce faite par le Président de la République le 19 octobre dernier devant le Conseil stratégique de l’attractivité, les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières… » Bon, si vous n’avez rien compris à cette phrase, c’est normal, vous êtes normal, un peu comme le Président, donc pas d’inquiétude.
Explications simples à l’usage de tous les citoyens libres de notre beau pays. « Le délit d’entrave est, pour un employeur, le fait de porter atteinte à l’exercice du droit syndical… » En clair, quand patron méchant et patron pas appliquer la loi concernant le droit syndical, patron pouvoir y en a être mis en tôle comme Nabilla. C’est simple dit comme ça non ? Eh bien le délit d’entrave c’est aussi simple que ce que je viens de vous dire. Maintenant que vous avez compris ce que c’est vous avez compris, qu’en réalité cette mesure c’est protéger les patrons (qui ne sont pas tous méchants pour les petits mais pas vraiment très sympas non plus pour les plus gros) contre les syndicats… Et réduire les syndicats à un rôle de « pisse dans un violon »…
Actuellement, le délit d’entrave est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €… Franchement, aller en prison pour si peu…
La Loi Macron va donc « supprimer la peine d’emprisonnement associée au délit d’entrave. Cette peine n’est quasiment jamais appliquée, mais est susceptible de dissuader les sociétés étrangères d’investir dans les entreprises françaises ; d’y substituer des sanctions financières qui aient un effet dissuasif suffisant »…
Voilà qui va être de nature, il en est certain, à créer des millions d’emplois dans notre pays.
Le totalitarisme marchand…
… Est un totalitarisme comme les autres. Aussi dangereux, aussi antidémocratique. Et que constate-t-on ? Loi après loi, gouvernement après gouvernement, gauche comme droite, en France comme ailleurs en Europe, en Grèce comme en Espagne, en Italie comme en Allemagne, c’est le même programme qui est consciencieusement appliqué par des élites qui ne dirigent pas selon le bien commun et les intérêts de leurs peuples respectifs mais qui légifèrent en faveur des profits des grandes multinationales. Ce constat est implacable, car c’est sous nos yeux la réalité, ce sont les faits que nous voyons tous les jours.
Je ne suis ni de gauche, ni de droite, bien au contraire ! J’observe et je pense que les clivages politiques n’ont qu’une seule utilité désormais : diviser les peuples qui auraient besoin d’unité. Mais je vois, je vois que l’on retire tous les contrepouvoirs au totalitarisme marchand, toutes les digues tombent les unes après les autres. Or par définition, il ne peut pas y avoir de démocratie et de liberté sans séparation des pouvoirs et sans contre-pouvoirs. Ce qui se passe est donc très grave.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
http://www.economie.gouv.fr/